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La vague de défections au gouvernement réduit les perspectives de dialogue

A mosque at the University used as a field hospital for receiving the wounded Adel Yahya/IRIN
The mosque at Sana’a university was used as an emergency field hospital to treat the wounded
Selon des observateurs, l’usage de la force, employée par les autorités contre les manifestants anti-gouvernementaux réclamant le départ du président yéménite, Ali Abdullah Saleh, entrave les efforts de médiation et le dialogue, alors que se multiplient les annonces des défections de responsables militaires très hauts gradés.

Plus de 80 personnes auraient été tuées et des centaines blessées au cours des manifestations qui ont eu lieu dans tout le pays depuis la première semaine de février. Le 21 mars, une déclaration par les deux groupes d’opposition dénonçant l’état d’urgence décrété par M. Saleh indiquait que le « massacre du vendredi » 18 mars à l’Université de Sanaa avait fait 52 morts parmi les manifestants et en avait blessé plus de 250.

La chaîne d’actualités Al Jazeera a annoncé le 21 mars que le responsable de la zone militaire du nord-ouest du Yémen, le général de division Ali Mohsen Saleh – qui, dit-on, serait le demi-frère du Président – avait déclaré son « soutien pacifique » aux manifestants et était en train de déployer ses forces pour les protéger à Sanaa, la capitale. Le commandant de la division orientale de l’armée aurait également laissé tomber le gouvernement. Le pays est divisé en quatre zones militaires régionales contrôlées par un commandant.

A l’origine, de jeunes manifestants, soutenus par une coalition d’opposition de six partis importants, connue sous le nom de « Rencontre commune » (Joint Meeting Parties ou JMP), demandaient à M. Saleh de retirer les membres de sa famille des postes clés de l’armée et de la sécurité, avant [d’entamer] tout dialogue avec le gouvernement, a dit Abdullah al-Faqih, expert en sciences politiques à l’Université de Sanaa.

Cependant, tout a changé après le 18 mars, quand ceux qu’on appelle les « snipers pro-gouvernementaux » ont tiré sur les manifestants du haut des toits de Sanaa.

« Désormais les manifestants refusent tout dialogue avec les autorités après ce massacre. Ils réclament la démission et la mise en accusation de M. Saleh, de son régime et de sa famille, » a dit à IRIN M. al-Faqih.

Trois heures après l’attaque, M. Saleh a donné l’ordre de mettre en place une commission d’enquête incluant les ministres de la Justice et des Droits humains, le Procureur et l’avocat de l’Etat, et trois membres supplémentaires qui seraient désignés par le JMP.

« Malheureusement, les évènements ont fait échoué la médiation prévue par l’Arabie Saoudite et d’autres Etats du Golfe. Après l’enquête, les coupables seront envoyés devant la justice pour être jugés, » a dit M Saleh au cours d’une conférence de presse tenue quelques heures seulement après l’attaque.

En réaction à ce qu’il a appelé « les violences incessantes contre les manifestants »,
Mohammed Abu Luhum, un des hauts dirigeants du parti au pouvoir - le Congrès Général du Peuple - a démissionné de son poste et retiré l’offre qu’il avait faite le 17 mars de servir de médiateur entre le parti au pouvoir et les manifestants soutenus par le JMP.

M. Abu Luhum avait suggéré qu’en échange d’une suspension des manifestations, M. Saleh retire les membres de sa famille des postes clés dans les services de sécurité et dans l’armée, demande au parlement d’établir une nouvelle constitution dans un délai de 40 jours, organise des élections présidentielles avant la fin de 2011, et cède le pouvoir à son successeur au cours du premier trimestre 2012.

« Il n’y a pas de dialogue possible avec un régime qui opprime et a recours à des excès de violence contre des manifestants pacifiques, » a dit Abu Luhum.

Echanges d’accusations

« Allez-y. N’ayez pas peur de ce qui est arrivé hier à vos frères… Nous ne partirons pas d’ici tant que Saleh et son régime ne sont pas devant les juges »
Tandis que le JMP accuse le gouvernement d’utiliser des agents de la sécurité, des policiers en civil et des voyous payés pour tuer les manifestants, ce dernier accuse le JMP de faire passer des armes aux manifestants et de les encourager à attaquer les maisons du voisinage.

