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Apprendre la grammaire de la paix

[Sierra Leone] A young man waits for medical attention after rebels from the Revolutionary United Front used a knife to mark both his chest and back with the initials RUF. The rebels then attempted to cut off his ear. In a similar attack, the rebels hacke C Dufka/HRW
Un jeune homme, marqué par les rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF), en Sierra Leone
Y a-t-il des moments où les médiateurs ne devraient même pas essayer de réunir les belligérants autour d’une table pour négocier la paix ? La réponse est probablement non, mais il semble toutefois que le timing soit un facteur essentiel pour assurer la réussite des négociations, à long terme.

L’essentiel est d’établir une paix véritable et durable, comme au Mozambique en 1992, plutôt qu’une paix qui ne durera guère au-delà de la conférence de presse, comme ce fut le cas après plusieurs séries de pourparlers somaliens avortés. Tout cela est lié à la « maturité » du conflit (généralement une impasse préjudiciable pour les deux parties), le dialogue étant alors accepté par les deux parties comme l’unique recours logique.

Mais selon Martin Griffiths, directeur du Centre pour le dialogue humanitaire, un organisme genevois de résolution des conflits qui prend part à plusieurs efforts de médiation internationaux, il incombe au médiateur de « tenter de déclencher » les bonnes conditions, au lieu d’attendre le moment propice pour agir.

La « maturation » des circonstances peut être l’heureux aboutissement d’une longue et pénible période de liaison constante avec les parties belligérantes, pour les inciter sans cesse à envisager de négocier, puis pour les encourager à préparer leurs positions. « Il faut essayer sans cesse et être disponible, de façon à être prêt, le temps venu », a expliqué M. Griffiths à IRIN. « Toutes les années passées à préparer le terrain ne sont pas du temps perdu ».

Le Centre pour le dialogue humanitaire a réuni analystes et médiateurs la semaine dernière pour une « retraite » au Zanzibar, en vue d’aborder les défis de la résolution des conflits en Afrique. Parmi les sujets importants, une question, peut-être au cœur de tout : comment faire en sorte qu’un accord de paix tienne la distance ?

L’impératif urgent, pour la plupart des médiateurs, est de mettre un terme à la violence et aux souffrances. Dans un document rédigé en vue de la rencontre de Zanzibar, Laurie Nathan, chercheur à la London School of Economics et à l’université sud-africaine du Cap, a comparé deux modèles de négociation : la « diplomatie des délais » et la « médiation par la création de confiance ».

La première consiste à faire appel à des représentants nommés par les dirigeants politiques pour inciter les parties à conclure un accord en employant à la fois la carotte et le bâton ; la seconde est un processus bien plus lent de médiation de pourparlers, dans le cadre duquel un médiateur neutre et de confiance cherchera à obtenir des compromis auprès des parties.

« Les parties doivent être certaines que leurs opposants respecteront leurs engagements ; et une gouvernance stable à long terme dépend de la coopération continue des parties. Compte tenu de ces facteurs, créer la confiance n’est pas un luxe, ni une distraction. C’est au contraire un impératif pragmatique et cela devrait être le but premier du médiateur », a écrit M. Nathan.

Parmi les dilemmes, on s’interroge également sur la manière d’interagir avec des mouvements rebelles susceptibles d’être considérés comme inacceptables, d’être terriblement fractionnés, d’être protégés par des personnalités influentes, ou d’avoir des capacités locales limitées ne permettant pas de négocier un accord global crédible.

« Les parties doivent être certaines que leurs opposants respecteront leurs engagements ; et une gouvernance stable à long terme dépend de la coopération continue des parties »
Doit-on aller de l’avant avec un groupe principal, en espérant que le reste suivra ? Comment éviter que les belligérants fassent leur choix entre les différents forums lorsqu’il y a plusieurs médiateurs, qui risquent eux aussi d’être en concurrence ? Et la médiation risque-t-elle de priver une lutte armée « légitime » de sa « révolution » ?

Santa Okot faisait partie de l’équipe de négociation de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), un mouvement ougandais millénariste exceptionnellement violent qui déstabilise le nord de l’Ouganda et ses voisins immédiats depuis plus de deux décennies.

Ancienne députée, elle avait été invitée à jouer le rôle de personne ressources auprès de la LRA, pour aider le mouvement à exprimer sa position aux pourparlers de paix de Juba, en 2006. Le dialogue avec le gouvernement ougandais s’est finalement rompu deux ans plus tard, sous les récriminations des deux parties, le spectre de la mise en accusation des dirigeants de la LRA, par la Cour pénale internationale planant sur les pourparlers.

