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La troisième fois sera-t-elle la bonne pour les négociations sur la Syrie ?

Staffan de Mistura, the UN's special envoy to Syria, has been pushing for temporary ceasefires in key cities UN
taffan de Mistura, envoyé spécial des Nations Unies en Syrie, dirige un nouveau cycle de négociations à Genève dans l’espoir de mettre fin au conflit qui en est maintenant à sa cinquième année
Les participants les qualifient de discrètes et, en effet, de nombreuses personnes n’ont peut-être pas remarqué qu’un troisième cycle de négociations sur le conflit syrien était en cours à Genève ce mois-ci.

C’est la dernière tentative en date pour ramener le calme dans ce pays qui en est à sa cinquième année de guerre. Au moins 220 000 personnes sont mortes, plus de neuf millions d’autres ont dû fuir et un nouveau mouvement terroriste, l’autoproclamé État islamique (EI), s’est développé.

Ce compte-rendu fait le bilan des progrès réalisés jusqu’à présent et des difficultés qu’il reste à surmonter.

Qu’est-ce qui a été fait pour rétablir la paix ?

Les États-Unis et leurs alliés ont vu le « Printemps arabe » et la réponse des forces du président Bachar Al-Assad comme le signe clair qu’un changement de régime était nécessaire. « Assad doit partir », répétaient chaque fois qu’ils en avaient l’occasion les hauts responsables du département d’État.

La Russie, traditionnellement plus favorable au régime de M. Assad, n’était pas du même avis et soutenait que toute décision relative à un nouveau gouvernement devait être prise par le peuple syrien lui-même. Le Conseil de sécurité des Nations Unies s’est alors engouffré dans une impasse, malgré une série de rapports épouvantables de la Commission d’enquête des Nations Unies sur la Syrie, qui a recueilli de nombreuses preuves de très graves exactions commises, dont des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. 

Genève I

L’ancien secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan est le premier à avoir endossé la difficile fonction d’envoyé spécial pour la Syrie. Il a rassemblé à Genève, fin juin 2012, les grands diplomates du monde en vue de négocier, si ce n’était un accord de paix, au moins un cessez-le-feu et un quelconque accord sur la voie à suivre concernant la Syrie.

L’environnement plus tranquille de Genève devait, selon tout espoir, faciliter l’intercompréhension entre ceux qui n’étaient pas parvenus à se mettre d’accord dans l’atmosphère tendue du Conseil de sécurité à New York. Des acteurs clés de la région avaient été invités, notamment l’Irak, la Turquie et la Ligue arabe, mais aucun représentant du gouvernement syrien ni de l’opposition n’était présent, du moins officiellement.

Genève I n’a pas été sans résultat : il a débouché sur un communiqué exposant un plan en six points, comprenant un appel à la cessation immédiate des violences et une série de principes et d’orientations visant la mise en place d’une transition politique. L’objectif final était la constitution d’un gouvernement qui « répondrait aux aspirations légitimes du peuple syrien ».

Le communiqué utilisait un langage délibérément vague au sujet du futur rôle de M. Assad dans un gouvernement de transition. Les États-Unis pouvaient alors continuer à dire qu’il n’y aurait pas sa place et la Russie pouvait maintenir qu’il pourrait y participer si tel était le souhait des Syriens.

Bien que le premier point de ce plan était un appel à cesser les violences, celles-ci ont redoublé à l’été 2012 et les violations des droits de l’homme les plus graves étaient de plus en plus manifestes.

En juillet de cette année-là, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a annoncé que le conflit en Syrie s’était tellement généralisé qu’il constituait une guerre civile. Quelques semaines plus tard, M. Annan a démissionné. L’un des artisans de la paix les plus expérimentés du monde laissait ainsi entendre que le problème syrien était impossible à résoudre.

Que s’est-il passé ensuite ?

La guerre a continué. En mars 2013, on atteignait un million de réfugiés et en septembre, deux millions. Les violences s’intensifiaient, les déplacements se multipliaient et aucun des six points du communiqué de Genève n’était mis en oeuvre. Le processus de paix semblait être mort et aucune nouvelle option diplomatique n’était proposée.

