Un soulèvement de la population civile contre al-Shabab semble se préparer, des manifestations de rue ayant eu lieu à Mogadiscio le 7 décembre et dans des camps de déplacés le 8 décembre. A ces deux occasions, le drapeau noir du groupe a été brûlé.
L’attaque du 3 décembre, que l’on présume être un attentat suicide, a fait 23 morts, dont trois ministres du Gouvernement fédéral de transition, des parents, des étudiants, des professeurs et des journalistes.
Bien qu’al-Shabab soit accusé d’être à l’origine de cette attaque, le porte-parole du groupe à Mogadiscio a nié toute responsabilité.
Abdi Mahad, activiste de la société civile qui a organisé une manifestation anti-al-Shabab le 7 décembre, a dit à IRIN que l’attaque était « un appel au réveil pour tous. Jusqu’à présent, tout le monde pensait qu’ils combattaient les étrangers et le gouvernement, mais nous nous sommes rendu compte jeudi [3 décembre] qu’ils sont en guerre contre nous ; c’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
« Ils tuent nos meilleurs éléments. Ils sont l’ennemi. »
M. Mahad, qui est membre d’un mouvement de jeunes à Mogadiscio, a dit que son organisation préparait de nouvelles manifestations contre al-Shabab, dont une manifestation d’étudiants.
« Nous ferons tout ce qu’il faudra pour leur résister », a-t-il dit.
« Anti-islamique »
Ibado Abdi Mohamed, une habitante de Mogadiscio, n’a pas participé aux manifestations mais, le 7 décembre, elle faisait partie des centaines de Somaliens qui sont descendus dans la rue en signe protestation contre al-Shabab.
« Avant, j’avais peur, mais plus maintenant ; je suis une mère, et pendant bien trop longtemps nous avons regardé nos enfants se faire tuer sans que cela n’ait aucun sens », a-t-elle dit.
Mme Mohamed a dit que ce qu’al-Shabab faisait n’avait rien à voir avec l’Islam, et a accusé le groupe d’être anti-islamique.
« L’Islam nous enseigne la compassion et la bonté », a-t-elle dit. « Ce qu’ils ont fait [le 3 décembre] et ce qu’ils font est cruel et inhumain. »
Paula Roque, analyste de la Corne de l’Afrique pour l’Institute for Security Studies (ISS), basé en Afrique du Sud, a dit à IRIN que l’attaque conduirait nécessairement à une perte de soutien pour le groupe, en particulier à Mogadiscio.
« Je pense qu’ils ont été trop loin », a dit Mme Roque. « C’était une grande erreur de leur part. C’est une chose de viser les structures de l’AMISOM [la mission de l’Union africaine en Somalie] et du gouvernement ; c’est une toute autre chose de viser des civils innocents. »
La population verra les attaques « comme des meurtres absurdes, c’est-à-dire ce que font les terroristes », a-t-elle dit, ajoutant que les membres d’al-Shabab n’étaient plus perçus comme « unissant le nationalisme somalien et l’Islam ».
Photo: Hassan Mahamud Ahmed/IRIN ![]() |
La milice d’al-Shabab est accusée d’être à l’origine de l’attentat qui a visé une cérémonie de remise des diplômes le 3 décembre 2009 (photo d’archives) |
Le 3 décembre, Hawa Siyaad, mère de six enfants, a quitté son petit commerce de carburant pour assister à la cérémonie de remise des diplômes avec son fils aîné.
« J’étais contente de participer, parce que je savais que Mohamed [son fils] ferait la même chose l’année prochaine », a-t-elle dit. « Mohamed était en cinquième année d’école de médecine, il était là pour aider au déroulement de la cérémonie. Il était là, et l’instant d’après, il avait disparu. Il n’a rien fait de mal. Pourquoi tuer des étudiants innocents ? »
Pour elle, ceux qui sont à l’origine de l’attentat sont « des gens qui ne veulent voir rien de bon en Somalie ; ce jour-là, ils ont brisé beaucoup de rêves et d’espoirs, y compris les miens. »
« Occupants »
Al-Shabab a récemment pris plusieurs villes stratégiques près de Mogadiscio et contrôle la plus grande partie du sud de la Somalie, jusqu’à la frontière avec le Kenya.
« Selon moi, ils sont perçus comme des occupants dans presque toutes les zones qu’ils contrôlent, et l’attaque de jeudi [3 décembre] ne fera que renforcer leur isolement », a dit un observateur.
« Je pense que la manifestation a été un signal clair leur montrant que les gens en ont assez de leur violence, et ne la tolèreront plus. »
Il a dit que l’on ne savait pas clairement si les sentiments anti-al-Shabab actuels marquaient « le début de la fin pour eux, ou un simple petit obstacle », ajoutant cependant : « si j’étais eux [al-Shabab], je serais vraiment inquiet ».
D’après lui, le gouvernement doit maintenant s’organiser et affronter le groupe sur le plan militaire. « La population semble être prête ; c’est maintenant au gouvernement de faire preuve de leadership et de prendre l’initiative. »
Al-Shabab est un groupe militaire islamiste qui faisait partie de l’Union des tribunaux islamiques et a gagné en notoriété au moment de la présence militaire éthiopienne, entre 2006 et début 2008.
Le conflit continu dans le pays a déplacé plus d’1,5 million de personnes, tandis que 3,6 millions d’autres ont besoin d’aide humanitaire.
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