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Besoins, déficits et résilience

Aid workers fill bags of fortified cereal for new arrivals to the Mugunga camp in eastern DR Congo Nigel Sanders/WFP
Selon un rapport de l’organisation non gouvernementale (ONG) Development Initiatives, basée au Royaume-Uni, les besoins humanitaires dans le monde ont diminué en 2011, mais les pénuries de fonds se sont accentuées. La résilience est le nouveau mot à la mode en matière d’intervention humanitaire. Plutôt que d’attendre que les catastrophes surviennent, les professionnels du secteur réfléchissent davantage – mais n’agissent pas encore suffisamment – à la façon d’aider les plus vulnérables à mieux résister aux crises.

Le nombre de personnes considérées par les agences des Nations Unies comme ayant besoin d’une aide humanitaire est passé de 74 millions en 2010 à 62 millions en 2011 (en juin 2012, leur nombre était de 61 millions). Or, les engagements financiers des gouvernements ont baissé de neuf pour cent depuis le record historique de 13 milliards de dollars observé en 2010 pour les catastrophes survenues en Haïti et au Pakistan.

Malgré la diminution de 21 pour cent des procédures d’appel global (CAP) des Nations Unies en 2011, environ 38 pour cent des fonds demandés dans ce cadre n’ont pas été débloqués. Au cours des dix dernières années, le taux de besoins satisfaits n’a jamais été aussi bas. Pour Lydia Poole, chef du programme d’aide humanitaire mondiale de Development Initiatives et auteure du rapport de 2012, la situation est « inquiétante ». Ce paradoxe est difficile à expliquer, a dit Mme Poole. Cela pourrait signifier que ces besoins sont comblés en dehors du système des CAP, car ce dernier ne représentait que 5,5 milliards de dollars d’aide humanitaire sur un total de 17 milliards en 2011.

Une grande partie des financements privés des ONG, par exemple, ne relèvent pas des CAP. Par ailleurs, certains des principaux pays bénéficiaires de l’aide d’urgence, comme l’Éthiopie, la Colombie, l’Irak et le Népal, ne participent pas toujours à ces procédures. Mais il n’est jamais aisé d’analyser l’aide humanitaire d’urgence hors CAP, étant donné la piètre qualité des rapports financiers. « Ce que nous pouvons observer, c’est que le système est soumis à davantage de tensions », a conclu Mme Poole.

L’accroissement des déficits de financement concerne également les appels hors CAP des Nations Unies et les demandes de financement d’urgence du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). L’aide humanitaire en général est en baisse, notamment en raison des difficultés financières des pays donateurs. L’aide publique au développement des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a diminué de trois pour cent en 2011 et l’aide humanitaire fournie par ces mêmes bailleurs de fonds a baissé de deux pour cent.

Redistribution
L’aide apportée par les dix principaux pays donateurs — les États-Unis, le Canada, le Japon, la Suède, l’Allemagne, la Turquie, le Royaume-Uni, la Norvège, l’Australie et la France — a augmenté de 1,2 milliard de dollars entre 2008 et 2010, mais la réduction de l’aide apportée par les bailleurs de fonds dont les coupes budgétaires sont les plus drastiques — l’Arabie saoudite, les institutions européennes, les Pays-Bas, l’Italie, le Koweït, l’Espagne, l’Irlande, l’Australie, la Thaïlande et la Grèce — atteint un milliard de dollars au total.
Le ralentissement pourrait être pire, a dit Mme Poole. Au cours des dix dernières années, les dépenses humanitaires ont augmenté en flèche après des catastrophes soudaines comme le tsunami dans l’océan Indien en 2004 ou le séisme en Haïti en 2010 et se sont maintenues à un niveau élevé. C’est encore plus ou moins le cas : l’aide a augmenté de 23 pour cent en 2010 et n’a pas beaucoup baissé en 2011.