Puis, en août 2013, un millier de personnes ont été tuées lors d’une attaque à l’arme chimique, probablement du gaz sarin, dans le quartier de la Ghouta, à Damas.  

Les effroyables images de souffrances et l’utilisation d’une arme interdite, ce qui est une violation sans équivoque du droit de la guerre, ont remis l’idée d’une intervention militaire à l’ordre du jour.

Le président américain Barack Obama et le premier ministre britannique David Cameron voulaient tous deux intervenir, mais se sont heurtés à un refus au niveau national. Les députés britanniques n’avaient pas oublié l’intervention en Irak dix ans plus tôt, qu’ils considéraient comme une grave erreur, et ont rejeté la proposition de M. Cameron. À Washington, le Congrès a commencé à débattre d’une éventuelle intervention militaire, mais le vote a été reporté à une date indéterminée.

Quid de Genève II ?

Sans aucune option militaire sur la table, les réflexions se sont à nouveau tournées vers la diplomatie, avec un nouvel envoyé des Nations Unies, le très expérimenté diplomate algérien Lakhdar Brahimi. Déjà nommé par les Nations Unies à des fonctions délicates en Afghanistan et en Irak, M. Brahimi était réputé pour sa sagesse et sa patience. Si quelqu’un pouvait conduire les belligérants à négocier, c’était bien M. Brahimi, pensait-on.

Pendant des mois, M. Brahimi a placé tous ses efforts dans l’ouverture de négociations. Il voulait rassembler non seulement les principales puissances internationales et régionales, mais également les parties au conflit. C’était une bonne idée, en théorie, mais les longues années de guerre en Syrie avaient fractionné l’opposition en de multiples groupes armés, dont certains s’affrontaient entre eux tout en luttant contre les forces du gouvernement syrien. Décider de qui serait invité à Genève II pour représenter légitimement l’opposition est devenu un exercice diplomatique extrêmement épineux en soi.

La bousculade des médias lors du deuxième cycle de négociations sur la Syrie à Genève en janvier 2014

Enfin, en janvier 2014, une liste d’invités avait été constituée et les représentants ont commencé à arriver, suivis par des centaines de journalistes. Les premiers jours, Genève II est devenu un tourbillon médiatique tendu, avec des réunions d’information contradictoires chaque fois que les représentants d’un camp ou d’un autre sortaient des salles de négociation pour faire passer leur message au travers de la presse. Mais en réalité, à l’intérieur de ces salles de négociations, il ne se passait pas grand-chose.

Malgré tout le bruit qui avait été fait autour de cette rencontre en face à face, les belligérants étaient en réalité assis autour d’une table en U de manière à pouvoir éviter de se regarder dans les yeux. Ils ne parlaient que par l’intermédiaire de M. Brahimi et ne se sont, de fait, jamais adressé la parole.

Tous les participants n’étaient pas d’accord sur ce qui devait être discuté. Les représentants du gouvernement syrien tentaient de faire passer en priorité la « lutte contre le terrorisme », tandis que les diplomates des Nations Unies cherchaient à s’en tenir aux six points du communiqué de Genève.
L’opposition était alors si divisée que la décision de qui participerait à un éventuel gouvernement de transition était source de différends internes.

Quelques semaines plus tard et malgré un autre cycle de négociations plus discret en février 2014, Genève II était aussi mort que son prédécesseur. Fin mai 2014, M. Brahimi a à son tour jeté l’éponge. Et la guerre continuait.

M. de Mistura entre en jeu

C’est Staffan de Mistura, diplomate des Nations Unies de longue date, qui a pris la relève au poste d’envoyé spécial en juillet 2014. Il a commencé le travail avec beaucoup de précautions, s’adressant rarement à la presse et donnant peu d’indications sur la manière dont il pensait s’acquitter de sa tâche.

Sa première grande initiative a été d’annoncer, fin 2014, son projet de créer des zones de gel des combats, c’est-à-dire des cessez-le-feu régionaux temporaires. Il souhaitait ainsi permettre la distribution de l’aide humanitaire et espérait que la paix en découlerait naturellement de l’intérieur. Si le plan était salué avec prudence en dehors de la Syrie, ni le gouvernement de Damas, ni les combattants de l’opposition n’ont jamais réellement adhéré à l’idée, qui n’a donc jamais vu le jour. 

