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Les rapatriés se plaignent de mauvais traitements en Israël

Bol Duop at a transit site for returnees to South Sudan on the outskirts of the capital Juba Hannah McNeish/IRIN
Un premier groupe de 700 Sud-Soudanais a été rapatrié d’Israël à Juba, dans le cadre d’une politique d’expulsion des ressortissants africains dont le but est de protéger l’identité juive de l’État.

Israël et son allié militaire, le Soudan du Sud, qui a accédé à l’indépendance en juillet 2011, après des décennies de guerre civile, assurent tous deux qu’il s’agit d’un processus de « rapatriement volontaire ».

Si certains des 124 passagers du premier vol sont restés très réservés quant à leurs sentiments vis-à-vis de leur retour dans leur pays – nouveau, mais toujours extrêmement pauvre –, plusieurs personnes ont dit que les Sud-Soudanais faisaient l’objet d’une expulsion.

« Nous sommes ulcérés par le fait que le ministre de l’Intérieur ait affirmé que les Sud-Soudanais devaient rentrer chez eux », a dit Paul Ruot Wan dans un centre de transit en périphérie de Juba où les rapatriés ont été enregistrés le 18 juin. M. Ruot a travaillé pendant cinq ans dans des hôtels partout en Israël, avant de se voir dire qu’il devait rentrer dans son nouveau pays.

Or, alors que les rapatriés posaient le pied sur le tarmac de l’aéroport international de Juba, le ministre des Affaires humanitaires sud-soudanais, Joseph Lual Achuil, a déclaré à plusieurs reprises qu’il s’agissait d’un processus volontaire. « Ces personnes n’ont pas été expulsées. Nous nous sommes mis d’accord avec le gouvernement israélien pour que nos ressortissants soient rapatriés pacifiquement et volontairement », a-t-il dit.

Les immigrés qui quittent volontairement le pays reçoivent 1 000 dollars chacun et les employeurs israéliens doivent leur verser tout salaire dû avant leur départ. Le pays compte environ 60 000 immigrés africains, la plupart provenant d’Érythrée, du Soudan du Sud et du Soudan. Or, la tension a monté ces derniers mois. Des manifestations contre les Africains ont été organisées et des attentats ont été commis contre des entreprises leur appartenant.

Bol Duop, un jeune homme de 25 ans, a lui aussi passé cinq ans à travailler dans des hôtels avant de se retrouver marginalisé. « Ça a été une période magnifique, mais [finalement], ils nous ont mis dehors. Ils ont dit que nous devions rentrer chez nous et qu’ils n’avaient plus besoin de nous », a-t-il dit.

Selon M. Duop, le ministère de l’Intérieur a prévu de débarrasser Israël des Noirs en les renvoyant dans leur pays et en donnant l’ordre aux forces de police d’imposer le choix entre une peine de prison ou l’enregistrement au rapatriement. « Ils disent que nous sommes la maladie, le cancer d’Israël. »

« Ils nous disaient que nous étions le sida, que nous étions une maladie. Ils nous disaient toutes sortes de mauvaises choses », a déploré Mayuol Juac, qui a travaillé comme serveur dans des hôtels de la station balnéaire d’Eilat et à Tel-Aviv.

La bourse ou la vie

« De nombreuses personnes sont actuellement en prison. Elles se sont fait arrêter. Ceux qui ne se sont pas enregistrés sont arrêtés et mis en prison avant de pouvoir faire les démarches » pour obtenir le remboursement des taxes, fermer leurs comptes bancaires et recevoir de l’argent du gouvernement pour partir, a expliqué M. Duop.

« Ils disent que si on s’enregistre, ils vont nous emmener et nous pourrons nous préparer en prison... C’est pour cela que nous avons accepté de rentrer immédiatement », a-t-il ajouté.

Certains sont moins mécontents d’être chez eux que de la façon dont le processus a été mené. Kueth Miyual, debout près de sa femme, Buk, et entouré de tas de bagages, a dit qu’il avait passé cinq ans à travailler comme nettoyeur et serveur dans des hôtels de Jérusalem. Sa femme et lui affirment qu’ils sont heureux d’être de retour, maintenant qu’ils ont un peu d’argent, mais qu’on ne leur a pas laissé le temps de récupérer les 3 000 shekels (780 dollars) qu’ils avaient sur leur compte bancaire après la révocation de leurs visas.

