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Le désarmement au Sud-Soudan suscite des craintes de nouvelles violences – Analyse

Southern Sudanese police officers on the streets of the southern capital Juba. A fresh disarmament drive has been launched aimed to seize illegally held weapons Peter Martell/IRIN
South Sudanese police officers on the streets of the southern capital Juba
La dernière campagne lancée par les autorités du Sud-Soudan pour s’emparer des armes illégales a permis la saisie d’ « un arsenal effrayant », mais certains avertissent que ce vaste désarmement pourrait engendrer de nouvelles violences.

Les forces de sécurité ont lancé la campagne à Juba, la capitale du Sud, le 9 septembre, avec des policiers et de soldats fouillant les maisons pour trouver des armes illégales.

« C’est le premier pas que nous avons effectué pour récupérer les armes des populations et cela continuera jusqu’à ce que nous soyons sûrs que toutes ces armes sont dans les entrepôts », a dit le président du Sud, Salva Kiir, le 13 septembre.

« La présence des armes entre les mains des populations accroît l’insécurité, parce que certaines personnes veulent garder les armes pour pouvoir piller durant la nuit, et pouvoir tuer », a dit M. Kiir qui est aussi le premier vice-président du Soudan.

Le gouvernement du Sud envisage d’étendre le programme à travers la région semi-autonome. « Ces opérations continuent quotidiennement », a dit le major général Gier Chuang, ministre de l’Intérieur, lors d’une allocution sur Radio Soudan le 17 septembre.

« Cela ne va pas s’arrêter à Juba – nous continuerons à faire la même chose dans les autres Etats », a-t-il ajouté. « Nous avons donné des instructions aux dirigeants des forces organisées de tous les Etats du Sud-Soudan pour conduire des opérations similaires ».

A southern Sudanese woman recovers in Akobo hospital from gunshot wound to her arm and a spear thrust in her back in this 7th August photograph. The woman, who is pregnant, survived a massacre at her fishing village in which 185 people were killed
Photo: Peter Martell/IRIN
A l’hôpital d’Akobo, une femme du Sud se remet d’une blessure par balle au bras et d’un coup de lance dans le dos, reçus lors d’une attaque de son village (photo d’archive)
Inondé d’armes

Pour les partisans de l’opération, cette campagne était vraiment nécessaire, car la région est inondée d’armes après une guerre civile de 22 ans, qui s’est achevée avec l’accord de paix de 2005.

M. Chuang a précisé que plus de 1 000 armes avaient été saisies dans la ville de Juba, avec la diffusion d’images à la télévision montrant des centaines de fusils d’assaut AK-47, plusieurs grosses mitrailleuses, des roquettes et des lance-roquettes.

« C’est une bonne chose, parce que les civils ne devraient pas avoir des armes comme cela », a dit James Gatch, commerçant. « Pourquoi avoir besoin d’armes lourdes si vous ne vous préparez pas à faire la guerre ? »

La campagne intervient après une série d’affrontements sanglants dans le sud.
Depuis janvier, plus de 2 000 personnes ont été tuées et 250 000 déplacées lors de violences dites interethniques à travers le Sud-Soudan, a déclaré Lise Grande, adjointe du Coordinateur résident des Nations Unies au Sud-Soudan, aux journalistes, le 12 août.

Lors du dernier affrontement, le 20 septembre, les autorités de l’Etat de Jonglei ont rapporté qu’au moins 102 personnes avaient été tuées lorsque des hommes armés Lou Nuer ont attaqué le village Dinka Hol de Duk Padiet.

Selon les Nations Unies, le taux de mort violente dans le Sud dépasse maintenant celui de la région occidentale du Darfour, ravagée par la guerre.

« Saisir des armes détenus illégalement signifiera qu’il y aura [moins] d’armes pour que les gens causent des troubles », a dit le major général Kuol Dein Kuol, porte-parole de l’armée sud-soudanaise, l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA).

« Seules les forces de sécurité officielles et la police devraient détenir des armes, et c’est leur travail d’assurer la sécurité ».

Des forces derrière la violence

Au sein du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), beaucoup affirment que la violence est soutenue par les ennemis de l’ancienne guerre civile, dans le nord.

« De hauts responsables du SPLM ont accusé le nord de fournir des armes et il y a de nombreux rapports provenant du terrain selon lesquels des avions militaires ont été utilisés et des uniformes militaires et des armes toutes neuves ont été vues », a écrit John Ashworth, analyste pour le Soudan, dans un rapport du mois de septembre pour l’organisation Pax Christi.

