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Les particuliers, plus généreux que les institutions donatrices

Fatuma Abdalah an IDP in her compound in El Fasher, Dafur. Sudan August 8, 2007.
Gabriel Galwak/IRIN
Les organisations non-gouvernementales (ONG) reçoivent davantage de financements privés que de fonds versés par les plus grandes agences publiques d’aide au développement du monde, selon un rapport publié récemment par Development Initiatives (DI), une cellule de réflexion britannique. Mais le caractère instable de cette base de financement privée, surtout en période de récession, inquiète les collecteurs de fonds de certaines ONG.

Cinquante-et-un pour cent des financements humanitaires versés aux 114 ONG observées dans le cadre de l’étude proviennent de sources privées. Dès lors, les dépenses d’une ONG telle que Médecins sans frontières (MSF), qui a consacré 495 millions de dollars aux opérations d’urgence en 2006, sont supérieures aux budgets humanitaires de 20 bailleurs publics, dont la France, les Pays-Bas, l’Allemagne et la Norvège.

MSF France a consacré 81 millions de dollars, versés par les particuliers français, aux crises humanitaires en 2006, contre 48 millions de dollars dépensés par le gouvernement français.

Et MSF n’est surpassé que par les deux plus grands bailleurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : les Etats-Unis et le Royaume-Uni.

« Sur 10 dollars d’aide humanitaire, les ONG en dépensent quatre », a expliqué Lisa Walmsley, éditrice de l’étude, intitulée « Public support for humanitarian crises through ONGs » [Aide publique et ONG en situation de crise humanitaire]. « Les chiffres parlent d’eux-mêmes : quand on voit sur un graphique que certaines ONG sont plus grandes que beaucoup de bailleurs, c’est une image assez frappante ».

Le rapport porte sur les financements des ONG et des bailleurs humanitaires en 2006 : les auteurs y analysent les fonds versés par 30 bailleurs membres de l’OCDE, et 114 ONG dans 23 pays. Parmi ces ONG, on compte 19 des plus grands réseaux ou familles humanitaires d’organismes à but non-lucratif du monde, et notamment Oxfam, CARE, MSF, Save the Children et World Vision. Ensemble, ces ONG dépensent 60 pour cent des financements humanitaires mondiaux.

L’analyse ne porte pas sur les envois de fonds, les fonds versés par les communautés d’accueil, ni les donations hors urgence.

Humanitarian assistance figures for bilateral donor aid and NGOs, 2006
Photo: Development Initiatives
Répartition des dépenses des ONG (fonds privés « volontaires » / fonds publics)
Contexte

Certaines ONG dépendent bien plus que d’autres des dons privés : Norwegian People’s Aid reçoit un pour cent de fonds privés, tandis que MSF en reçoit 86 pour cent. Cela s’explique en partie par les habitudes de financement de leurs pays respectifs : les bailleurs scandinaves, par exemple, consacrent un pourcentage relativement élevé de leurs revenus annuels à l’aide humanitaire, et en allouent une bonne partie aux ONG.

Cela s’explique également par les origines culturelles et philosophiques des ONG, que l’Overseas Development Institute (ODI), une cellule de réflexion humanitaire, a divisées en trois catégories : religieuses, dunantistes ou wilsoniennes. Les organismes dunantistes tels que le Comité international de la Croix-Rouge, MSF ou Save the Children, se distancent des intérêts de l’Etat ; les organismes wilsoniens considèrent les valeurs américaines et l’influence des Etats-Unis comme une force bénéfique ; et les ONG religieuses telles que le réseau Caritas sont financées en grande partie par les institutions religieuses.

L’étude de DI a été réalisée à une période où les financements humanitaires consacrés par les bailleurs bilatéraux et multilatéraux aux opérations d’urgence augmentaient progressivement depuis plusieurs années, selon Abby Stoddard, experte de la finance humanitaire.

Le nombre d’urgences a également augmenté, selon la Fédération internationale de la Croix-Rouge : en 2007, le nombre d’appels d’urgence lancés par les Nations Unies et les ONG avait plus que doublé par rapport à 2000.

Mme Walmsley n’a pas pu préciser si les fonds versés par les particuliers aux ONG avaient augmenté ces dernières années. Au Royaume-Uni, le Disasters Emergency Committee, un réseau d’ONG qui collectent des fonds auprès des particuliers britanniques pour financer les interventions d’urgence des ONG, fait état de statistiques inégales : le tsunami de 2004 a rapporté 538 millions de dollars, contre à peine 9,7 millions de dollars pour le dernier appel lancé en 2009 au profit des habitants de Gaza.