African migrants eating in a park in Tel Aviv
Photo: Mya Guarnieri/IRIN
Des migrants africains mangent dans un parc à Tel-Aviv (photo d’archives)
Selon M. Juac, les Sud-Soudanais ne reçoivent pas leur dû en ce qui concerne les remboursements de taxes et les récompenses du gouvernement. « De nombreuses personnes restent en Israël, car elles ont besoin de leur argent, » a-t-il expliqué.

De la prison à Juba

M. Juac a raconté comment, après cinq ans passés à travailler en Israël, il avait été interpelé de nombreuses fois au cours des derniers mois et même placé en détention pendant une journée avant que la police vérifie qu’il s’était bien enregistré. Il a expliqué qu’il n’avait pas eu d’autre choix que de partir, lorsque les autorités avaient confisqué son visa trois mois plus tôt, alors qu’il allait le renouveler. Il était dès lors dans l’incapacité de continuer à travailler et de payer son loyer.

« Il m’ont pris [mon visa] et dit : “vous avez une semaine pour partir, une semaine seulement pour quitter le pays”. Ils ont dit : “si vous ne quittez pas le pays, nous vous mettrons en prison ou vous serez en situation d’insécurité” sans visa ni logement », a-t-il rapporté.

« Ils ont dit : “vous n’êtes pas juif. Cet endroit est réservé aux juifs”. Et ils ont aussi dit : “vous êtes noir. Cet endroit est réservé aux juifs et aux blancs. Tous ceux qui ne sont pas juifs ni blancs n’ont pas leur place en Israël” », a-t-il ajouté.

Barnaba Marial Benjamin, porte-parole du gouvernement sud-soudanais, a rejeté les allégations des autorités israéliennes selon lesquelles 300 Sud-Soudanais avaient été arrêtés.

« Aucun Sud-Soudanais n’a été arrêté. De nombreuses personnes affirment être des Sud-Soudanais alors que c’est faux », a-t-il déclaré. Selon M. Benjamin, des Darfouriens originaires de l’ouest du Soudan, ravagé par la guerre, se seraient fait passer pour des Sud-Soudanais.

« C’est la raison pour laquelle une délégation [du gouvernement] s’est rendue [en Israël] pour identifier nos ressortissants. Les Sud-Soudanais ne sont pas visés », a-t-il ajouté.

Un retour difficile

Angelo Wello, agent de coordination entre le ministère des Affaires humanitaires et le centre de transit de Juba, a déclaré que le prochain vol devrait avoir lieu dans une semaine. « Il y a déjà 3 000 rapatriés ici, principalement du Soudan, pas d’Israël. Ceux-ci sont arrivés aujourd’hui et nous sommes en train de procéder à leur enregistrement avant de les envoyer chez eux. Ils peuvent aussi partir, s’ils ont de la famille ici. C’est ce que font beaucoup d’entre eux, comme vous pouvez le voir, » a-t-il dit.

Habillés à la dernière mode, arborant des sacoches à ordinateur portable, des poussettes de marque, de gros écouteurs et de grandes valises, les rapatriés d’Israël contrastent singulièrement avec ceux du Soudan, dont les enfants marchent pieds nus et portent des vêtements simples et usés. Ces derniers font partie des 14 000 personnes qui vivent depuis des mois dans des camps de fortune du centre de transit de Kosti.

Environ 400 000 Sud-Soudanais sont rentrés chez eux depuis octobre 2010. Environ 500 000 autres se trouveraient encore dans le Nord, dans l’attente d’un accord sur le statut de citoyen qui leur éviterait d’être déportés vers le Sud.

Les Miyuals disent qu’ils vont rentrer à Malakal avec leur famille. Malgré ses énormes ressources en pétrole, cette ville de l’État du Haut-Nil se trouve toujours dans une situation d’extrême pauvreté et manque de routes adéquates, d’électricité et des services de santé et d’éducation essentiels. « Cela fait 10 ans que j’ai quitté le Soudan du Sud, alors j’ignore ce qui s’est passé ici. Mais c’est mon pays », a dit Buk Miyual.

« La vie [en Israël] était agréable, mais depuis l’indépendance de notre pays, ils ont changé et commencé à faire pression pour que nous quittions le pays », a expliqué M. Juac, avant d’ajouter que le retour de personnes qualifiées pourrait aider à reconstruire son pays, détruit par la guerre.

« Je vois bien qu’il y a beaucoup de travail à faire dans le pays. Je ne vois aucun progrès, mais nous allons en faire », a-t-il dit. « Nous avons obtenu l’indépendance de notre pays pour y rester, pas pour nous enfuir ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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