Capacités

Selon Mme Okot, il faut d’urgence former « les médiateurs de la LRA, dès le début du processus de paix ». Bien que Joseph Kony, le leader charismatique du groupe rebelle, soit « naturellement intelligent », estime-t-elle également, l’instruction académique qu’il a reçue est limitée, c’est pourquoi « il faut expliquer, page par page, les détails de l’accord ».

Le manque de capacités peut être moins problématique lorsqu’on gère les détails politiques – la plupart des chefs rebelles ont le sens de la politique - mais pour ce qui concerne la reconstruction post-conflit et les questions d’argent relatives à la gestion des ressources et au renforcement institutionnel, l’écart de compréhension entre les guérilleros de la brousse et les technocrates du gouvernement peut soudain se creuser.

« Le processus de médiation doit permettre d’assurer un renforcement des capacités », a noté Endre Stianson, conseiller auprès du gouvernement norvégien, et participant aux négociations entre le gouvernement soudanais et le Mouvement populaire de libération du Soudan, qui avaient abouti à l’Accord de paix global de 2005. « Votre accord ne tiendra pas la distance si vous ne faites pas cela ».

L’effort concerté, déployé pour mettre rapidement fin aux violences, pour ouvrir un espace humanitaire et lancer le processus de reconstruction n’aboutira peut-être à guère plus qu’un morcellement du pouvoir ; une situation où les combattants armés seront privilégiés au détriment de la majorité non-armée.

[Ethiopia] UN peacekeepers.
Photo: IRIN/Anthony Mitchell
Tentative de paix durable
Les négociations dites de type 2 (parallèles), dans le cadre desquelles des intermédiaires non-gouvernementaux interviennent pour soutenir la résolution du conflit, par le biais d’une variété de voies non-officielles, visent à intégrer un degré d’appropriation populaire et de responsabilité dans le processus.

La paix de qui ?

« Les médiateurs [officiels/de type 1, généralement des représentants d’organisations intergouvernementales ou de gouvernements tiers] s’expriment au nom de qui ? », a demandé Bineta Diop, directrice exécutive de Femmes Africa Solidarité. « Ils ne font pas intervenir le grand public dans le dialogue ; ils prennent des décisions en notre nom, sans nous consulter ».

« A moins de coupler la diplomatie de type 1 avec une diplomatie de type 2, on ne parvient à rien », a déclaré à IRIN Mme Diop, qui mène des initiatives féminines de consolidation de la paix dans le cadre de divers conflits, en Afrique de l’Ouest et dans la région des Grands Lacs. Malheureusement, les gouvernements et les mouvements rebelles, qui prétendent souvent tous deux lutter au nom du peuple, risquent de ne pas partager cette aspiration à écouter véritablement les électeurs.

La question de l’appropriation et de l’inclusion va de pair avec l’argument selon lequel un accord de paix qui ne traite pas les causes profondes du conflit ne fera que reporter la reprise des violences. Le but de la médiation pourra donc être de tenter d’établir un cadre post-conflit « transformateur ».

« De plus en plus souvent, la difficulté, pour assurer la viabilité de l’accord de paix, consiste à porter le débat au-delà d’une nouvelle distribution politique du pouvoir parmi ceux qui ont eu recours à la violence – qu’il s’agisse des Etats ou des mouvements rebelles - pour faire en sorte de traiter des questions sociétales plus générales », selon Chris Coleman, directeur de la planification politique et de l’aide à la médiation au Département des affaires politiques des Nations Unies.

« La communauté internationale doit faire preuve d’endurance », en lieu et place de la formule habituelle « soldats de maintien de la paix, élections et chance ».

L’Afrique dispose de l’architecture nécessaire à une médiation efficace, des organes régionaux chargés de jouer un rôle dans les domaines de la paix et de la sécurité, aux processus de circonstances, tels que la Commission des sages de l’Union africaine, composée d’hommes d’Etat âgés. A la conférence de Zanzibar, un débat s’est engagé, sans ambages, sur le déficit capacitaire de l’Afrique, obstacle accepté à la mise en œuvre de médiations efficaces, à long terme, et lacune qu’il faudra peut-être combler avec l’aide de partenaires extérieurs, sous la direction d’un vaste éventail de pays d’Afrique.

« L’aptitude est là, bon nombre de gens ont les compétences requises, mais les capacités organisationnelles manquent », a estimé Vasu Gounden, directeur exécutif du Centre sud-africain pour la résolution constructive des querelles. « Il faut faire la distinction entre aptitude et capacités ».

oa/he/nh/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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