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La pénurie de pain s’aggrave

A fruit and vegetable stand in the Syrian capital Damascus. While food is still available in the markets, it has increased in price Heba Aly/IRIN
A fruit and vegetable stand in the Syrian capital Damascus. Dec 2012

L’hôtel dans lequel Bashar Akkad a séjourné lors d’une récente visite à Al-Raqqah, une ville du nord du pays contrôlée par le gouvernement, ne lui a pas servi de petit déjeuner.

Le personnel de cet établissement n’avait pas trouvé de pain en ville.

Pour la première fois depuis 16 ans, a-t-il dit, les habitants d’un village voisin font leur pain dans une boulangerie traditionnelle. Un pain de 1,5 kilo coûte 25 livres syriennes dans les boulangeries subventionnées par l’État et 150 livres dans les boulangeries privées. Le pain, qui est consommé à presque tous les repas, est un aliment de base du régime alimentaire local.

« Il est plus cher, car il est plus rare », a dit M. Akkad. « Ils nous ont dit que chaque personne recevait un pain pour trois jours. Cela devient très inquiétant.

« Si la situation sécuritaire ne s’améliore pas, les gens n’auront plus de pain. C’est le début ».

D’autres personnes partagent son inquiétude.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) a fait part la semaine dernière de ses craintes concernant l’accroissement de l’insécurité alimentaire en Syrie : les violences perturbent les filières d’approvisionnement, des boulangeries sont endommagées et la fuite des populations entraîne une augmentation de la demande dans les zones de refuge.

L’intensification de l’aide impossible pour l’instant

Le PAM est dans l’incapacité d’intensifier l’aide pour atteindre un nombre croissant de personnes dans le besoin : l’organisation manque de financements, elle a des difficultés à accéder aux zones où elle souhaiterait réaliser des évaluations et les partenaires de mise en œuvre sont peu nombreux.

Le gouvernement a chargé le Croissant-Rouge arabe syrien (CRAS) de coordonner l’aide humanitaire dans le pays : une grande partie de l’aide est donc acheminée par l’intermédiaire de cette organisation. Le CRAS indique qu’il est en mesure d’apporter un appui aux organisations locales avec lesquelles il intervient sur le terrain, mais les agences des Nations Unies soulignent que les capacités du CRAS sont déjà surexploitées.

« Sans nouveau partenaire sur le terrain et sans nouvelle évaluation de la situation humanitaire, nous étions dans l’incapacité d’intensifier l’aide tout de suite », a dit à IRIN Kate Newton, directrice de pays adjointe du PAM en Syrie.

Le PAM, qui essaye de renforcer la capacité du CRAS, a également établi un partenariat avec une organisation caritative locale de la ville de Homs, au centre du pays, et étudie différentes manières d’élargir ses partenariats.

Cependant, même sans intensification de l’aide, le manque de fonds reste un problème. Il y a un délai de trois mois entre le moment où le PAM reçoit des fonds et le moment où il peut distribuer un paquet d’aide alimentaire sur le terrain : l’obtention et l’acheminement de la nourriture prennent du temps.

« L’approvisionnement est très faible », a dit Mme Newton.

Le PAM a déjà été contraint de réduire ses rations alimentaires à 1 000 calories par personne par jour en mai contre 1 300 calories auparavant afin d’atteindre davantage de personnes avec les fonds dont il dispose. Il a besoin de 15 000 tonnes de nourriture par mois – pour un montant de 22 millions de dollars – pour atteindre 1,5 million de personnes, ce qui représente environ 134 millions de dollars pour réaliser son intervention au premier trimestre 2013.

La grande majorité des bénéficiaires (environ 85 pour cent) sont des personnes déplacées par les violences.

« L’approvisionnement est assuré pour janvier, mais pour février, il n’y a plus rien », a dit Mme Newton. « C’est maintenant que nous devons assurer l’approvisionnement ». Janvier et février sont les mois les plus froids de l’année en Syrie.

Réserves de blé

La Syrie dispose à l’heure actuelle de réserves de blé pour une année et demie, selon le ministère de l’Agriculture et de la Réforme agraire, qui prévoit que les stocks atteindront 4 millions de tonnes après les récoltes de cet hiver.

« Si la situation sécuritaire ne s’améliore pas, les gens n’auront plus de pain. C’est le début »

Certains observateurs se demandent toutefois si le gouvernement ne brosse pas un tableau trop optimiste de la situation.

Il y a très peu d’informations indépendantes sur les récoltes de cette année, mais l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) indique qu’il y a plusieurs raisons de croire qu’elles ont été inférieures à la moyenne : les précipitations ont été faibles ; l’insécurité a entravé l’accès des agriculteurs à leurs terres ; et une partie des cultures n’ont pas été récoltées en raison de la pénurie de carburant et de main d’œuvre. En septembre, la FAO a prévu une production de 3,5 millions de tonnes de céréales pour l’année 2012 contre 4,7 millions de tonnes en 2011.

L’aggravation de la pénurie de carburant met en péril la prochaine saison des plantations, qui prendra fin en décembre/janvier. Lors d’une récente visite dans les régions agricoles du nord-est de la Syrie, un travailleur humanitaire a parlé avec des agriculteurs qui lui ont dit : « Ne nous donnez pas d’huile de chauffage pour nos maisons, donnez-nous seulement du carburant pour irriguer nos champs ».

La Syrie s’appuie traditionnellement sur les importations pour satisfaire près de la moitié de ses besoins alimentaires : selon la FAO, le pays aura besoin de plus de cinq tonnes de céréales pour la consommation alimentaire et la consommation animale entre juillet 2012 et juin 2013 – soit une augmentation de 33 pour cent par rapport à l’année dernière. Selon les informations fournies par les médias, les sanctions ont entravé la capacité de la Syrie à acheter des céréales sur le marché, alors que les pays alliés auraient augmenté les échanges avec la Syrie afin de combler ses manques.