M. de Mistura est alors devenu la cible de critiques, même si les avis divergent quant à la qualité de son travail : certains lui reprochent d’avoir tenté de négocier avec de trop nombreux groupes, tandis que d’autres estiment qu’il accorde trop d’attention au gouvernement syrien.

Et maintenant ?

Trois mois après l’échec de ce projet de zones de gel des combats, de nouveaux pourparlers sont finalement en cours. Bien décidé à éviter l’échec retentissant de Genève II, M. de Mistura semble avoir choisi la prudence. “Discret, effacé, hors radar », tels sont les qualificatifs utilisés par les fonctionnaires des Nations Unies pour décrire ce dernier cycle de négociations. Nous sommes loin de la frénésie médiatique de Genève II.

Appelées « consultations séparées », les négociations devraient se dérouler jusqu’à la fin juin avec la participation d’autant de parties prenantes différentes que possible. Les Nations Unies insistent pour qu’elles ne soient pas désignées par le terme « pourparlers de paix ». Il s’agit plutôt de conversations individuelles visant à identifier des angles possibles de négociation. Les Nations Unies sont par ailleurs réticentes à parler de « Genève III ». Elles cherchent manifestement à éviter toute comparaison avec les échecs de M. Brahimi et M. Annan.

M. de Mistura s’est efforcé d’ouvrir les négociations à tous et a invité autant d’acteurs clés de Syrie que possible, des associations de femmes aux groupes de défense des droits de l’homme en passant par les mouvements d’opposition et, bien sûr, des représentants du gouvernement.

Des puissances régionales et internationales telles que la Turquie, le Liban, l’Égypte et l’Arabie saoudite participeront également, ainsi que l’Iran, dont la présence est source de controverse. Téhéran ne faisait pas partie de la liste des invités à Genève II, mais maintenant qu’un accord sur le nucléaire iranien semble être en vue, les relations se sont détendues.

Par contre, et il ne faut pas négliger ce point, deux des principaux belligérants en Syrie, à savoir l’autoproclamé État islamique et Jabhat Al-Nosra, ne seront pas présents.

Toute personne ayant déjà négocié un traité de paix sait que même les parties prenantes ayant commis les pires atrocités doivent avoir leur mot à dire à un moment ou à un autre si l’on espère mettre fin aux combats.

Quelles sont les chances de réussite ?

N’y allons pas par quatre chemins, les chances de réussite sont faibles. M. de Mistura l’a lui-même admis. « Nous devons essayer […] Nous ne pouvons pas abandonner le peuple syrien », a-t-il cependant déclaré il y a quelques jours.

Il est possible que cette méthode lente et discrète fonctionne mieux que les tentatives précédentes, plus médiatisées. Certains des participants pensent en outre qu’un sentiment d’urgence entoure ces pourparlers. « On a la sensation que l’occasion risque de ne pas se représenter », a laissé entendre un diplomate occidental. Ce sentiment d’urgence pourrait peut-être inciter les traditionnels ennemis au sein du Conseil de sécurité, à savoir les États-Unis et la Russie, à coopérer plus étroitement sur la question syrienne.

Le problème, c’est que la paix dans une partie de la Syrie ne signifie pas forcément la paix dans une autre. Le conflit est désormais si fragmenté que, comme l’a signalé un diplomate, il ne concerne plus le pays dans son ensemble, mais des villes, des villages et même des routes de manière isolée.

Or pendant ce temps, la crise humanitaire se poursuit. L’histoire récente a démontré que les guerres et notamment les guerres civiles ont maintenant tendance à se résoudre sur la table des négociations plutôt que sur le champ de bataille et que même les belligérants les plus endurcis finissent par en avoir assez de se battre. 

Pour les civils syriens, l’urgence est de savoir quand cette guerre va prendre fin et ce qu’il restera de leur pays lorsque les armes se seront enfin tues.

if/lr/am-ld/amz 
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