La drogue, de longues heures de travail pénible et une mauvaise alimentation avaient tellement affaibli Tordi qu’elle a failli mourir lors de son sixième accouchement, avant que sa famille ne l’emmène d’urgence à l’hôpital du district.
« Les médecins m’ont dit que si je n’arrêtais pas l’opium je ne survivrais pas à ma prochaine grossesse », raconte-t-elle.
Le problème de Tordi n’est pas rare chez les femmes travaillant dans l’industrie traditionnelle afghane du tissage de tapis, qui utilisent l’opium comme antalgique ou pour combattre la fatigue.
Le pays produit environ 200 millions de mètres carrés de tapis et couvertures par an, et la valeur des exportations annuelles est de 170 millions de dollars. Depuis les éleveurs de moutons qui produisent la laine jusqu’aux marchands qui exportent le produit final, environ six millions de personnes, sur une population de 30 millions, sont impliquées dans le secteur, d’après l’Agence afghane du soutien à l'investissement.
Selon les professionnels de la santé, le problème de la dépendance à l’opium chez les femmes des populations rurales a été exacerbé par le manque d’accès aux services de santé, lié soit à des restrictions culturelles, soit à la rareté des centres de santé.
« Si les femmes prennent de l’opium, ce n’est ni par plaisir ni par luxe, mais parce que c’est le seul antalgique qu’elles ont à leur disposition », a expliqué Mahbooba Ebadi, obstétricien à Balkh.
Le nombre exact de femmes afghanes qui prennent de l’opium n’est pas connu, mais selon une étude sur les dépendances menée en 2005 par L'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), 120 000 femmes afghanes adultes consommeraient des drogues. En 2005, on a estimé à au moins 900 000 le nombre d’Afghans dépendants à la drogue, sur une population de 25 millions.
« Si les femmes prennent de l’opium, ce n’est ni par plaisir ni par luxe, mais parce que c’est le seul antalgique qu’elles ont à leur disposition » |
« Quand mes enfants sont agités ou pleurent, je ne peux pas travailler correctement », a dit Feroza, tisseuse de tapis et mère de six enfants, de la province de Faryab, dans le nord du pays. « Quand je leur donne un petit peu d’opium, ils se calment et s’endorment, ce qui nous permet de travailler ».
Les pédiatres affirment que l’opium est extrêmement nocif pour les enfants. « Pour un nourrisson, l’opium est un poison », a expliqué Homayun Ansari, médecin à Balkh.
L’Afghanistan a non seulement l’un des taux de mortalité infantile et maternelle les plus élevés au monde, mais aussi l’un des taux de fertilité les plus élevés d’Asie, selon les agences des Nations Unies.
Dans un contexte d’insécurité alimentaire répandue et de rareté des soins d’obstétrique de qualité, une femme afghane donne en moyenne naissance à cinq ou six enfants, malgré les forts risques encourus durant les périodes pré- et post-natale.
En Afghanistan, environ 39 pour cent des enfants de moins de cinq ans ont un poids insuffisant, 54 pour cent souffrent d’atrophie ou de croissance déficiente, 53 pour cent souffrent de carences en vitamine A, et plus de 60 pour cent souffrent de carences en fer et d’anémie. Les conséquences sont que environ 600 enfants de moins de cinq ans meurent chaque jour de pneumonie, de diarrhée ou d’autres maladies qui pourraient être évitées, d’après le Fonds des Nations Unies pour l’enfance.
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