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Débuts précaires pour la République du Sud-Soudan

Women carry a flag in southern Sudan Jose Miguel Calatayud/IRIN
Women carry a flag in southern Sudan
La réapparition d’une opposition armée interne au Sud-Soudan reflète une double réalité: la naissance de cette nouvelle nation indépendante, prévue pour le 9 juillet, sera marquée non seulement par les célébrations d’une libération issue d’une longue bataille, mais aussi par des inquiétudes quant à la capacité du gouvernement de maintenir la paix et la stabilité sur une vaste région peuplée de nombreuses ethnies différentes.

Les allégations d’unité chez les rebelles alimentent cette anxiété. Le plus célèbre des opposants actuels à l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA), George Athor, ancien général de la SPLA, qu’il avait quittée après avoir déclaré que les élections d’avril 2010 pour le poste de gouverneur étaient entachées de fraude, a annoncé récemment que cinq forces d’opposition actives dans plusieurs Etats avaient formé un front commun contre le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM) qui est à présent au pouvoir.

« Notre objectif est la mise en place de la démocratie dans le nouveau pays du Sud-Soudan, » a dit M. Athor joint par téléphone satellite de l’abri secret où il se cache au Jonglei.

« Nous devons garantir l’égalité pour tous les Soudanais, quelle que soit leur tribu, » a dit M. Athor, arguant que l’égalité n’existe pas chez les Sudistes sous l’autorité du SPLM, qui est dominé par les Dinka, le groupe ethnique le plus répandu dans la région.

Le porte-parole de la SPLA, le colonel Philip Aguer, a réfuté les assertions d’unité de M. Athor, en insistant sur le fait que la seule chose que les diverses forces d’opposition dispersées dans le sud avaient en commun était le soutien de Khartoum. Mis à part quelques documents d’une authenticité douteuse, aucune preuve solide n’a émergé pour soutenir ces allégations ; celles-ci ont été proférées régulièrement quand les rébellions se sont intensifiées après les élections de l’an dernier et à nouveau après l’accalmie qui a entouré le référendum de janvier sur la sécession.

Au cours des dernières semaines, des centaines de personnes ont été tuées dans les affrontements, qui rappellent les conflits internes qui ont fait rage durant les décennies de la rébellion armée du sud contre le nord. Cette guerre civile généralisée a pris fin avec la signature en 2005 d’un Accord de paix global (CPA).

« Des rapports récents indiquent que 10 incidents violents liés aux milices ont eu lieu en mars, » a dit Giovanni Bosco, responsable du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies (OCHA) à Juba, la capitale du Sud.

Il a ajouté que près de 16 000 personnes avait nouvellement été déplacées dans les Etats de Jonglei, du Nil supérieur et d’Unité, suite à ces incidents.

« L’augmentation récente de l’intensité et de l’ampleur de la violence dans certaines parties du sud est inquiétante. Encore plus inquiétant est l’impact des combats sur les civils, en particulier sur un grand nombre de rapatriés [venant du nord] qui se trouvent dans certaines des zones affectées, » a dit M. Bosco, faisant remarquer que les combats – et la relocalisation qu’ils ont provoquée de cinq ONG dans l’Etat de Jonglei – limitaient la réponse humanitaire et risquaient de perturber le début de l’année scolaire.

« De plus, nous nous alarmons d’entendre certains rapports faisant état de nouvelles mines anti-personnel, qui représentent une menace pour la sécurité des civils et mettent en danger la saison agricole, » a t-il dit.

Les Nations Unies ont également tiré la sonnette d’alarme : Plus de 10 000 civils déplacés par les affrontements entre la SPLA et le groupe de M. Athor dans l’Etat de Jonglei sont « dans une situation terrible et souffrent de sévères pénuries de nourriture, d’eau et de médicaments... Un certain nombre de personnes âgées sont mortes, » alors qu’elles fuyaient pour gagner les refuges mis en place par les autorités locales.

