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La biodiversité en voie d’extinction ?

At risk: Lemurs are endemic to Madagascar Tomas de Mul/IRIN
De large sections de la biodiversité unique de Madagascar pourraient disparaître – potentiellement pour toujours et à un coût inestimable pour les populations malgaches et pour le monde – en raison de la suspension continue des financements pour l’environnement liée à la crise politique en cours, selon un nouveau rapport de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), principal bailleur de fonds de ce secteur. 

« En dépit du succès de nombreux projets, l’état de l’environnement aujourd’hui à Madagascar s’est considérablement dégradé par rapport à il y a 25 ans », a noté Paradise Lost, un rapport de l’International resources group (IRG) commandé par l’USAID.

Le rapport fait le point sur un quart de siècle d’interventions de l’USAID en tant qu’acteur principal de l’élaboration et la mise en œuvre du Plan d’action environnemental national dans cette immense île de l’Océan Indien, un plan suspendu « en raison du coup d’Etat de 2009 ».

Madagascar est réputé pour sa faune et sa flore exceptionnelles, dont 80 pour cent n’existent nulle part ailleurs dans le monde, mais les écologistes ont noté que le pays risquait de perdre son statut de l’un des endroits les plus riches de la planète sur le plan biologique.

Des groupes tels que le World widlife fund (WWF), l’Environmental investigation agency (EIA) et Conservation international (CI), ont dit que l’exploitation de bois et le commerce de faune et flore illégaux avaient explosé à la suite de la crise politique qui a vu Andry Rajoelina, actuel dirigeant de la Haute autorité de transition, remplacer le président Marc Ravalomanana.

« Depuis le coup d’Etat en mars 2009, les sites riches en biodiversité, et les communautés qui en dépendent, ont été la cible d’attaques de profiteurs sans scrupules… Cette exploitation illégale de bois a maintenant atteint des niveaux jamais égalés… Environ 400 arbres sont abattus chaque jour dans certaines régions », a noté Niels Marquardt, ambassadeur des Etats-Unis à Madagascar, dans les avant-propos du rapport.

« Des animaux menacés, y compris plusieurs espèces particulièrement rares et en danger de lémuriens et de tortues, ont été capturés pour l’exportation et pour la [consommation] alimentaire à un rythme qui garantit leur extinction dans la nature, à moins que cette tendance puisse être inversée ».

Une enquête menée par EIA et Global witness (GW), qui surveille l’exploitation et le commerce illégaux de ressources naturelles, a révélé qu’au cours des mois qui ont suivi le coup de force, des bois tropicaux exotiques tels que le bois de rose, le palissandre et l’ébène étaient collectés chaque jour dans des parcs nationaux et ères protégées, pour une valeur évaluée entre 88 000 et 460 000 dollars.

« Des animaux menacés, y compris plusieurs espèces particulièrement rares et en danger de lémuriens et de tortues, ont été capturés pour l’exportation et pour la consommation alimentaire à un rythme qui garantit leur extinction »
Leur rapport, publié fin 2009, a noté « un sérieux recul de l’Etat de droit – voire une connivence active entre les autorités chargées de l’application de la loi et les trafiquants illégaux de bois ».

Pas assez bien

Le rapport de l’USAID a cité les méthodes d’agriculture sur brûlis des « fermiers très pauvres » comme l’une des principales menaces auxquelles les forêts de Madagascar sont confrontées, mais a estimé qu’il y avait peu de chance de pouvoir protéger les forêts sans s’attaquer à « des problèmes économiques fondamentaux qui maintiennent les populations rurales dans une pauvreté abjecte ».

Au cours des quelque 25 ans couverts par l’étude, la croissance démographique a été de trois pour cent par an. En 1990, Madagascar comptait 11 millions d’hectares de forêts et 11 millions d’habitants ; aujourd’hui, les forêts ont été réduites à neuf millions d’hectares et la population est passée à 20 millions. L’USAID a estimé que moins de deux millions d’hectares de forêts suffisaient à satisfaire la demande intérieure en bois de chauffe et de construction.

