Selon le Centre de surveillance des déplacements internes (Internal Displacement Monitoring Center, IDMC), basé à Oslo et affilié au Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), environ 400 personnes ont été déplacées quotidiennement entre 2006-2010 – 730 000 au total –, la plupart à cause d’opérations militaires menées par les forces américaines ou l’OTAN.
Le renforcement de la présence militaire des États-Unis et de l’OTAN et la multiplication des opérations de contre-insurrection en 2010 ont entraîné le déplacement d’environ 85 000 personnes dans le sud instable du pays seulement. Selon l’IDMC, quelque 10 000 personnes ont également été déplacées par des offensives menées dans le nord.
« À l’heure actuelle, les forces américaines et la FIAS [Force internationale d’assistance à la sécurité de l’OTAN] ne comprennent pas bien l’impact de leurs opérations sur les déplacements internes », a dit à IRIN Jacob Rothing, un analyste pays de l’IDMC, ajoutant que les procédures standards du centre pour minimiser les déplacements de civils n’étaient pas développées et utilisées par les forces américaines et l’OTAN en Afghanistan.
En outre, dans certaines communautés, des milices locales recrutées par le gouvernement et ses alliés américains et de l’OTAN pour mener des opérations de contre-insurrection ont pratiqué l’extorsion et se sont emparées de terres, ce qui a entraîné d’autres déplacements internes, a déclaré M. Rothing.
La FIAS a indiqué qu’elle n’était « ni en accord ni en désaccord » avec les accusations selon lesquelles les forces placées sous son commandement étaient responsables de la majeure partie des déplacements de civils en Afghanistan.
« Nous n’avons pas vu comment les causes des déplacements de population liés à un conflit sont déterminées », a dit John L. Dorrian, un porte-parole de la FIAS.
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a indiqué qu’il n’était pas en position de dire quelle partie au conflit était plus à blâmer pour la majeure partie des déplacements internes.
« Nous pouvons certainement dire que les gens sont principalement déplacés par le conflit. Dans ce contexte, toutes les parties au conflit sont à blâmer », a dit Nader Farhad, un porte-parole du HCR à Kaboul.
La FIAS affirme quant à elle que sa campagne contre-insurrectionnelle (COIN) est axée sur la protection des civils.
Victimes
« Le général David Petraeus [commandant des forces internationales en Afghanistan] a clairement fait comprendre aux soldats de la FIAS que la présence de victimes civiles et de dommages collatéraux était préjudiciable à la cause de la FIAS », a dit à IRIN John L. Dorrian, un porte-parole de l’OTAN/FIAS à Kaboul, ajoutant que si les soldats ne respectaient pas les principes de la contre-insurrection, « les victoires tactiques pourraient se révéler être des échecs stratégiques ».
La Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) a rapporté en mars que le nombre de victimes civiles attribuées aux forces étrangères avait diminué de près de 26 pour cent en comparaison avec l’année précédente, mais que le nombre de non-combattants tués et blessés par les groupes d’opposition armés avait augmenté de 28 pour cent pendant la même période. D’après la MANUA, plus de 2 770 civils afghans ont trouvé la mort en 2010.
Les talibans ont toutefois qualifié le rapport de la MANUA de « biaisé ».
« Si les forces armées américaines et de la FIAS ont fait des efforts fructueux en 2010 afin de réduire le nombre de victimes civiles, elles n’ont cependant pas fait des efforts équivalents pour limiter les déplacements internes malgré l’ampleur du phénomène et son impact démontré sur le soutien accordé aux forces internationales » |
Faible capacité du gouvernement
Plus d’un million de personnes ont été déplacées en 2002 après que l’intervention militaire dirigée par les États-Unis a entraîné la chute du régime taliban. Selon les organisations d’aide humanitaire, la plupart des PDIP pachtounes qui avaient quitté leur maison dans le nord du pays en 2001-2002 sont retournés dans leur région ou se sont installés ailleurs dans le pays.
L’intensification du conflit au cours des cinq dernières années a cependant forcé des dizaines de milliers de personnes à quitter leur foyer, principalement dans le sud particulièrement instable du pays.
Si les organisations d’aide humanitaire internationales ont satisfait certains des besoins immédiats des PDIP (principalement par la fourniture de denrées alimentaires et non alimentaires), le gouvernement a quant à lui été critiqué pour son inefficacité à régler les problèmes associés aux déplacements de population.
« Le gouvernement afghan est généralement incapable ou peu disposé à aider les PDIP », indique le rapport de l’IDMC.
Islamudin Jurat, un porte-parole du ministère des réfugiés et des retournés (Ministry of Refugees and Returnees, MoRR), a reconnu qu’il y avait un manque de capacité institutionnelle pour proposer des solutions à long terme au problème de plus en plus préoccupant des déplacements internes.
« Le ministère fait partie du gouvernement et il y a des insuffisances en matière de capacité dans l’ensemble du gouvernement. Nous ne négligeons pas ce fait et nous nous engageons à développer et améliorer notre capacité », a indiqué M. Jurat.
Plus de PDIP en 2011
Plus de 390 000 PDIP sont actuellement dispersées dans l’ensemble du pays. Selon le HCR, la plupart d’entre eux vivent dans des camps improvisés et des zones d’habitation informelles. Le HCR souligne également que le nombre réel de PDIP pourrait être nettement plus élevé, car il n’a pas accès à tous les déplacés.
Selon l’IDMC, environ 49 pour cent des PDIP sont des femmes et 51 pour cent, des hommes. Cinquante-quatre pour cent ont moins de 18 ans et moins de 2 pour cent ont plus de 60 ans.
Malgré la présence militaire sans précédent des États-Unis et de l’OTAN (plus de 150 000 soldats), on s’attend à une augmentation de l’insécurité en 2011, avec les conséquences tragiques que cela implique pour les civils.
« L’IDMC s’attend à ce que les déplacements soient plus nombreux en 2011 qu’en 2010 », a dit Jacob Rothing, ajoutant que 78 000 personnes ont été déplacées entre septembre 2010 et janvier 2011 contre 18 000 dans les cinq mois précédents.
« Le nombre de déplacements commence déjà à augmenter dans le nord », a-t-il indiqué.
D’autres organisations humanitaires telles que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont également souligné que la situation sécuritaire était devenue « intenable » pour les civils.
« Nous avons assisté à une nette détérioration de la situation sécuritaire pour la population afghane au cours des deux premiers mois de 2011 », a indiqué le CICR le 15 mars dernier.
Selon l’IDMC, afin de réduire les déplacements de population, les forces américaines et de l’OTAN devraient respecter leurs propres procédures standards pour protéger les civils « avant, pendant et après » les opérations militaires et développer des mécanismes de surveillance et de communication de l’information appropriés sur les déplacements forcés.
« Nous encourageons fortement les dirigeants militaires à élaborer de telles directives en collaboration avec le HCR, les PDIP et d’autres organisations compétentes », a ajouté M. Rothing, de l’IDMC.
L’OTAN/FIAS a indiqué qu’elle fournissait « une grande quantité d’aide humanitaire » aux Afghans – près de 500 000 bénéficiaires dans le premier trimestre de 2011.
Les organisations d’aide humanitaire soutiennent cependant qu’elles sont les premières en termes de réponse humanitaire et que la meilleure contribution de l’OTAN/FIAS serait d’éviter ou du moins limiter les déplacements de population qui découlent de leurs activités militaires.
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