« Ce n’est pas ce que nous espérions, » a dit Philip Aguer (aucun lien avec le porte-parole de la SPLA), un ancien enfant-soldat dont le père est mort durant la guerre civile. « Nous sommes déçus de ce qui nous arrive actuellement, » a t-il dit, faisant allusion au fait que l’armée serait coupable de « maltraiter des innocents » au cours de ses opérations anti-insurrectionnelles.

Vice-President of Sudan and president of the government of Southern Sudan Salva Kiir Mayardit
Photo: Jose Miguel Calatayud/IRIN
Attaqué : le président du GoSS, Salva Kiir
L’autorité doit être plus inclusive dans sa façon de s’exercer

Plusieurs analystes ont souligné combien il est important que tous les citoyens puissent faire confiance au gouvernement de l’Etat indépendant à naître pour représenter leurs intérêts.

« Le Sud-Soudan [ce sera le nom officiel du nouvel Etat] va devoir démontrer qu’il appartient à tous les Soudanais ; qu’il n’appartient à aucun groupe, qu’il soit ethnique, religieux ou politique, » a dit Jok Madut Jok, universitaire spécialiste de l’analyse de conflits, qui fait actuellement office de ministre de la Culture, dans son discours du 25 mars à l’Université de Juba.

Des associations de la société civile ont critiqué Salva Kiir, le Président du Gouvernement du Sud-Soudan (GoSS), pour avoir failli –il s’est en effet contenté d’offrir l’amnistie aux divers chefs rebelles s’ils rendaient les armes- aux promesses proférées publiquement durant la campagne du référendum de tenir compte de ses opposants politiques et militaires.

Le 17 mars, le Carter Center a publié une déclaration exhortant le SPLM à déployer une approche plus inclusive dans la transition vers l’indépendance et critiquant le parti pour sa « domination sur toutes les décisions » et ses efforts pour prévenir « la participation véritable des membres de l’opposition ».

Pour Zach Vertin, analyste à International Crisis Group, « gérer la diversité et bâtir une identité nationale commune dans le nouveau Sud ne sera pas facile, en particulier dans un cadre encore militarisé. La façon dont le GoSS et la SPLA vont réagir face à ces récentes rébellions risque de donner le ton de la période de l’après indépendance, car les relations entre acteurs gouvernementaux et acteurs non gouvernementaux sont en train d’être redéfinies, » a t-il dit à IRIN.

« Une réponse agressive [à l’opposition armée] a peu de chances à elle seule d’apporter des solutions, surtout quand les communautés locales, les tensions ethniques et les doléances légitimes s’en mêlent. L’autorité du Sud devrait ouvrir un espace politique et déployer une stratégie qui permette de répondre aux doléances justifiées, de façon à consolider sa légitimité plus largement aux yeux du public. Sinon, ce ne sera peut-être pas la fin des rébellions, » a t-il fait remarquer.

Ali Verjee, chercheur au Rift Valley Institute, a dit à IRIN: « Ce que les violences ont montré, c’est que les courants de mécontentement au sein du SPLM comme au sein de la SPLA sont loin d’être résolus, qu’ils ont le soutien de plus en plus de partisans et que ce soutien n’a pas fini de s’amplifier ».

« Si les causes de la violence sont complexes, il est bon de noter au moins deux survivances du CPA : l’incapacité prolongée à intégrer avec succès les autres forces armées dans la SPLA et l’insatisfaction provoquée par les élections imparfaites de 2010 qui ont, d’un point de vue collectif, ouvert plus de blessures qu’elles n’en ont refermées, » a t-il ajouté.

« S’ils se maintiennent, les types de comportement qui ont jusqu’à présent gouverné la façon d’envisager l’intégration militaire et la concurrence politique, ne parviendront pas à mettre fin à l’instabilité au Sud-Soudan, » a t-il mis en garde.

mf/am/mw – og/amz

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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