Conséquences

Les représentants des ONG expliquent que les fonds privés leur permettent d’intervenir rapidement – en quelques heures ou en quelques jours, et non quelques semaines plus tard - aux crises soudaines et souvent de financer la phase d’intervention initiale avant d’avoir lancé leur propre appel ou l’appel collectif.

En 2006, 65 pour cent des bailleurs du Comité d’aide au développement (CAD) avaient mis six semaines à verser les fonds nécessaires pour financer des opérations d’urgence, selon l’édition 2008 du rapport de DI sur les Indicateurs de bonnes pratiques des bailleurs humanitaires.

Les fonds privés permettent également aux ONG de préserver leur indépendance par rapport aux gouvernements et sont plus flexibles, selon les responsables humanitaires. « L’avantage principal, c’est que vous pouvez agir très rapidement et que vous pouvez utiliser les fonds pour vous procurer tout ce dont vous avez besoin », a expliqué Janet Harris, vice-présidente du développement à l’International Rescue Committee, dont les fonds d’urgence sont privés à 47 pour cent, selon le rapport de DI.

« Prenez la crise actuelle au Darfour : on peut pré-acheminer du matériel et prévoir différents scénarios de mouvements [de population] potentiels au Tchad, au Sud-Soudan et en République centrafricaine, ce que nous ne pourrions pas faire si nous dépendions uniquement des sources officielles ».

NGOs' private expenditure versus expenditure from government sources
Photo: Development Initiatives
Fonds humanitaires dépensés par les bailleurs bilatéraux et les ONG en 2006
Les fonds inconditionnels permettent aux ONG de fixer elles-mêmes les priorités des bailleurs ou des médias, plutôt que de s’y conformer, d’après Mme Harris. « On peut détecter et révéler un problème [grâce aux sources privées] qui sera ensuite repris par les sources officielles », a poursuivi Mme Harris, prenant comme exemple les programmes de lutte contre la violence envers les femmes, menés par l’IRC en République démocratique du Congo, qui ont incité les bailleurs à donner.

Selon les recherches de DI, les ONG consacrent à l’Afrique une plus forte proportion de fonds privés que les bailleurs du CAD - 57 contre 46 pour cent - et bien moins au Moyen-Orient - trois contre 15 pour cent.

Contraintes

Il est toutefois risqué de trop dépendre des bailleurs privés car, au quotidien, ils sont plus instables que les bailleurs institutionnels, à en croire Mme Harris. « Ils [les fonds privés] sont plus sujets aux changements économiques soudains annoncés dans les gros titres de la presse. Les gens ont tendance à être plus spontanés en matière de dons, et le manque de prévisibilité est un de nos plus gros problèmes de gestion ».

La crise économique mondiale influe considérablement sur les dons privés, et de nombreuses ONG dépendantes telles qu’Oxfam sont contraintes de réduire leurs effectifs. Les dons privés de l’IRC devraient avoir diminué de 10 pour cent au cours de l’année fiscale 2008-09, selon Mme Harris. Parallèlement, bon nombre des principales institutions donatrices se sont engagées à faire tout leur possible pour maintenir leurs budgets humanitaires au même niveau.

Caritas, un réseau de 162 ONG dont les fonds humanitaires équivalent à ceux du gouvernement suédois, s’attend également à une diminution des dons privés dans l’ensemble du réseau. « Nous nous sommes engagés à maintenir les services de première ligne en fonctionnement, aux mêmes niveaux de financement ; il faudra pour cela réduire les budgets dans d’autres domaines, tels que l’éducation ou les campagnes de sensibilisation », a averti Patrick Nicholson, porte-parole du réseau.

Selon Leona Kavanagh, responsable de la collecte de fonds chez Trocaire, membre de Caritas, l’organisme s’inquiète à l’idée que sa base de financements privés, essentiellement composée de pratiquants vieillissants, s’amenuisera au fil du temps.

Mais l’essentiel est d’être toujours plein de ressources, a-t-elle estimé. « Nous sommes inquiets, mais nous faisons appel aux écoles et nous nous adressons à chaque génération au sein des familles pour essayer d’assurer notre avenir ».

aj/np/nh/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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