Accès à la nourriture

Le gouvernement a reconnu que le pays était confronté à une pénurie de blé.

Selon les médias locaux, Qadri Jamil, Vice-Premier ministre syrien en charge des affaires économiques, aurait dit que la « crise du pain » que connaissait le pays était due à la fermeture de plusieurs minoteries – y compris les 23 minoteries situées de la ville assiégée d’Alep, au nord du pays – et au défi du transport de la farine d’une région à l’autre du pays.

En général, le pays produit entre 8 000 et 9 000 tonnes de farine par jour, et la production a été réduite de 40 pour cent, a-t-il dit. Exceptionnellement, la Syrie s’est tournée vers des pays amis, car elle pourrait être amenée à importer jusqu’à 100 000 tonnes de farine par mois, a-t-il ajouté.

La pénurie se fait déjà sentir.

À la fin du mois de novembre, il était difficile de trouver de la farine, même dans les supermarchés de Damas, l’une des régions du pays les moins affectées par le conflit. La population d’Alep, qui est confrontée à une grave pénurie de pain, dépend en grande partie des boulangeries privées. Certains quartiers entiers ne reçoivent pas de marchandises pendant plusieurs jours lorsque des affrontements violents secouent la ville.

Les groupes rebelles et les autorités auraient entamé des négociations afin de garantir que les habitants aient accès aux produits de base dont ils ont besoin pour vivre. Le mois dernier, le Conseil révolutionnaire civil de la ville d’Al-Bab et de ses environs, dans le Nord, a annoncé sur sa page Facebook qu’il avait signé un accord avec le gouverneur d’Alep afin d’échanger le blé stocké dans les silos contrôlés par des rebelles contre de la farine, du carburant et de l’huile de chauffage provenant des zones contrôlées par le gouvernement.

Selon le PAM, la plupart des produits alimentaires de base sont toujours disponibles dans les marchés (à quelques exceptions notables, de manière temporaire et dans des régions spécifiques), mais leur prix est parfois trop élevé. Le chômage s’accroît et un nombre croissant de Syriens sombrent dans la pauvreté. Les queues sont de plus en plus longues devant les magasins subventionnés par le gouvernement et même les familles qui ne sont pas directement affectées par les violences se présentent aux bureaux des agences d’aide pour demander de la nourriture.

En comparaison avec le troisième trimestre de l’année 2012, la farine de blé et le sucre ont vu leur prix augmenter de 15 et 8 pour cent respectivement ce trimestre, selon le dernier bulletin de surveillance de la sécurité alimentaire du PAM. À Alep, le prix du pain (qui est parfois introuvable) est 50 pour cent plus élevé que dans les autres gouvernorats : le prix d’un kilo de pain a atteint 250 livres syriennes. À Damas même, le prix des œufs, des fruits et des légumes frais a sensiblement augmenté.

Le ministre de l’Agriculture, en collaboration avec le PAM et la FAO, réalise actuellement une évaluation rapide de l’insécurité alimentaire dans le pays.

Nutrition

Le PAM a essayé de maintenir un régime alimentaire équilibré d’un point de vue culturel et nutritionnel dans son panier alimentaire local – incluant du boulgour, des pâtes et du riz plutôt qu’un seul aliment de base en conformité avec le régime varié des Syriens – mais les personnes déplacées ont des difficultés à trouver des compléments aux produits de base qu’ils reçoivent dans leurs paquets d’aide alimentaire.

Les communautés hôtes, qui donnaient aux déplacés des produits supplémentaires, comme des olives ou du halva sucré, ne peuvent plus le faire, car elles ont des difficultés à se nourrir.

Dans une école surpeuplée de Damas, qui accueille des personnes déplacées suite à des violences dans les banlieues, des mères seules donnent à leurs enfants du salami et du fromage sous emballage.

« Je ne sais pas comment je ferais sans l’aide que je reçois dans ce centre », a dit Ne’mma Harastani, qui était assise dans la salle de classe où elle dort, entourée de ses enfants. « J’ai cinq enfants et je ne peux pas les nourrir ».

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) craint que la malnutrition ne s’aggrave.

« La poursuite des troubles a entraîné une aggravation de l’insécurité alimentaire, une dégradation des conditions sanitaires, une situation de surpeuplement, une inaccessibilité ou une limitation des services de soins de santé et une baisse de la vaccination des enfants âgés de moins de cinq ans », selon un rapport publié récemment. « Tous ces facteurs combinés risquent d’avoir des conséquences importantes sur le statut nutritionnel des enfants de moins de cinq ans, des femmes enceintes et des femmes allaitantes ».

Le CRAS indique qu’il a déjà enregistré une baisse significative de la qualité de la consommation alimentaire en Syrie.

Le Comité international de la Croix-Rouge, qui intervient par l’intermédiaire du CRAS, a pu fournir de la nourriture à un million de personnes depuis le début de l’année. Des organisations moins importantes, comme le Service jésuite des réfugiés (Jesuit Refugee Service) et l’organisation non gouvernementale (ONG) locale Syria Trust interviennent également, mais elles ne distribuent de la nourriture qu’à quelques milliers de personnes.

Selon un travailleur humanitaire, « les besoins sont de plus en plus importants », et les fonds sont insuffisants pour répondre aux besoins.

« Nous n’avons pas de rations alimentaires pour tout le monde », a dit Mme Newton. Les agences d’aide humanitaire ont décidé de donner la priorité aux déplacés, mais « même dans ce cas, il n’y a pas suffisamment de rations pour chacun d’entre eux ».

ha/cb-mg/amz
 


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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