Des larmes dans les yeux, Marina Bibi replace les ustensiles dans le coin qui lui sert de cuisine dans sa maison d’une seule pièce. « J’espérais tellement avoir un meilleur avenir que celui-ci, sans rats courant sous nos lits et sans devoir lutter chaque jour pour joindre les deux bouts. Mais je crois que je vais devoir me contenter un peu plus longtemps de ce taudis que nous louons. »
La veille, Zamir Khan, qui appartient au groupe ethnique pachtoune, prévoyait encore de quitter Kohat avec sa famille pour se rendre à Karachi, dans l’espoir de trouver un meilleur emploi. M. Khan, qui a fui il y a deux ans le conflit qui sévissait entre les militants et l’armée dans le district de Khyber, travaille actuellement comme ouvrier. « J’ai peu d’espoir que les choses se calment au Khyber. Je pensais que notre meilleur espoir serait de nous rendre dans une grande ville où il y aurait plus de travail. Mais j’ai changé d’avis. Je ne veux plus aller à Karachi », a-t-il dit à IRIN.
Le revirement de M. Khan a été provoqué par un incident récent : l’attaque d’un bus, apparemment menée par un groupe nationaliste sindhi, qui a fait sept morts, dont la plupart étaient des Pachtounes du Khyber Pakhtunkhwa. « [Cet incident] m’a fait peur. Il y a eu des attentats à Karachi également, même si celui-ci a eu lieu dans une autre ville. C’est peut-être mieux de rester plus près de chez nous. »
Les violences envers les Pachtounes ont fait des centaines de morts à Karachi au cours des dernières années. Selon le Human Security Report Project, dont le siège se trouve à Vancouver, plus de 1 000 personnes ont été tuées dans des violences ethniques dans cette ville en 2010. La plupart des victimes étaient venues du Khyber Pakhtunkhwa pour chercher un emploi.
Les tensions persistent entre les Pachtounes et les Mohajirs — des immigrés indiens qui se sont installés au Pakistan, notamment à Karachi, après la partition de 1947.
« La situation est pénible ici pour nous autres Pachtounes », a dit à IRIN Hamid Khan, un ouvrier vivant à Karachi qui songeait à retourner à Peshawar, dans le Khyber Pakhtunkhwa.
« Il y a une épuration ethnique à Karachi, et au Baloutchistan. Certaines forces politiques participent à créer une situation très dangereuse », a dit I.A. Rehman, secrétaire général de la commission autonome pakistanaise des droits de l’homme, depuis Lahore.
Une propagation des violences ethniques
La propagation de la violence à d’autres localités du Sindh inquiète les groupes d’observateurs. « Quel que soit le lieu, les meurtres ethniques sont synonymes de danger. Il est urgent de faire quelque chose pour y mettre fin », a dit M. Rehman à IRIN.
Tout comme M. Khan, d’autres personnes déplacées ont le sentiment de n’avoir nulle part où aller. Muhammad Noor, de la Vallée de Swat, dans le Khyber Pakhtunkhwa, a perdu son petit café de bord de route dans les inondations qui ont ravagé la vallée en 2010. « Ma ferme avait été détruite dans le conflit entre les militants et l’armée l’année précédente... J’avais pensé aller à Quetta [au Baloutchistan, où il a de la famille], mais l’insécurité m’inquiète », a-t-il dit à IRIN.
Selon les chiffres officiels, au cours des deux dernières années, 31 Pachtounes ont été tués au Baloutchistan en raison de leur appartenance ethnique.
« Ma famille vit ici depuis des décennies. Mais actuellement, la situation est difficile pour les non-Baloutches. Les nationalistes veulent que les “colons” provenant d’autres provinces s’en aillent », a dit Muhammad Hameed, un officier de police à la retraite vivant à Khuzdar, une ville du Baloutchistan. Il a ajouté qu’il pensait s’installer à Peshawar, la capitale du Khyber Pakhtunkhwa, et qu’il avait dit à ses fils adultes de faire de même.
« La nouvelle de l’attaque du bus dans le Sindh a fait le tour de la ville », a dit à IRIN Nasir Ullah, un tailleur de Kohat.
Il a expliqué que, comme le bus se rendait à Kohat, les habitants de la ville avaient suivi les nouvelles de son embuscade avec beaucoup d’intérêt.
« De nombreuses PDIP [personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays] se trouvant ici se demandent ce qu’elles doivent faire et où elles devraient aller », a dit Nasir Ullah. « Pour la plupart d’entre elles, il semble que les possibilités sont de plus en plus réduites, étant donné la peur qui règne un peu partout. »
kh/cb
This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions