Selon le rapport publié par Handicap International (HI), des corps décapités ont été remplis de plus de 500 roulements à billes en acier et de 20 kg de charges explosives pouvant exploser au moindre contact.
Les corps en décomposition offrent un spectacle macabre, mais ils présentent aussi un énorme défi pour les équipes internationales d’experts en déminage qui doivent nettoyer la ville pour permettre le retour de ses habitants.
La présence de munitions non explosées (UXO, selon le sigle anglais), y compris de missiles largués par les avions de guerre américains, entrave les efforts de secours déployés à Kobané. Dans la seconde moitié de 2014, l’EI s’est emparé de vastes pans de l’Irak et de la Syrie et la ville à majorité kurde est devenue un symbole de résistance.
Après que le drapeau noir de l’EI eut été hissé à Kobané, en octobre, les forces kurdes ont tenté pendant plusieurs mois de reprendre la ville, rue par rue. Les médias du monde entier ont montré les nuages de fumée noire s’élevant des immeubles de la ville.
Avec l’aide des rebelles de l’Armée syrienne libre (ASL) et de la coalition dirigée par les Américains – qui a mené des frappes aériennes –, les forces kurdes ont finalement réussi à chasser les islamistes de la ville. Jusqu’à 70 pour cent des bâtiments de la ville ont cependant été endommagés ou détruits par les combats ou les bombardements.
Le nouveau rapport de HI conclut que la « densité et la diversité des débris de guerre » à Kobané est « quasi sans précédent » en raison de la férocité des affrontements qui y ont eu lieu.
Frederick Maio, qui gère les opérations de déminage menées par HI dans la ville, a dit qu’il était difficile de dire combien de cadavres piégés ont été délibérément enterrés sous les décombres.
« Il faut traiter tous les cadavres comme une menace potentielle. C’est ce que nous devons faire et la population l’a accepté », a-t-il dit à IRIN. « Ils leur touchent très rarement, qu’ils soient piégés ou non : il y a eu tellement d’accidents. »
Selon une autre organisation non gouvernementale (ONG) de déminage, 66 personnes ont été tuées dans 45 explosions à Kobané entre janvier et le début du mois de mai. La vaste majorité des victimes étaient des civils.
M. Maio, qui est témoin pour la première fois de l’utilisation de cadavres piégés, a dit que le problème risquait de ralentir considérablement les efforts déployés pour déblayer les décombres.
Les milliers de résidents qui retournent à Kobané pour tenter de reprendre une vie normale sont dépassés par l’ampleur du problème des munitions non explosées. On estime qu’il y a en moyenne 10 pièces de munition par mètre carré dans le centre de Kobané. Les quartiers du nord et du sud de la ville ont également été en grande partie détruits.
Ahmed, un ancien professeur de Kobané qui était retourné sur place en février pour aider à la reconstruction de la ville, est reparti en Turquie il y a deux semaines.
Il avait prévu de se mettre à l’agriculture, mais il a dit que les tentatives en ce sens avaient échoué parce que de nombreuses personnes avaient été tuées ou blessées par des munitions non explosées.
« Il n’y a donc pas de travail pour nous. J’ai dû retourner chercher du travail », a-t-il dit à IRIN.
M. Maio s’est fait l’écho d’informations rapportées précédemment par d’autres groupes de déminage. Il a dit que les efforts pour éliminer les munitions non explosées devaient être accélérés et que la priorité devait être accordée aux quartiers les plus densément peuplés de la ville et non à ceux où les bombes sont les plus nombreuses.
Aujourd’hui, à peine quatre mois après le retrait de l’EI de la ville, les habitants de Kobané ont l’impression d’avoir été oubliés.
M. Maio a dit qu’il était impossible de faire venir de vastes équipes de déminage occidentales à Kobané en raison du manque de fonds. L’organisation cherche plutôt à former des équipes locales de civils.
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