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La situation déplorable des travailleurs syriens

A Syrian worker takes a break. Syrians in Lebanon remain the last unregulated labour force Brooke Anderson/IRIN
A Syrian worker takes a break. Syrians in Lebanon remain the last unregulated labour force
D’après les associations de défense des droits et des travailleurs, presqu’aucun des quelque 300 000 Syriens travaillant au Liban n’a de statut officiel et presque tous s’exposent souvent à des risques, pour gagner environ 300 dollars par mois en occupant des emplois boudés par la plupart des Libanais.

En 2006, le ministère du Travail a délivré à peine 471 permis de travail à des ressortissants syriens ; les autres ont donc exercé sans permis. Selon les recherches menées en 2008 par l’organisme beyrouthin InfoPro, plus de 75 pour cent des Syriens du Liban travaillent dans le secteur de la construction, 15 pour cent d’entre eux sont agents de nettoyage ou éboueurs, et 10 pour cent, marchands ambulants.

Environ 15 pour cent de la main-d’œuvre syrienne se trouve au Liban. Les ressortissants syriens vivent souvent soit sur le chantier où ils travaillent, soit dans des appartements exigus, qu’ils occupent avec une dizaine d’autres travailleurs.

Selon René Matta, directeur général de Matta Contracting, une société libanaise dont le personnel est composé de Syriens à 70 pour cent, la main-d’œuvre syrienne du Liban « devrait être plus organisée, pour que les gens ne soient pas opprimés ».

Les Libanais sont hostiles aux Syriens depuis que les deux pays ont obtenu leur indépendance par rapport à la France, dans les années 1940 ; à cette époque, les Syriens musulmans qui avaient afflué au Liban pour y travailler dans le secteur agricole avaient été perçus par bon nombre de Libanais chrétiens comme une menace à l’équilibre sectaire du pays.

Les travailleurs syriens sont devenus les victimes des relations houleuses sans précédent entretenues par les deux pays dans le sillage de l’assassinat, en 2005, de l’ancien Premier ministre Rafik Hariri, que bon nombre de Libanais accusent Damas d’avoir orchestré et qui a forcé la Syrie à retirer son armée du Liban, mettant ainsi fin au contrôle direct qu’elle exerçait depuis 20 ans sur son petit voisin.

«Je n’ai aucun ami libanais. Je n’en ai jamais eu. Pourquoi en aurais-je ? Ils ne nous aiment pas»
De nombreux Syriens du Liban ont été agressés, volés, battus et parfois tués, ces quatre dernières années.

Malgré l’ouverture récente d’une ambassade à Beyrouth, peu de travailleurs syriens du Liban pensent que leurs droits du travail et leur sécurité personnelle seront bientôt assurés.

Peur

« Si quelque chose m’arrivait, à qui irais-je me plaindre ? », a demandé Eide, un jeune Syrien de 18 ans, ouvrier du bâtiment, qui vit et travaille au Liban depuis 10 mois. Eide dit vivre dans la peur quotidienne d’être agressé par un gang libanais anti-syrien : « Il n’est pas rare que les Libanais nous demandent nos cartes d’identité dans la rue et puis, qu’ils nous prennent notre argent parce que nous sommes syriens ».

Mohammed, un ressortissant syrien qui travaille actuellement comme gardien dans un restaurant de Beyrouth, a raconté qu’il avait dû renoncer à son précédent emploi, l’été dernier, ses conditions de travail étant déplorables.

Après avoir travaillé pendant plusieurs mois comme agent de nettoyage dans une piscine, Mohammed avait expliqué à son patron que les produits chimiques qu’il utilisait lui abîmaient la peau. Il avait alors été licencié sur-le-champ et son patron ne lui a jamais versé son dernier salaire, a-t-il raconté.

A Syrian construction worker in Beirut climbs a crane with no harness or helmet
Photo: Brooke Anderson/IRIN
A Beyrouth, un ouvrier syrien du bâtiment grimpe en haut d’une grue sans casque ni harnais
Tous les travailleurs syriens interviewés ont demandé que seuls leurs prénoms soient publiés, de crainte de subir des représailles pour avoir témoigné.

Du « racisme socioéconomique »

Pour Nadim Houry, chercheur principal chez Human Rights Watch (HRW) à Beyrouth, ce phénomène d’immigration des travailleurs entre la Syrie et le Liban est un « mariage de convenance » pour les deux pays.

De nombreuses sociétés libanaises font des économies en embauchant des travailleurs syriens, dont les contrats peuvent être résiliés à tout moment, mais qui ont le droit d’entrer au Liban sans visa.

« Cela fait partie de l’histoire du Liban », a expliqué M. Houry. « Les travailleurs syriens sont devenus des boucs émissaires car ils sont perçus comme faibles. Au Liban, il y a un problème de discrimination contre les personnes qui ont un statut socioéconomique inférieur. Les gens méprisent les populations pauvres des régions rurales. C’est un genre de racisme socioéconomique ».

Dans son édition du 2 janvier, Al-Akhbar, un des rares organes de presse libanais qui abordent régulièrement cette question, rapportait qu’un travailleur syrien avait été victime d’un vol à main armé, commis par un membre de l’armée libanaise en civil. A la fin du mois de décembre 2008, l’on pouvait lire dans le même journal qu’un Syrien avait été tué au cours d’un cambriolage près de Byblos. Ce même mois, un travailleur syrien d’origine kurde avait été retrouvé pendu dans son propre magasin de chaussures, à Bar Elias, dans la vallée de la Bekaa, dans l’est du Liban.

Bon nombre d’autres incidents ne sont pas signalés. Les 10 travailleurs syriens interrogés sur des chantiers de construction, aux quatre coins de Beyrouth, ont tous déclaré avoir été victimes de vols et, de temps en temps, de passages à tabac, infligés par des Libanais ; et ce, parce qu’ils étaient syriens, ont-ils tous expliqué ; aucun n’a rapporté avoir signalé ces incidents aux autorités.

« Je n’ai aucun ami libanais. Je n’en ai jamais eu », a déclaré un ressortissant syrien, ouvrier du bâtiment. « Pourquoi en aurais-je ? Ils ne nous aiment pas ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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