Selon Mohammed al-Sabri, porte-parole du JMP, « cela fait partie d’un plan criminel destiné à tuer les manifestants ; et le président et sa famille sont responsables du bain de sang qu’a connu le Yémen ces derniers jours. »

Le ministre de l’Intérieur, toutefois, a dit avoir appris que des membres du JMP fournissaient des armes à feu aux manifestants pour qu’ils s’attaquent aux habitants et aux commerçants locaux qui ne leur permettaient pas d’installer leurs tentes près de chez eux.

« Les victimes récurrentes devant l’Université de Sanaa sont le résultat d’affrontements sporadiques entre les manifestants et les habitants de ce quartier, qui pour la plupart ont des armes légères telles que des fusils AK-47 [kalachnikov] et des pistolets, » a dit à IRIN le ministre de l’Intérieur Mutahar Rashad al-Masri.

Il a indiqué que les manifestants attaquaient les maisons du voisinage, faisaient peur aux femmes et aux enfants et volaient par exemple des couvertures, des rideaux et des matelas.

Une situation « instable »

On assiste à toute une série de démissions des membres du gouvernement et du parti aux pouvoir en signe de protestation contre les violences commises contre les manifestants : c’est le cas par exemple de Huda al-Ban, le ministre des Droits humains, de Nabil al-Faqih, ministre du Tourisme et Hamoud al-Hitar, ministre des Affaires religieuses.

Le 20 mars, M. Saleh a alors limogé son gouvernement mais a demandé aux ministres de rester en place jusqu’à ce qu’un nouveau cabinet soit nommé. Cette initiative a été décrite par les observateurs comme une tactique destinée à empêcher de nouvelles démissions.

La plupart de ceux qui démissionnent du gouvernement ou du parti au pouvoir déclarent aussitôt leur soutien à ce qu’ils appellent la « Révolution de la jeunesse » et retournent dans leur propre zone tribale pour convaincre leurs partisans de se joindre aux manifestations.

De son côté, M. Saleh rencontre quotidiennement les cheikhs tribaux qui lui sont « fidèles », a dit Omar al-Asbahi, un analyste politique.

« La situation est instable. Cela peut mener le pays à la guerre civile étant donné la nature tribale du Yémen et la large disponibilité des armes légères et des armes de taille moyenne. On estime que le pays dispose de 60 millions d’armes pour une population de 23 millions de personnes, » a t-il dit à IRIN.

Les chefs tribaux essayaient auparavant d’aider à résoudre la crise politique, mais ce n’est plus le cas. Certains, sous l’inspiration des révoltes en Tunisie et en Egypte, ont envoyé leurs fils rejoindre le campement [des manifestants] à Sanaa.

« Allez-y. N’ayez pas peur de ce qui est arrivé hier à vos frères [les manifestants tués ou blessés le 18 mars]… Nous ne partirons pas d’ici tant que Saleh et son régime ne seront pas devant les juges, » a dit le Cheikh Amin al-Akaimi, chef de la fédération des Bakil, aux manifestants à l’Université de Sanaa le 19 mars.

« Le Yémen va être le troisième pays à mettre fin à l’oppression et à jouir de la liberté, après la Tunisie et l’Egypte. »

Une grande partie des tribus du nord du Yémen appartiennent à l’une des deux fédérations tribales, les Bakil et les Hashid. Les Bakil sont la fédération tribale yéménite la plus importante en nombre, mais ils ne sont pas, d’un point de vue historique, aussi bien organisés que la fédération Hashid, plus petite mais bien plus active politiquement.

La tribu Sanhan du Président Saleh appartient à la fédération Hashid. Les Hashid sont traditionnellement sous la direction de la très influente famille des Al-Ahmar. Deux des fils du défunt Cheikh Abdullah Bin Hussein – Hamid et Hussein – sont actuellement les adversaires les plus solides du pouvoir de M. Saleh. Beaucoup de cheikhs Bakil importants, comme Amin al-Akaimi et Faris Manaa, soutiennent les deux fils contre M. Saleh.

Les manifestants anti-gouvernement veulent l’arrêt de la corruption, la création d’emplois, une distribution plus équitable des richesses et la réforme d’un système gouvernemental qui règne sur les pires indices de développement du Moyen-Orient. Toutefois, compte-tenu de la nature tribale de la politique yéménite et du grand nombre d’armes à feu aux mains des particuliers, on entend souvent exprimer la crainte de voir, sous les pressions en faveur du changement, le pays s’enfoncer dans la guerre civile, alourdissant encore le fardeau humanitaire.

ay/cb-og/sk - amz

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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