Des responsables du nord à Khartoum ont à plusieurs reprises démenti les allégations selon lesquelles ils soutenaient des milices dans le sud. Osman al-Agbash, porte-parole des Forces armées du Soudan (SAF) a qualifié ces allégations comme étant « sans fondement ».

M. Ashworth a averti que d’autres pourraient également être responsables. « Tous les coupables ne doivent pas êtres trouvés à Khartoum et certains peuvent avoir des liens avec le SPLM », a-t-il ajouté, en mettant en garde contre des tensions ethniques locales qui pourraient être exploitées.

M. Kiir a dit qu’il craignait que les violences s’aggravent avant les élections prévues en avril 2010 et un référendum sur l’indépendance du Sud prévu en janvier 2011.

Southern Sudanese women displaced by recent fighting in Jonglei state wait to collect food supplies delivered by a United Nations helicopter
Photo: Peter Martell/IRIN
Dans l’état de Jonglei, des femmes déplacées par les combats attendant de récupérer de la nourriture apportée par un hélicoptère des Nations Unies (photo d’archive)
Des problèmes de sécurité rurale

Saisir les armes est crucial, mais le désarmement à l’extérieur des centres urbains est complexe. Beaucoup se sentent obligés de se réarmer pour se protéger, car la sécurité est très limitée dans les régions reculées.

« En dehors de la ville, on a besoin de se protéger et de protéger nos vaches », a dit Matthew Deng, qui vient de l’Etat oriental de Jonglei. « S’ils me font abandonner mon arme et que mon voisin garde la sienne, ils prendront tout ce qu’on a et ils nous tueront. Nous ne nous sentons pas en sécurité sans une arme ».

Les précédentes campagnes de désarmement ont été critiquées pour avoir exacerbé la violence à travers un choix sélectif de communautés basé sur des lignes ethniques et politiques.

Maladroites et inefficaces, elles ont laissé des régions exposées aux attaques de voisins toujours armés.

« Réduire la circulation d’armes légères est essentiel pour recueillir les dividendes de la paix, mais désarmer la population civile dans un environnement d’après-conflit fragile présente de nombreux écueils », a averti Adam O’brien dans un rapport du mois de janvier pour l’organisation Small Arms Survey, basée à Genève.

D’autres observateurs montrent du doigt les longues années de dur conflit entre des communautés rivales durant la guerre civile. A cette époque, des factions rivales de la SPLA se sont scindées entre les forces Nuer et les forces Dinka, et elles se sont affrontées.

« Certaines communautés ont perçu le désarmement comme étant ciblé selon des lignes ethniques, ce qui a exacerbé des divisions intercommunautaires », a dit l’organisation Small Arms Survey dans un autre rapport datant du mois de mai.

Ce reproche se retrouve dans toute la région. « C’est mieux que personne n’ait d’armes, plutôt que tout le monde ait un fusil », a dit John Tut, qui vient de la région Lou Nuer d’Akobo, scène de récentes attaques violentes.

« S’il n’y a qu’un côté qui est fort, et que l’autre est [faible], alors cela engendra plus de violence, et pas moins », a-t-il ajouté. « C’est ce qui s’est passé à Akobo ».

Le précédent de Jonglei

Des voix critiques disent que le désarmement forcé n’a pas marché dans le Sud. Par exemple, les autorités ont lancé un grand désarmement dans l’état de Jonglei en 2006, saisissant 3 000 armes. Cependant, des affrontements ultérieurs ont fait au moins 1 600 victimes.

« La campagne de Jonglei a tourné en l’une des actions militaires les plus sanglantes dans le [Sud] Soudan depuis la fin de la seconde guerre civile, et elle n’a pas réussi à améliorer la sécurité à long terme », a dit M. O’Brien.

M. Kiir a pressé les populations « de collaborer avec les forces de sécurité pour se débarrasser de toutes ces armes », avertissant que ceux qui essayeraient de cacher leurs armes seraient démasqués lors de recherches d’armes ultérieures.

« Nous savons que des gens sont partis de Juba avec leurs armes pour aller les cacher, pour pouvoir revenir avec elles à nouveau, mais nous les retrouverons », a dit M. Kiir.
« Certaines personnes ont enterré leurs armes à l’intérieur de leur propre maison, mais nous arriverons à les sortir de leur cache ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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