« Nous n’avons toujours pas toutes les ressources pour la nourriture, l’eau potable, les abris et les services sanitaires nécessaires pour sauver la vie de centaines de milliers de Somaliens dans usne situation désespérée, » a dit Mark Bowden, coordinateur humanitaire de l’ONU pour la Somalie.
Une action immédiate est requise pour empêcher la famine de s’étendre aux huit régions du sud de la Somalie. « Chaque jour perdu est littéralement une question de vie ou de mort pour les enfants et leurs familles dans les zones affectées par la famine, » a déclaré M Bowden au cours d’une conférence à Nairobi le 20 juillet.
« La situation réclame des mesures exceptionnelles » en termes de rapidité pour la distribution de l’aide et pour ce qui est des conditions que les donateurs devraient pouvoir accepter, » a t-il ajouté.
Avec des taux de malnutrition dépassant les 50 pour cent dans certains districts, les Nations Unies ont annoncé que la famine avait frappé la région de Basse Shabelle et le sud de Bakool. Selon M. Bowden, une évaluation récente a souligné « la gravité choquante de la crise » et confirmé que le reste de la Somalie est « proche des conditions de famine ».
D’après l’échelle en cinq points du Cadre intégré de la classification [de la sécurité alimentaire], une famine est déclarée quand au moins 20 pour cent des foyers sont exposés à d’extrêmes pénuries alimentaires avec des moyens très limités pour y faire face, quand la prévalence de la malnutrition aiguë globale dépasse 30 pour cent et quand le taux brut de mortalité brute est supérieur à deux décès par jour pour 10 000 personnes.
Mais déclarer qu’une crise alimentaire est une famine ne présente pas les mêmes exigences juridiques que l’annonce d’un génocide, malgré la politisation du terme et la sévérité de l’appellation.
« Moralement parlant, famine est un terme qui doit provoquer l’indignation morale, » a dit Bruno Geddo, représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (le HCR). « Emotionnellement, il devrait pousser les gens à faire plus. »
Josette Sheeran, directrice exécutive du Programme alimentaire mondial (PAM) a déclaré : « Le PAM avait vu venir cette urgence… Il est désormais vital que la coalition des acteurs de la communauté internationale – notamment les agences onusiennes, les gouvernements, les organisations non gouvernementales et les organisations régionales – reçoivent rapidement le soutien généreux et les donations qui vont permettre d’agir sur la crise. »
La milice Al-Shabab qui contrôle une partie de la Somalie, a récemment réclamé une aide alimentaire internationale. L’impossibilité pour les agences humanitaires de travailler dans la région depuis le début de 2010 avait empêché l’aide d’atteindre les plus affamés, en particulier les enfants, ce qui a contribué à la crise.
Le nombre des victimes s’accroît
« Quelque 11 000 personnes sont mortes à cause de la sécheresse dans les 45 derniers jours, 9 000 dans les régions de Bay, Bakool et Basse Shabelle, le reste dans d’autres régions du sud et du centre de la Somalie, » a dit à Mogadiscio Abdikadir Hirsi Shekhdon, membre du comité gouvernemental contre la sécheresse.
« Le gouvernement et le public aident les personnes vulnérables, » a t-il ajouté. « Le Président a ainsi distribué 1 000 tentes, 1 000 couvertures et 1 000 matelas à certains des déplacés de Mogadiscio. »
Mais avec 3,7 millions de personnes - dont on estime que 2,8 se trouvent dans le sud - en situation de crise, soit près de la moitié de la population somalienne, l’ampleur de la crise est énorme.
« Aujourd’hui l’attention du monde est tournée vers mon pays. Je demande au monde de s’attaquer aux causes fondamentales de cette catastrophe humanitaire et je demande de toute urgence les ressources nécessaires pour reconstruire l’Etat somalien malgré le conflit en cours, » a dit le premier Ministre somalien Abdiweli Mohamed Ali. « La situation va encore empirer pour le peuple somalien, avant de s’améliorer. »
La crise a forcé des milliers de Somaliens à chercher refuge à la capitale, Mogadiscio.
Photo: Mohamed Amin Jibril/IRIN |
Farhiya Ahmed – deux de ses cinq enfants ont survécu mais l'un est très malade |
Signaux d’alarme
La communauté humanitaire a accéléré sa réponse à la crise : des activités de travail contre rémunération ou des distributions d’espèces ont été mises en œuvre ; des distributions de nourriture ont eu lieu. Action contre la Faim par exemple distribue par avion des tonnes de nourriture en Somalie et le HCR a ajouté des sels de réhydratation orale, des biscuits hyper protéinés et des tablettes de purification de l’eau à ses kits d’urgence, des articles qui n’en font pas normalement partie.
« A ce jour, les donateurs ont promis moins de 200 millions de dollars, laissant un trou noir de 800 millions de dollars, » a dit Oxfam Grande-Bretagne, en parlant des besoins en financement humanitaire de la Corne de l’Afrique, avant l’annonce de la famine.
Les secours ne seront pas là avant des mois, et pourtant des signes précurseurs avaient été relevés il y a un an par le Réseau des systèmes précoces d’alerte contre la famine (FEWS NET) et par l’Unité d’analyse de la sécurité alimentaire et de la nutrition. Selon Chris Hillbruner, conseiller en aide à la décision et à la planification à Fews Net, la crise montre qu’une information relativement sérieuse et précise, quand elle est fournie largement à l’avance, devrait aider la réponse d’urgence.
M. Bowden a dit à IRIN que l’information d’alerte précoce et son analyse avaient beau avoir été exceptionnelles, elles ne s’étaient pas traduites par des mesures de prévention. « En Somalie, il y a un décalage entre l’alerte et la réponse, » a t-il ajouté. « Il nous faut écouter nos systèmes d’alerte précoce et garantir l’impartialité de nos réponses humanitaires. »
Fran Equiza, directrice régionale d’Oxfam, a appelé à une action globale rapide afin d’éviter la répétition de telles crises.
« L’aide d’urgence est cruciale en ce moment même, mais nous devons également nous demander comment nous en sommes arrivés là et comment nous pouvons faire en sorte que cela ne se reproduise plus jamais, » a t-elle dit.
« Les signaux d’alarme étaient visibles depuis plusieurs mois et le monde a tardé à réagir. Un investissement à long terme bien plus important est nécessaire dans le domaine de la production alimentaire et du développement de base, pour aider les populations à faire face à des pluies insuffisantes et garantir que cette famine sera la dernière dans la région. »
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