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Des évacués traumatisés décrivent l’horreur de Misrata

The mood in Benghazi remains defiant, despite little progress by the rebel fighters Kate Thomas/IRIN
A man looks at posters and graffiti on a wall in Benghazi
Des civils évacués de Misrata, une ville ravagée par la guerre située dans l’ouest de la Libye, ont décrit la situation humanitaire là-bas comme terrible. Les familles peinent à trouver suffisamment d’eau et de nourriture, il est difficile d’obtenir des soins médicaux et des cadavres jonchent les rues.

« Nous pouvions entendre les snipers abattre les gens dans la rue », a dit Mariam Doua, une enseignante de la ville. « [Des combattants rebelles] ont fini par venir nous trouver au beau milieu de la nuit, pendant que les miliciens dormaient. Nous avons couvert la bouche des enfants et nous avons couru nu-pieds dans la rue ».

« Nous avons réussi à nous rendre au port et à embarquer à bord d’un bateau de pêche qui nous a amenés à Benghazi [qui est sous le contrôle des rebelles] ».

Avant de fuir, la famille de Mme Doua s’est terrée pendant quatre jours dans la maison familiale située sur la rue Tripoli, la ligne de front de Misrata, puis pendant deux semaines dans la maison d’un proche avec pour seules provisions deux bouteilles d’eau et quelques boîtes de conserve.

Aucun transport officiel n’a encore été organisé pour les Libyens qui tentent de fuir Misrata, mais ils sont nombreux à atteindre Benghazi à bord de bateaux de pêche qui ne sont pas toujours en état de naviguer.

La belle-mère de Mme Doua, Halima, a dit qu’elle avait vu les cadavres de familles entières allongés dans la rue devant leur maison.

« J’ai perdu mon fils ; il a été abattu par un sniper », a-t-elle dit. « Un autre de mes fils a été évacué dans un hôpital en Tunisie. Le troisième combat toujours à Misrata. Quand nous sommes partis, la rue était une véritable zone de guerre. Il y avait des cadavres dans le caniveau et au marché de légumes où je fais normalement mes courses. Les miliciens ont violé des femmes, massacré des hommes et tué des enfants ».

Elle a montré à IRIN les blessures causées par des balles perdues sur sa jambe et son abdomen.

« J’ai saigné pendant plusieurs jours parce qu’il était trop dangereux de me rendre à l’hôpital », a-t-elle dit. « J’ai pu voir un médecin à Benghazi, mais j’ai eu de la chance, car il y en a beaucoup qui sont dans une situation pire que la mienne. L’une de mes amies était dans ses dernières semaines de grossesse et elle a fait de l’anémie parce qu’elle n’avait rien à manger. L’un de nos cousins, qui est paraplégique, a été torturé par électrocution. Les miliciens ont versé de l’urine sur son visage et tenté de l’étrangler avec un sac de plastique ».

« J’ai perdu mon fils ; il a été abattu par un sniper…Quand nous sommes partis, la rue était une véritable zone de guerre. Il y avait des cadavres dans le caniveau et au marché de légumes où je fais normalement mes courses. Les miliciens ont violé des femmes, massacré des hommes et tué des enfants »
Lorsque l’un de ses bourreaux a reconnu son nom de famille toutefois, on l’a ramené dans la rue et autorisé à partir, a-t-elle ajouté.

« Ce que j’ai vu m’a rendue malade », a ajouté Halima.

Cauchemars

Raju, un dentiste d’Hyderabad, en Inde, qui est venu s’installer à Misrata en 2010, a fait des cauchemars toutes les nuits pendant trois semaines. Il rêvait que les soldats du gouvernement essayaient de le tuer.

« La nuit dernière, pour la première fois, je me suis endormi sans entendre de tirs d’artillerie », a dit Raju, qui est arrivé à Benghazi il y a quelques jours à bord d’un bateau affrété par l’Office des migrations internationales (OMI).

« La situation était horrible là-bas », a-t-il dit à IRIN depuis un camp géré par le Croissant-Rouge libyen. « Je me suis caché pendant 20 jours dans une maison avec très peu de nourriture et d’eau. Je vivais avec ce que les [rebelles] m’amenaient lorsqu’il n’y avait pas de danger. Une nuit, un missile s’est écrasé sur mon balcon ».

Raju espérait économiser suffisamment d’argent pour permettre à son fils aîné d’aller à l’université, mais le conflit a éclaté en février dans l’ensemble de la Libye, et la ville de Misrata est devenue un champ de bataille d’où il était presque impossible de fuir.

Avec l’escalade des attaques des forces pro-Kadhafi sur Misrata, une ville stratégique située entre Tripoli et Syrte, la ville natale du colonel Mouammar Kadhafi, la situation devient de plus en plus alarmante, selon les travailleurs humanitaires et les groupes de défense des droits. Des habitants ont dit à IRIN que la ville disputée était devenue un obstacle parce qu’elle empêchait Kadhafi d’atteindre Syrte.

« Je me réjouis d’être en sécurité ici », a dit Raju. « Mais ce matin, je me suis réveillé en sueur à trois heures du matin. Je rêvais que mon fils me disait : 'Papa, pourquoi tu meurs et tu me laisses tout seul ?' Ça va prendre du temps à guérir, mais quand je vais voir ma femme et mes enfants, je vais tout oublier ».

