Sa lettre avait placé la question de la piraterie au large de l’Afrique de l’Ouest à l’ordre du jour de l’agenda international. Les attaques n’ont pas cessé depuis et se concentrent toujours aux abords du Bénin et de son voisin, le Nigeria. Pourtant, malgré des missions des Nations Unies et des débats au Conseil de sécurité, la communauté internationale n’est toujours pas sûre de la meilleure façon de procéder.
Le 6 décembre, l’université de Coventry a organisé une conférence sur la sécurité maritime dans le golfe de Guinée, en collaboration avec le groupe de réflexion londonien Chatham House. Il est clairement ressorti des discussions que ce qui était appelé piraterie dans cette région était bien différent de la piraterie pratiquée au large de l’Afrique de l’Est et qu’un déploiement naval international similaire à celui mené contre les pirates somaliens risquait d’être inutile.
En réalité, selon Chris Trelawny, directeur adjoint de la Division de la sécurité maritime de l’Organisation maritime internationale (OMI), les activités pratiquées dans les eaux ouest-africaines ne sont pas vraiment de la piraterie telle que définie par les conventions internationales. « La piraterie est définie comme étant pratiquée “dans un lieu ne relevant de la juridiction d’aucun État”, soit au-delà de 12 miles marins de la côte. En deçà de ces 12 miles, il s’agit de vols à main armée à l’encontre des navires. C’est la juridiction qui fait la différence. En vertu du droit international, la piraterie est un crime et les États ont l’obligation d’intervenir. En deçà de 12 miles, cela relève de la compétence de l’État côtier. »
Sur les attaques signalées à l’OMI au cours des dix dernières années, seulement 108 ont eu lieu dans les eaux internationales, tandis que 170 ont été menées dans les eaux territoriales et 270 à l’intérieur même des ports. La majorité de ces crimes relèvent donc des juridictions nationales et, bien que les gouvernements et les systèmes judiciaires de certains États côtiers d’Afrique de l’Ouest soient relativement fragiles, ces pays ne se heurtent pas à une absence d’autorité comme en Somalie.
Peu de poursuites
Le recours aux forces navales internationales pour résoudre ce problème est inapproprié à bien d’autres égards. Les marines militaires peuvent être très efficaces pour dissuader les pirates, les mettre en fuite ou récupérer des armes et des cargaisons volées, mais elles ne sont pas prévues ni entraînées pour relever des preuves et poursuivre des criminels.
L’un des intervenants à Chatham House était Tony Attah, de Shell Nigeria. Son entreprise a été durement touchée par le crime maritime : des pirates sont allés jusqu’à s’emparer de pleines cargaisons de pétrole brut. Or, M. Attah s’est dit déçu des résultats de la Force d’intervention interarmées mandatée par le Nigeria pour lutter contre le vol de pétrole. « Nous savons que plus de 1 000 raffineries illégales ont été détruites grâce aux efforts de la marine et qu’un certain nombre de pétroliers remplis de pétrole brut volé ont été saisis lors de raids de grande ampleur, mais malgré l’attention accrue portée à ce jour à ce problème, aucun voleur n’a, à notre connaissance, été poursuivi ni condamné. Les gros trafiquants à l’origine de ces crimes sont toujours en liberté. »
Le secteur pétrolier, dont une grande partie des activités a lieu en mer, est une cible de choix pour les criminels de la région. Et selon M. Attah, il ne s’agit pas de petite délinquance. « Je peux vous dire que c’est un phénomène criminel largement financé, une industrie parallèle de plus en plus perfectionnée qui bénéficie d’une chaîne d’approvisionnement bien développée. Les criminels comptent parmi eux des ingénieurs qualifiés qui soudent des robinets sur des oléoducs à haute pression et disposent d’ateliers de construction navale qui conçoivent et leur fournissent des pétroliers. »
Le pétrole est une des raisons qui font de cette question un problème international. La région fournit environ 40 pour cent du pétrole utilisé en Europe et 29 pour cent du pétrole utilisé aux États-Unis. Il est essentiel, pour combler la demande mondiale, que ces voies maritimes restent ouvertes et sûres. Le reste du monde et prêt à apporter son aide : la marine britannique comme le Commandement des États-Unis pour l’Afrique étaient présents à la conférence. Tous deux ont proposé de former les marines d’Afrique de l’Ouest et les gardes-côtes et de développer leurs capacités.
Il est très important que ces forces nationales travaillent main dans la main, car les criminels sont très mobiles. Un intervenant a comparé la lutte contre la piraterie dans la région au fait de s’asseoir sur un ballon : si l’on appuie d’un côté, ça ressort de l’autre et si l’on appuie de l’autre, ça ressort ailleurs. Des patrouilles conjointes des marines Nigérianes et béninoises ont permis de réduire les attaques dans leurs propres eaux territoriales, mais les pirates ont alors tourné leur attention sur le Togo et la Côte d’Ivoire.
Jusqu’à présent, aucune autre action conjointe n’a été menée. La coopération dans la région s’est par ailleurs limitée à des réunions et des séminaires organisés par des structures régionales.
Manque d’information
L’un des principaux problèmes est le manque d’information. Le Capitaine de corvette Stephen Anderson, de la marine royale britannique, dont le navire, le Dauntless, est récemment rentré d’une patrouille dans le golfe de Guinée, a illustré cette question en racontant comment il avait été frappé de voir à quel point il était presque impossible de savoir quels navires avaient de bonnes raisons d’être là et lesquels étaient suspects.
Il semble que la région et ses alliés internationaux sont encore en train de tâter le terrain. La piraterie le long des côtes d’Afrique de l’Ouest n’a pas encore atteint le niveau de celle qui sévit au large de la Somalie, mais les intéressés craignent manifestement qu’elle aille en augmentant.
La secrétaire exécutive adjointe de la Commission du golfe de Guinée, l’ambassadrice Florentina Ukonga, a lancé un appel franc à toutes les parties intéressées. « En conjuguant nos efforts de manière adaptée afin de créer un cadre juridique commun pour l’arrestation et le jugement des criminels et avec des investissements financiers suffisants et un développement des capacités, la piraterie pourrait être réduite au minimum. »
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