Les travailleurs humanitaires choisissent du mieux qu’ils le peuvent, grâce à leur bon sens et leur expérience et suivant les directives de leur organisation, mais peu de données concrètes leurs permettent de savoir de manière certaine quelles interventions ont les meilleurs résultats. C’est ce que va tenter de déterminer un nouveau programme de financement, Research for Health in Humanitarian Crises (Recherche pour la santé dans les crises humanitaires) en rassemblant des fonds pour financer la recherche afin de mettre au point un corpus de données factuelles sur ces questions.
« Les crises humanitaires sont un domaine qui manque réellement de données factuelles », a dit Jimmy Whitworth du Wellcome Trust, qui cofinance cette initiative avec le ministère britannique du Développement international (DFID). « Ce n’est pas chose aisée. Il est difficile de collecter des données en situation de catastrophe, quand il y a beaucoup d’impératifs et de nombreuses raisons d’agir rapidement et [ceux qui ont tenté de le faire] ont rencontré d’importantes difficultés ».
Le DFID et le Wellcome Trust estiment toutefois que cela doit être fait. « Ce que nous savons dans tous les domaines, a dit Christopher Whitty, conseiller scientifique en chef du DFID, c’est que si vous faites quelque chose sans vous appuyer sur des données factuelles adaptées, ce que vous faites est probablement en grande partie inutile, partiellement nuisible et a, au mieux, un mauvais rapport coût-efficacité. »
Le comité de sélection des projets est dirigé par Paul Spiegel, qui a un pied dans le milieu universitaire, en tant que professeur adjoint à l’École de santé publique Johns Hopkins, et l’autre dans le monde de l’humanitaire, au titre de vice-directeur de la Division de l’appui et de la gestion des programmes au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Il revient tout juste d’une visite en Jordanie, au Liban et en Irak et a déclaré que de nombreuses questions devaient trouver des réponses.
« Par le passé, la majorité des recherches ont été effectuées dans des camps où le niveau de vie est faible. Depuis peu cependant, dans les Balkans, au Kosovo et maintenant en Syrie, nous travaillons hors des camps, dans des régions à revenu intermédiaire. Au Liban, actuellement, environ 25 % des habitants sont des réfugiés. De nombreuses questions se sont donc posées. Que fait-on différemment ? »
Financement modeste ?
Le fonds initial est de 9,5 millions de dollars étalés sur trois ans. Le programme prévoit deux cycles de financement, chacun pouvant soutenir 10 à 15 projets ciblés, idéalement des recherches collaboratives associant des milieux universitaires et humanitaires.
Beaucoup de personnes ayant assisté au lancement du programme ont trouvé que 9,5 millions de dollars semblaient constituer un niveau de financement plutôt modeste. Ils ont cependant reconnu que ce ne sont pas toujours les projets de recherche recevant le plus de fonds qui se révèlent avoir les résultats les plus influents. « C’est un très bon début et je pense que les financements vont augmenter avec le temps », a dit à IRIN Mark van Ommeren, scientifique à l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Jimmy Whitworth, du Wellcome Trust, a confirmé que le niveau de financement actuel n’était pas définitif. « C’est une sorte de ballon d’essai. Nous ne savons pas comment ce programme va être reçu. »
De nombreuses organisations présentes à la cérémonie de lancement du programme étaient toutefois déjà prêtes à y participer.
Soigner les blessures par écrasement
Anthony Redmond, de l’université de Manchester, cherche des données sur la meilleure façon de soigner les blessures par écrasement après un séisme. Une solution consiste à essayer de sauver le membre, ce qui prend du temps, coûte beaucoup d’argent et peut, en cas d’échec, mettre en péril la vie du patient, qui risque une infection ou une insuffisance rénale. L’autre possibilité est d’amputer le patient, qui restera handicapé à vie dans des circonstances pouvant être très difficiles. Certaines équipes médicales d’urgence ont souvent recours à l’amputation, d’autres très peu. Or les équipes d’urgence ne restent généralement pas sur place pour voir ce qu’il advient de leurs patients.
« Il est possible de sauver les membres, a dit M. Redmond à IRIN, mais je ne sais pas dans quelle mesure. Quel est le point de non-retour ? À quel point doit-on essayer de sauver un membre chez un patient plutôt que de sauver la vie de nombreuses personnes ? C’est ce que nous devons chercher à comprendre. »
La proposition de recherche de M. Redmond impliquerait que les chirurgiens conservent systématiquement des traces de leurs opérations en situation de crise. Le feraient-ils ? « Ils le font dans leur pays d’origine. Si un avion s’écrase ici [au Royaume-Uni], ou qu’un train a un accident, vous devez rédiger un compte-rendu. Les comptes-rendus médicaux et chirurgicaux font partie du traitement et ne pas en rédiger est contraire à l’éthique. Ce que nous devons faire, c’est concevoir une manière de collecter des données très facilement et très rapidement. »
De par son expérience au sein du HCR, Paul Spiegel craint que cela soit encore difficile. « Nombre de nos organisations n’ont pas été préparées à mener des recherches », a-t-il dit. « D’ailleurs, dans mon organisation, nous essayons de ne pas utiliser le mot “recherche”, car l’opinion générale est que “l’argent est là pour aider les gens” — même si aucune donnée ne permet de savoir si l’argent les aide réellement ou non [...] Nous espérons que cette recherche répondra à des questions importantes qui aideront les travailleurs du domaine à prendre ces décisions ».
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