« Je suis parti avec les vêtements que je porte maintenant et mon passeport », a-t-il ajouté. « Comme la banque était fermée, je n’ai pas pu retirer l’argent que j’avais gagné. Je ne pense pas pouvoir le récupérer. Je suis venu en Libye pour économiser de l’argent pour ma famille et je repars les mains vides. Même mon diplôme a disparu. Il était dans le bureau de l’entreprise, qui a brûlé ».

Le Croissant-Rouge et les travailleurs migrants

Le Croissant-Rouge libyen tente d’aider les ressortissants étrangers à établir le contact avec leur ambassade ou consulat.

Diagram showing number of people who have left Libya since January 2011
Photo: OCHA
Schéma montrant le nombre de personnes qui ont fui la Libye depuis janvier 2011
« Les travailleurs migrants ont besoin de nourriture et d’un abri, mais ils ont surtout besoin de contacter leur famille », a dit le porte-parole de l’organisation, Omar Abdusalam. « Une fois que leurs besoins essentiels sont comblés, nous cherchons à établir le contact avec leur ambassade ou consulat, et l’OMI prend ensuite la relève pour organiser le transport vers l’Égypte et leur pays d’origine ».

Dina Jarbon, une bénévole du Croissant-Rouge libyen de Benghazi, a dit à IRIN qu’elle avait fait 127 appels de deux minutes chacun le 17 avril dernier afin de permettre aux travailleurs migrants de parler à leur famille. « La plupart des travailleurs migrants n’avaient pas été en contact avec leur famille depuis plusieurs semaines », a-t-elle dit. « Certaines familles ont supposé que leur mari, leur fils ou leur père était mort. J’ai moi-même des enfants, je sais comment ils peuvent se sentir ».

Lorsque Ghayasuddin, un ingénieur mécanique de 45 ans originaire d’Islamabad, a appelé sa femme à son arrivée à Benghazi depuis Misrata, celle-ci était persuadée qu’il était mort. « Même si nous n’avons pu parler qu’une minute, au moins elle sait que je suis sain et sauf ».

« Situation critique »

En date du 15 avril, plus de 267 corps avaient été amenés dans les morgues des hôpitaux de Misrata, et la plupart d’entre eux étaient des civils, selon les informations récoltées par Human Rights Watch (HRW) auprès de médecins locaux. L’organisation a ajouté que le nombre de morts était plus élevé parce que certaines familles n’ont pas amené les corps de leurs proches à la morgue.

Selon HRW, les fragments et les débris de roquettes trouvés à Misrata indiquent l’utilisation – par les deux factions – de roquettes Grad, de fabrication russe, qui sont souvent lancées en salves pour couvrir une vaste zone et causent beaucoup de décès et de blessures parmi les civils. Des bombes à sous-munitions, qui sont interdites par plus de 180 pays, auraient également été utilisées.

Les combats ont été particulièrement intenses au cours des quatre derniers jours. Le 16 avril, les forces du gouvernement auraient apparemment touché le parking situé juste à l’extérieur de la clinique médicale Zawiyat el-Mahjoub, dans le quartier résidentiel de Zawiya, avec un obus de mortier de 82 mm à charge hautement explosive, projetant des éclats dans la clinique et blessant un technicien médical et trois civils.

Le gouvernement libyen nie avoir ciblé des civils dans sa lutte contre les rebelles armés.

Selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), environ 10 000 ressortissants de pays tiers vivaient à Misrata au début de la crise. L’Office des migrations internationales (OMI), qui tente de les évacuer, utilise un bateau qui peut transporter jusqu’à 800 personnes à la fois. L’OMI a ainsi réussi à évacuer 2 400 personnes entre le 14 et le 18 avril. Trois mille six cents personnes attendent toujours d’être évacuées.

L’OMI a cependant des difficultés à réunir les fonds nécessaires. « Nous ne devrions pas avoir à décider qui sauver lorsqu’autant de gens se trouvent dans une situation critique comme celle-ci », a dit Fernando Calado, responsable de la division d’urgence et d’après-crise de l’OMI.

Des travailleurs humanitaires ont commencé à affluer à Misrata, mais ils estiment que la situation est dangereuse pour les équipes qui sont sur place. L’association italienne Emergency a amené une équipe chirurgicale par bateau depuis Benghazi. Selon l’organisation, la plupart des infirmières des six hôpitaux de Misrata – principalement originaires des Philippines, d’Ukraine et du Soudan – ont fui lorsque les bombardements ont commencé.

« L’une des choses qui m’a touché le plus, c’est l’esprit avec lequel les Libyens travaillaient en collaboration pour prendre soin de nous », a dit Raju. « Même lorsque je n’avais rien à manger, je voyais les sourires sur les visages des gens et je ne ressentais plus la faim. Malgré les circonstances, nous avons été très bien traités ».

« Même le voyage pour se rendre ici, sur des vagues de plus de dix pieds de haut, était bien », a-t-il ajouté. « Sur le bateau, on m’a donné un morceau de poulet et je l’ai savouré comme jamais ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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