Si l’expérience et les compétences comptent aussi, ce sont souvent les « qualités personnelles » qui différencient un leader satisfaisant d’un leader exceptionnel, indique le rapport. Parmi ces qualités, on peut notamment citer la passion, le dévouement, le fait de placer les besoins des communautés au centre du processus décisionnel, la conscience de ses propres limites, la capacité à apprendre rapidement de ses erreurs et, selon Ross Mountain, l’ancien représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations Unies en République démocratique du Congo (RDC), le fait de posséder suffisamment d’assurance pour accepter de ne pas être apprécié de tout le mode.
Mais l’aversion croissante au risque dans le secteur humanitaire limite la capacité des individus à exercer ces qualités, ce qui compromet l’efficacité du leadership assumé par ces personnes, a dit à IRIN Margie Buchanan-Smith, l’auteure du rapport.
Selon elle, même s’il s’agit d’un objectif important, la volonté actuelle d’améliorer la redevabilité a, dans certains cas, « étouffé toute créativité » au sein des organisations humanitaires.
« Une étouffante culture du respect des règles »
Paul Knox-Clarke, responsable de la recherche à l’ALNAP, a dit à IRIN : « Il y a plus de mécanismes de contrôle, plus de cases à cocher...Cela peut empêcher certaines choses graves ou inhabituelles de se produire, mais il faut parfois, dans certaines situations, se montrer moins orthodoxe ».
Le problème est particulièrement criant au sein des agences des Nations Unies, qui sont plus hiérarchiques et bureaucratiques que les organisations non gouvernementales (ONG) et où « les individus ont plus souvent tendance à prendre des risques lorsqu’ils ne tiennent pas compte de leur carrière et accordent la priorité aux objectifs humanitaires ».
De ce fait, les bons leaders apparaissent souvent « en dépit » et non pas « à cause » de la culture de l’organisation, indique le rapport. Il cite comme exemple le cas d’Andrew Macleod, chef du centre des opérations de secours des Nations Unies au Pakistan après le tremblement de terre de 2005, qui, malgré son statut dans la hiérarchie, a efficacement coordonné les efforts de la communauté humanitaire, du gouvernement pakistanais et des militaires.
Le but n’est pas de prendre des risques pour prendre des risques. On parle plutôt de « risques honorables » qui en valent la peine. En d’autres mots, il faut parfois prendre des décisions courageuses en gardant à l’esprit les lourdes conséquences qu’elles pourraient avoir – lorsque des vies sont en jeu, par exemple, a dit Mme Buchanan-Smith.
Selon ses collègues, Abbas Gullet, secrétaire général de la Croix-Rouge du Kenya, incarne parfaitement cette approche. « Tout est possible », ont-ils dit lorsqu’ils ont décrit sa façon d’accueillir les idées créatives et audacieuses.
Sous-représentation des femmes et du personnel local
Si les qualités identifiées dans le rapport ne s’appliquent pas seulement au secteur humanitaire, les situations dans lesquelles elles doivent être exercées dans ce secteur sont souvent particulièrement complexes et difficiles. Les leaders humanitaires sont notamment appelés à travailler avec des personnes en détresse ; à prendre des décisions qui affecteront des vies en se basant sur des informations ambiguës ; et à travailler dans des environnements dangereux.
On peut apprendre à être un bon leader, mais ce sont souvent des expériences vécues pendant l’enfance ou des mentors qui permettent d’acquérir les qualités nécessaires, a dit El Khidir Daloum, ancien directeur pays de l’ONG britannique Save the Children UK pour la Somalie, qui considère son père comme son premier mentor.
Le parcours de M. Khidir est inhabituel dans le secteur humanitaire, où le potentiel de leadership du personnel local est « généralement ignoré », a dit Mme Buchanan-Smith. M. Khidir, un Africain, a commencé comme simple employé avant de s’élever au rang de directeur pays et responsable de programme.
Photo: Save the Children/IRIN |
El Khidir Daloum a récemment été décrit comme un leader humanitaire particulièrement efficace dans la nouvelle étude de l’ALNAP. |
Mme Mahmood est l’une des rares femmes dont le nom apparaît sur la liste des bons leaders. Selon les personnes interrogées, il s’agit là d’un problème qui doit être mieux compris et auquel il faut remédier le plus rapidement possible.
On associe souvent « leadership » et « homme occidental », a dit M. Knox-Clarke. Dans une certaine mesure, les chercheurs eux-mêmes font cette association. De nombreuses personnes interrogées semblent par ailleurs croire qu’il faut être un bourreau de travail pour être un bon leader. Ils ont d’ailleurs décrit les bons leaders comme étant « mariés à leur boulot ».
« De nombreux hommes ont tenté de concrétiser l’idée qu’ils se font du leadership dans un monde de plus en plus complexe où ce modèle pourrait ne pas fonctionner aussi bien qu’on le pense », a-t-il ajouté.
Plutôt que de désigner un leader incarnant une « combinaison héroïque » d’attributs qui mèneront inévitablement à la dépression nerveuse, les organisations humanitaires feraient bien de considérer l’adoption d’une approche de leader-animateur [par opposition au leader-héros], c’est-à-dire de considérer les capacités de leadership collectives d’une équipe plutôt que de se concentrer sur une seule personne, a dit M. Knox-Clarke. « Cela permettrait d’alléger le fardeau du coordonnateur humanitaire et de le distribuer plus équitablement entre les membres de l’équipe pays chargée des opérations humanitaires », a-t-il ajouté.
Quand il s’agit de prendre des risques, la communauté humanitaire devrait suivre l’exemple des organisations du secteur public qui ont amélioré leur redevabilité sans pour autant faire obstacle à l’exercice du leadership, a dit Mme Buchanan-Smith. Au lieu de mettre l’accent sur le respect des procédures et l’atteinte des objectifs financiers de l’organisation, les cadres supérieurs devraient réfléchir à de nouvelles façons de stimuler le leadership, a dit M. Knox-Clarke.
Finalement, il faut de toute urgence tenter de répondre à la question de savoir pourquoi il y a si peu de femmes et de locaux parmi ceux qui ont été cités comme de bons leaders qui occupent des postes importants sur le terrain, a dit Mme Buchanan-Smith.
aj/cb – gd/amz
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