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L’antidote contre le poison de crapaud, une arnaque mortelle

Traditional herbs and medicines on sale in a Kinshasa market. There is a ready market for such products, which are said to treat a variety of ailments, due to local beliefs and superstition Eddy Isango/IRIN
Traditional herbs and medicines on sale in a Kinshasa market. There is a ready market for such products, which are said to treat a variety of ailments, due to local beliefs and superstition
Dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), de nombreux habitants succombent à des maladies curables car ils attribuent leurs symptômes à un empoisonnement que seuls les guérisseurs traditionnels sauraient guérir, selon les autorités sanitaires.

« Un grand nombre de gens meurent dans cette région à cause de cette phobie dont la diffusion actuelle est liée à l’environnement dans lequel nous vivons et aux guerres que nous avons traversées », a expliqué Dominique Bahago, inspecteur médical de la province du Nord-Kivu.

Généralement, a-t-il expliqué, les habitants consultent d’abord les guérisseurs traditionnels lorsqu’ils contractent des maladies telles que la tuberculose, la fièvre typhoïde, le paludisme, différents types de cancer et le VIH/SIDA, car ils sont convaincus qu’ils ont été empoisonnés au karuho, un poison obtenu à partir de peau de caméléon et de crapaud, ou d’extraits de plantes rares.

Au moins 30 pour cent des tuberculeux dépistés dans les centres de santé de l’est de la RDC avaient d’abord pensé avoir été empoisonnés, selon M. Bahago.

Selon Jean-Pierre Kabuayi, directeur du programme national de contrôle de la tuberculose, entre 3 000 et 4 000 cas sont recensés chaque année dans la province. Le taux moyen de mortalité liée à la tuberculose est de 10 pour cent au Nord-Kivu, contre six pour cent, à l’échelle nationale.

Traitement tardif

« Le nombre de décès liés à la tuberculose est élevé dans le Nord-Kivu parce que, malheureusement, la plupart des malades se présentent aux centres de santé très tard, lorsqu’ils ne sont plus aptes à réagir aux médicaments, après avoir passé du temps à attendre en vain d’être guéris d’un empoisonnement au karuho », a expliqué M. Kabuayi. Les malades sont plus nombreux encore à ne pas avoir recours du tout à la médecine moderne.

Selon M. Bahago, le temps d’arriver à l’hôpital, certaines personnes sont « dans un état vraiment désespéré ... après avoir perdu leur temps et leur argent en faisant confiance à des charlatans ».

Certaines personnes séropositives arrivent trop tard pour pouvoir suivre un traitement antirétroviral.

« Plus de 90 pour cent des patients séropositifs viennent nous voir quand ils ont atteint un stade [avancé] », a noté Tina Amisi Niota, médecin spécialiste du VIH/SIDA à l’hôpital Panzi de Bukavu.

« Ils préfèrent croire qu’ils ont été empoisonnés et vont d’abord voir des charlatans, ce qui ne marche pas. A ce stade, ils ont déjà plusieurs infections difficiles à soigner », a-t-elle ajouté. 

Traditional herbs and medicines on sale in a Kinshasa market. There is a ready market for such products, which are said to treat a variety of aliments, due to local beliefs and superstition
Photo: Eddy Isango/IRIN
Des herbes traditionnelles : Bon nombre de guérisseurs pratiquant la médecine traditionnelle n’auraient pas de véritable expertise et mèneraient en bateau leurs patients en leur vendant des remèdes coûteux et inefficaces
Expliquer que bon nombre de praticiens de la médicine traditionnelle n’ont pas de véritable expertise et mènent en bateau leurs patients en leur vendant des remèdes coûteux et inefficaces n’a guère permis d’ébranler la confiance des habitants en ces « guérisseurs ».

« C’est mieux de faire d’abord un test chez un praticien traditionnel ou un guérisseur », a ainsi déclaré Aminata Mbelu, 27 ans, qui habite à Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu.

« Si le test de dépistage du karuho est négatif, on va dans un hôpital moderne ; pour ne pas mourir. Parce que si vous avez été empoisonné [au karuho] et qu’on vous injecte par inadvertance des médicaments modernes, vous allez mourir, c’est sûr ... les produits chimiques contenus dans les médicaments modernes empoisonnent rapidement le cœur », a poursuivi Aminata Mbelu, mère d’un enfant.

Amuli Sasa fait partie de ces gens à qui profite cette phobie ; il a expliqué à IRIN qu’il pouvait diagnostiquer et soigner le karuho. « Chaque jour, j’examine une vingtaine de personnes, qui payent chacune entre un et cinq dollars pour le test. Mais le traitement coûte entre 50 et 100 dollars », a-t-il dit.

Répandre le poison

La phobie du karuho s’est diffusée au-delà des frontières du Nord-Kivu, jusqu’au Sud-Kivu, et notamment à Bukavu, le chef-lieu de cette province, selon Barnabé Mulyumba Wa Mamba, professeur de sociologie dans la ville.

Selon M. Mulyumba, plusieurs vagues de migration vers la RDC ont contribué à augmenter, au fil des ans, l’usage et la crainte du karuho dans le pays.

« Le karuho était connu au Congo dans les années 1970, mais la phobie générale s’est répandue à cause des guerres, qui ont commencé en 1994 », a-t-il expliqué.

Les profondes dissensions entre les communautés des Kivu, des provinces ravagées par la guerre, où les conflits ont provoqué le déplacement de centaines de milliers d’habitants, ont contribué à la croyance générale selon laquelle les ennemis seraient déterminés à s’empoisonner entre eux.

Tout cela a toutefois eu une répercussion positive : parce que les habitants pensent qu’une poignée de main peut suffire à administrer le poison, bon nombre d’entre eux ont pris l’habitude de se laver les mains de manière obsessionnelle, une tendance qui ne peut que réduire la transmission des maladies.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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