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Des organismes de microfinance corrompus profitent des plus pauvres

Vendors crowd one another in Cotonou, Benin's Dantokpa market Phuong Tran/IRIN
Certaines organisations non-gouvernementales (ONG) locales employées en sous-traitance dans le cadre d’un programme de microcrédit doté d’un budget de plusieurs millions de dollars reçoivent des pots-de-vin de la part des emprunteurs, selon les directeurs du fonds.

Aboubacar Aboudou, premier directeur du programme public de « microcrédits aux plus pauvres », a expliqué à IRIN qu’une supervision insuffisante, conjuguée à la croissance rapide du programme depuis sa création en février 2007, avaient laissé le champ libre aux « intermédiaires sans scrupules », engagés pour traiter les dossiers de prêt.

« Ils détournent les fonds et tentent de dissimuler leurs crimes. C’est immoral. Ils veulent rendre les pauvres encore plus pauvres », a-t-il déploré.

Profiter de la pauvreté

Komi Koutche, le directeur actuel du fonds, a indiqué à IRIN que certaines associations communautaires locales, employées en sous-traitance, profitaient du désespoir des emprunteurs.

« Au lieu de prendre deux dollars de frais de dossier, ils facturent [aux emprunteurs] jusque sept dollars. Tant que les emprunteurs les paient de leur plein gré, on ne peut rien faire pour les arrêter. Ce n’est que lorsqu’ils protestent que nous pouvons intervenir », a-t-il dit.

Selon certaines études récentes, les créditeurs intermédiaires « perçoivent les traites versées par les emprunteurs, à qui ils promettent de les reverser aux partenaires du fonds [les banques], mais n’en font rien », a indiqué à IRIN Reckya Madougou, ministre béninoise de la Microfinance.

Le montant maximum des prêts est de 60 dollars. Les emprunteurs ont six mois pour rembourser les prêts subventionnés par le gouvernement à un taux d’intérêt de cinq pour cent.

Les cinq organismes de prêt partenaires du fonds ont fait état de plus d’un million de dollars de prêts impayés en 2007, selon les Nations Unies. Les banques sous-traitent à 20 ONG spécialisées dans la microfinance.

Trop, et trop vite

Le fonds de microcrédit a accordé plus de 500 000 prêts à hauteur de 31 millions de dollars, selon Mme Madougou, la ministre. Pour celle-ci, ces prêts sont « la solution pour lutter contre la pauvreté et sont un sage investissement en capital humain ».

Le Bénin se classe systématiquement dans les 20 derniers rangs de l’indice des Nations Unies sur les conditions de vie, qui couvre 179 pays. Mais à en croire M. Aboudou, l’ancien directeur du fonds, le programme public de microcrédit a mis la barre trop haut, trop vite.

« Parce que le fonds voulait des résultats rapides, les gens ont fermé les yeux sur les irrégularités. Il y avait beaucoup d’argent, ce qui a ouvert la porte aux fraudes. Il est normal qu’il y ait eu des prêts fictifs [qu’empochent les intermédiaires], alors même que les populations vraiment pauvres sont laissées de côté ». Le programme ne devrait traiter que 50 000 prêts par an, a-t-il ajouté.

Appels à la réforme

Une « mafia » se crée bientôt là où des fonds importants sont injectés, a expliqué Martin Assogba, de l’organisme à but non-lucratif Action contre le régionalisme, l’ethnocentrisme et le racisme.

« Je ne serais pas surpris d’apprendre que ce sont les membres des familles – les parrains et les marraines [des emprunteurs] - qui traitent les dossiers ».

D’après M. Assogba, il serait mieux que les demandeurs d’emprunt s’adressent directement aux organismes de prêt. « Nous devons définir de nouveau la façon dont les fonds sont alloués, en supprimant les intermédiaires. De cette façon, l’argent parviendra bel et bien aux bénéficiaires. Nous devons arrêter cette mafia ».

M. Koutche, directeur du fonds national de microfinance, a expliqué à IRIN que le fonds cherchait à supprimer les intermédiaires.

Le Bénin compte 500 organismes de microfinance (organismes de prêt communautaires hors banques), dont moins de la moitié sont reconnus par l’Etat, selon le gouvernement.

Qui est pauvre ?

En outre, à ce jour, le fonds n’a établi aucun critère à remplir pour pouvoir se voir accorder un prêt, selon M. Koutche.

« Nous avons procédé à des analyses subjectives au cas par cas. Si quelqu’un vient déposer une demande de prêt avec son téléphone portable, on va refuser la demande. Quiconque a assez d’argent pour s’offrir un téléphone n’a pas besoin de prêt. En revanche, si la personne vit dans une maison dépouillée, qui manque de commodités, elle obtiendra son prêt ».

Mme Madougou, la ministre de la Microfinance, a indiqué à IRIN que les prêts publics étaient accordés en fonction d’un principe directeur : prêter « aux plus pauvres sans considération d’ethnie, ni d’obédience politique ».

Mais en ne définissant pas de critères concrets, on laisse libre cours au favoritisme et à la corruption dans le cadre du programme, a indiqué M. Koutche, le directeur du fonds. Il a néanmoins ajouté que le fonds s’efforçait à l’heure actuelle d’établir les critères à remplir pour se voir accorder un prêt.

Des organismes de microfinance opèrent au Bénin depuis les années 1970. Selon l’Association nationale des praticiens de la microfinance du Bénin (le Consortium ALAFIA), il y avait plus de 730 000 emprunteurs en 2004. En 2005, le consortium a calculé que plus de 200 millions de dollars de prêts étaient en cours.

gc/pt/np/nh/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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