Des projets environnementaux ont contribué à ralentir la destruction des forêts – d’environ 0,83 pour cent chaque année entre 1990 et 2000 à 0,53 pour cent après 2000 – mais plus d’un million d’hectares ont été perdus entre 1990 et 2005. Ce sont une gouvernance « pas assez bonne » et une instabilité politique chronique qui sont au cœur du problème, a dit le rapport.

« Une corruption systémique, des crises devenues la norme dans le paysage politique, et des stratégies à court terme de gestion des ressources, qui profitent à des dirigeants éphémères mais pas à la population dans son ensemble… ont rendu difficile, voire impossible, la création des conditions économiques nécessaires pour élargir des interventions environnementales prometteuses ».

Le rapport a conclu que « la préservation de l’environnement est otage du développement économique, et le développement économique est otage de la bonne gouvernance ».

John Uniack Davis, directeur pays de CARE International à Madagascar, une ONG de développement, a noté qu’il y avait « un besoin urgent de rétablir les investissements dans les programmes environnementaux, mais cela ne peut se faire de manière isolée – cela doit être accompagné d’une attention permanente portée à la bonne gouvernance et au renforcement des capacités de la société civile pour garantir un climat propice et positif », afin de mettre un terme à la destruction de la biodiversité.

« Le climat d’incertitude engendré par la crise politique actuelle, ajouté à la suspension des programmes environnementaux, remet en cause les progrès significatifs qui ont été faits », a-t-il dit à IRIN.

Le choix de la communauté internationale

Le rapport de l’USAID a suggéré trois scenarii : le premier serait d’abandonner totalement les ressources forestières restantes à Madagascar et d’injecter les ressources financières limitées ailleurs ; le deuxième serait de continuer à investir dans les programmes existants, en tirant les leçons apprises de 25 ans d’expérience, et de faire pression pour obtenir des ressources plus conséquentes et plus durables.

Environmental degradation.
Photo: Tomas de Mul/IRIN
Le résultat des pratiques agricoles sur brûlis
Le troisième scenario « reconnaît essentiellement que la communauté internationale donne davantage de valeur à la biodiversité de Madagascar que [ne le fait] son gouvernement et sa population » et « doit par conséquent se tenir prête à payer pour la protéger ». Cette approche nécessiterait des financements qui « dépasseraient de loin la capacité de l’USAID » et opterait pour une rémunération directe des communautés afin qu’elles renoncent aux activités préjudiciables pour l’environnement.

« L’USAID, avec la Banque mondiale, a mené les efforts de conservation de la biodiversité [à Madagascar] au cours des 25 dernières années… Ce n’est pas le moment aujourd’hui de se retirer », a plaidé Russ Mittermeier, président de CI.

« [L’USAID] continue à fournir une aide humanitaire substantielle à Madagascar, mais il est maintenant impératif de reconnaître que l’environnement doit être considéré comme une composante du ‘package’ humanitaire ».

M. Davis, de CARE, a approuvé. « Il y a un lien clair entre la dégradation de l’environnement et les conséquences humanitaires désastreuses – la destruction des forêts aggrave l’érosion à court terme, le changement climatique à long terme, et enfin, la vulnérabilité à des catastrophes naturelles telles que les cyclones et les sécheresses », a-t-il dit à IRIN.

« Une approche visionnaire de la réduction des risques de catastrophe et de la résilience des populations humaines doit donc nécessairement comporter une composante environnementale significative, par conséquent il ne serait vraiment pas difficile de classer les programmes environnementaux comme étant ‘humanitaires’ ».

Mais se contenter de requalifier l’aide environnementale comme étant « humanitaire » pour contourner les sanctions existantes ne serait probablement pas suffisant, et les bailleurs de fonds continueraient à réclamer de sérieuses améliorations dans le domaine de la gouvernance.

Rudolph Thomas, chargé d’affaires de l’ambassade américaine à Madagascar, a dit à IRIN : « Les Etats-Unis ont travaille pendant plusieurs décennies pour protéger et promouvoir l’environnement à Madagascar. Nous restons engagés pour cette cause importante et nous nous tenons prêts à poursuivre ce travail essentiel lorsque les conditions politiques le permettront ».

tdm/he/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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