La maladie, également connue sous le nom d’onchocercose, a entraîné la diminution des activités agricoles au cours des vingt dernières années en faisant fuir les agriculteurs des rives des cours d’eau. Mais cet exode s’est atténué lorsque des organisations humanitaires ont mis sur pied le programme d’immunisation. Aujourd’hui, aux deux tiers du parcours, le programme pourrait s’enliser.
Avec 36 pour cent de ses habitants atteints de cécité des rivières, le sud de l’État de Borno affiche les niveaux de prévalence les plus élevés du pays et est considéré comme une zone où la maladie est « hyperendémique », selon le Programme de lutte contre l’onchocercose du ministère de la Santé nigérian.
« Les eaux courantes et la bonne végétation ont provoqué un fléau paradoxal dans le sud de l’État de Borno, car ces cours d’eau et cette végétation qui favorisent l’agriculture sont devenus un terrain fertile pour les mouches noires responsables des cas d’onchocercose dans la région », a dit à IRIN Abubakar Galadima, coordinateur du programme africain de lutte contre l’onchocercose (APOC) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’État de Borno.
« La cécité des rivières a un effet négatif sur la sécurité alimentaire dans l’État de Borno, car les habitants des zones fécondes continuent à se déplacer vers le nord, laissant derrière eux leurs terres fertiles », a-t-il ajouté.
Au cours des vingt dernières années, au moins 30 000 personnes ont abandonné leur ferme et leur village pour échapper à la maladie et 40 000 personnes ont été infectées, selon les statistiques du programme gouvernemental de lutte contre l'onchocercose.
Les nombreuses rivières et les ruisseaux rapides représentent un terrain fertile idéal pour les mouches noires, selon l'organisation non gouvernementale (ONG) Helen Keller International (HKI), qui lutte contre la maladie dans l'État de Borno depuis 11 ans. La mouche pique la peau de l'homme et pond des œufs qui se transforment en petits vers. Ces vers peuvent causer des douleurs et des problèmes de vision chez les personnes atteintes et, à terme, entraîner la cécité.
Près de la moitié de la population de l'État de Borno cultive des terres en bordure de rivière. Ils y font principalement pousser du maïs, du sorgho, du millet, des doliques, des tubercules et des arachides.
Prévention et traitement
Selon l'OMS, la meilleure façon de prévenir et de traiter la cécité des rivières est de prendre une dose annuelle d'ivermectine, communément appelée « Mectezan », qui tue les larves des mouches. Les patients qui prennent ce médicament régulièrement pendant 15 ans peuvent être immunisés à vie, a dit Peter Aimankhu, parasitologue et chef de programme pour HKI.
Mais ce traitement coûte cher (18 dollars la dose) et, selon la banque centrale nigériane, Borno est l'État le plus pauvre du pays. La plupart de ses habitants vivent avec moins d’un dollar par jour.
HKI a fourni des traitements gratuits et des formations pendant 11 ans, avec l'aide de l'OMS, de la Nippon Foundation et de Chevron, dans le cadre de son programme de responsabilité d'entreprise. En 2004, l'OMS a réduit ses financements à 5 700 dollars par an, qu'elle distribue par le biais de l'APOC.
Le gouvernement était censé apporter des fonds de contrepartie pour financer le programme de lutte contre la cécité des rivières, mais il ne l'a pas fait, a dit M. Galadima, coordinateur du programme de lutte contre l’onchocercose pour l’État de Borno. L'APOC et HKI craignent de ne pas pouvoir mener à terme leur programme d'immunisation.
Photo: Aminu Abubakar/IRIN |
Selon Lawan Malgwi, chef de Yimirshika, il n'y a pas assez de médicaments pour traiter tous les villageois contre la cécité des rivières cette année |
Plus de 3 000 bénévoles formés
Jusqu'à maintenant, HKI a formé plus de 3 100 bénévoles dans les communautés de l'État pour administrer les médicaments à domicile. Chaque famille verse une somme symbolique d'à peine plus d'un dollar. En échange de leurs efforts, les villageois s'occupent gratuitement des cultures des bénévoles. Les organisations ont traité 87 pour cent des habitants dans les 12 districts de l'État où la maladie est endémique au cours des 11 dernières années, a estimé M. Galadima. Mais la diminution de la prévalence demeure inconnue, car personne ne dispose des moyens nécessaires pour réaliser une étude, a-t-il dit.
Dans le paisible village de Yimirshika, à 200 kilomètres au sud de la capitale de l'État, 40 pour cent des habitants étaient atteints de cécité des rivières il y a 17 ans. Aujourd'hui, seules quelques personnes présentent des symptômes visibles de la maladie, selon le chef du village, Lawan Daniel Malgwi. Cette année toutefois, le nombre de comprimés disponibles ne permettra de traiter que 4 000 des 7 500 habitants, a dit Musa Ilya, bénévole dans cette communauté. La croissance démographique est élevée et cela n'a pas été pris en compte dans les estimations de la quantité de médicament nécessaire, se lamente le chef.
HKI puise maintenant dans le budget de son programme de nutrition pour l'État de Borno afin de combler le manque de fonds pour la lutte contre la cécité des rivières.
M. Galadima, de l'APOC, a dit à IRIN : « Les choses n'avancent plus comme avant. Nous avons été paralysés financièrement à cause de l'absence de fonds de contrepartie de la part du gouvernement... Nous avons parfois du mal à nous procurer du carburant pour nos véhicules pour aller contrôler les communautés touchées ».
La pénurie de médicaments est aggravée par le fait que des bénévoles mettent de côté des comprimés pour les vendre à « bon prix » à des éleveurs de bétail fulanis, a dit M. Aimankhu, d'HKI. Le « Mectezan », qui n'est pas vendu sur les marchés nigérians, peut être utilisé pour vermifuger le bétail, a-t-il expliqué.
Il reste quatre années de traitement pour immuniser la population de l'État. « Si le projet s'arrête maintenant, les effets seront dévastateurs. Cela nuira au succès que nous avons obtenu jusqu'à présent, ce qui sera désastreux », a dit M. Aimankhu.
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