Une enquête parlementaire est en cours pour faire la lumière sur des plaintes selon lesquelles des fonctionnaires corrompus du ministère des Déplacements et des Migrations (MODM) auraient obligé des familles de déplacés à verser des pots-de-vin afin de recevoir l’aide du gouvernement.
Salam al-Khafaji, ministre adjoint des Déplacements et des Migrations, a reconnu qu’il y avait des problèmes et a qualifié de « chaotique » le système de distribution.
« J’ai essayé d’imposer la loi et de maintenir un processus organisé, mais nous avons rencontré des obstacles », a-t-il expliqué. « J’ai surpris de nombreux employés en possession de faux documents et dossiers appartenant selon eux à des [personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP)]. »
« Les familles de déplacés payent le prix de cette confusion. Elles en sont les victimes », a-t-il dit tout en ajoutant que certaines PDIP ne se rendaient pas service en versant les pots-de-vin exigés et en refusant de dire aux autorités qui elles avaient payé.
Comme tous les déplacés en Irak, chaque famille irakienne déplacée par l’avancée des islamistes peut bénéficier d’une allocation en espèces d’un million de dinars irakiens, soit environ 850 dollars, de la part du MODM pour aider à payer son hébergement et sa nourriture.
« Des membres du personnel du MODM ont demandé aux familles de déplacés [une] certaine sommes en pots-de-vin pour payer leur cotisation », a dit à IRIN Ahmed Al-Salamani, parlementaire sunnite représentant de la Province d’Anbar et membre du Comité parlementaire sur les migrations et les personnes déplacées qui a lancé l’enquête.
Qassim Ahmed, ancien agent de police à Mossoul, a dit qu’il avait soumis la demande d’allocation de sa famille plusieurs fois aux autorités d’Erbil, capitale de la région semi-autonome du Kurdistan, au nord de l’Irak, où il s’est réfugié avec sa femme et ses deux enfants en juin lorsque le mouvement extrémiste qui se fait appeler État islamique (EI) a pris le contrôle de sa ville natale.
« Nous avons été surpris par les nombreuses complications qui bloquaient le versement de l’allocation d’un million de dinars », a-t-il dit. Ce n’est que lorsque quatre voisins et lui ont chacun payé 100 dollars à un intermédiaire qu’il a finalement reçu l’allocation.
D’après M. Al-Salamani, d’autres employés du MODM « ont volé l’argent et dit aux gens que leur nom n’était pas sur les listes ou que l’argent leur avait déjà été versé alors que ce n’était pas le cas. »
Le Comité a également reçu des témoignages signalant que des entreprises gonflaient les prix des produits soumissionnés au gouvernement, a-t-il dit.
IRIN n’a pas pu vérifier cette allégation, mais plusieurs hauts fonctionnaires ont admis qu’il y avait des problèmes dans le système d’allocations en espèces.
« Il y a toujours des personnes malveillantes qui veulent profiter de la situation et des personnes désespérées », a dit Ayla Hussein Albazaz, représentante du MODM au Kurdistan irakien, où se sont installés plus de 850 000 des 1,8 million de déplacés irakiens estimés depuis janvier.
« Nous avons entendu dire qu’il y avait des problèmes, alors nous avons trouvé ceux qui étaient impliqués et nous nous en sommes débarrassés », a-t-elle dit en assurant que le système fonctionnait désormais beaucoup mieux et qu’une deuxième série de distributions était prévue.
Lenteurs bureaucratiques
Outre les allégations de corruption, la lenteur de la bureaucratie – causée en partie par la montée en flèche de la demande et les faibles capacités – a des conséquences néfastes et crée un environnement favorable à la corruption.
De nombreuses familles irakiennes ont fui de chez elles sans emporter leurs papiers et certaines se sont vu dire qu’elles devaient retourner dans leur lieu d’origine pour demander de nouveaux papiers afin de pouvoir prétendre à une aide en espèces.
Shaiyma Noor, 25 ans, a quitté Mossoul en juin avec son mari qui était dans l’armée. Elle partage maintenant une tente avec la famille de sa belle-soeur dans le camp d’Harsham, une petite implantation d’un millier de personnes en bordure d’Ainkawa, le district chrétien d’Erbil.
Mais comme son mari et elle ont quitté leur maison sans leur passeport ni leur carte d’identité, ils ne peuvent demander aucune aide financière au MODM et dépendent du soutien de leurs proches.
« Je suis née à Bagdad et c’est là que ma carte d’identité m’a été délivrée, mais cela faisait trois ans que je vivais à Mossoul. Maintenant ils me disent que je dois retourner à Bagdad pour obtenir mes papiers, mais nous n’en avons pas les moyens », a dit Mme Noor.
Plusieurs autres PDIP se sont plaintes de la longue attente pour obtenir de l’argent et de l’insuffisance de l’allocation. L’hiver approche et les PDIP doivent acheter des vêtements chauds, des couvertures et du combustible pour pouvoir survivre lorsque la température descendra en dessous de zéro.
Les fonctionnaires, à qui on a promis qu’ils continueraient de recevoir leur salaire même s’ils ne peuvent plus se rendre au travail depuis qu’ils ont été déplacés, ont eux aussi de la peine à obtenir leur argent.
Le cas du Kurdistan
Le problème des transferts d’argent pour payer les PDIP et les salaires est particulièrement préoccupant au Kurdistan en raison d’un différent politique qui oppose depuis longtemps le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) et le gouvernement fédéral à Bagdad au sujet du revenu de la vente du pétrole kurde. La querelle a perturbé les transferts de fonds de Bagdad au GRK.
Saleh al Mutlaq, adjoint au premier ministre et président du Comité de haut niveau pour les PDIP du gouvernement irakien, a dit à IRIN que 50 milliards de dinars (43 millions de dollars) avaient été transférés au sous-comité au Kurdistan pour être distribués aux PDIP et que 60 milliards de dinars (51 millions de dollars) supplémentaires allaient être alloués à 15 000 « unités d’habitation » dans toute la province de Dohuk, qui accueillerait environ 440 000 PDIP.
M. al Mutlaq a ajouté que 5 000 tentes conçues pour supporter les conditions hivernales étaient sur le point d’être livrées, selon un calendrier strict, dans un site de PDIP à Zakho, dans la province de Dohuk, près de la frontière turque, pour une valeur de 19 milliards de dinars (16 millions de dollars).
« Nous allons imposer les pénalités administratives les plus sévères contre ceux qui contreviennent délibérément à [leurs] obligations envers les PDIP », a-t-il dit.
Les agences des Nations Unies contactées par IRIN n’ont pas souhaité faire de commentaire sur les allégations d’abus au sein du MODM.
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