« Dans l’ensemble, la réponse collective s’est montrée résiliente face à la crise financière, ce qui est assez surprenant ... et plutôt encourageant », a dit Mme Poole à IRIN. Mais l’avenir demeure incertain, car de plus en plus de bailleurs de fonds annoncent une réduction de l’aide publique au développement. « Il y a eu un décalage entre le moment où la crise financière a frappé et celui où elle s’est manifestée dans des mesures d’austérité ayant une incidence négative sur les budgets alloués à l’aide. Nous commençons à peine à en entrevoir les effets », a averti Mme Poole.

Une répartition équitable ?


Les pays affectés par les conflits ont reçu la grande majorité de l’aide internationale accordée en 2011. L’aide humanitaire est généralement dépensée dans les mêmes pays pendant plusieurs années, ce qui indique que les causes profondes de la vulnérabilité de ces États ne sont pas traitées.

La liste des 10 premiers bénéficiaires de l’aide n’a pas beaucoup changé au cours des dix dernières années. Si les Territoires palestiniens occupés (TPO), le Soudan et l’Afghanistan occupent toujours les trois premiers rangs, la répartition est de moins en moins équitable. Selon le rapport, les trois pays ont en effet obtenu 49 pour cent de l’ensemble du financement humanitaire en 2010.

Il est difficile de dire si la répartition est juste ou non, a dit Mme Poole. « Il n’existe toujours pas de moyens comparatifs permettant d’évaluer et de mesurer efficacement les besoins [humanitaires]. »

Le meilleur et le pire
En 2011, la Somalie est le pays qui a obtenu le plus de financement — avec 89 pour cent des besoins satisfaits — même si l’aide est arrivée un peu tard. L’appel éclair de la Libye a été financé à hauteur de 82 pour cent. Ce sont les inondations au Nicaragua qui ont obtenu le moins de financement, soit seulement 30 pour cent de l’aide demandée.
On peut toutefois avoir une idée des besoins en évaluant la part des CAP qui est effectivement financée, car celles-ci sont maintenant basées sur des données de vulnérabilité plus précises. Cet outil d’évaluation manque cependant de justesse et ne prend pas en compte les financements hors CAP – comme le financement privé –, qui représentent une part importante de l’aide humanitaire. On sait par exemple que l’ONG Médecins sans Frontières a reçu 613 millions de dollars en financement privé en 2011.

De plus en plus de donateurs (14 jusqu’à présent) et d’organisations d’aide humanitaire, incluant le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS), adhèrent à l’Initiative internationale pour la transparence de l’aide (IITA) dans le but d’améliorer la transparence de leur financement.

Plusieurs outils d’évaluation sont développés, notamment des lignes directrices sur les évaluations coordonnées de partenaires appartenant ou non au système des Nations Unies par le Comité permanent inter-agences (Inter-Agency Standing Committee, IASC) et des « tableaux de bord humanitaires » permettant d’évaluer la portée et les lacunes des réponses d’urgence des Nations Unies.

En Colombie, le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) et l’université Santo Tomas ont créé un indice de risque humanitaire afin d’aider les décideurs à hiérarchiser leurs interventions. Par ailleurs, de nombreux pays compilent maintenant leurs appels au financement à l’aide du Online Project System, qui permet de visualiser les projets en fonction du lieu et du nombre de personnes ciblées.

Parmi les autres obstacles qui entravent le financement par les donateurs, on peut citer l’étroitesse de la définition des besoins. De nombreux bailleurs de fonds sont en effet plus enclins à accorder leur soutien aux victimes des catastrophes soudaines comme le séisme en Haïti qu’à celles de crises à évolution lente. En dépit des avertissements du Réseau des systèmes d’alerte précoce contre la famine (FEWSNET) de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), les appels au financement réalisés par les Nations Unies pour répondre à la sécheresse dans la Corne de l’Afrique ne reflétaient pas l’urgence ni l’ampleur de la crise. Ainsi, les bailleurs de fonds ont donné trop peu et trop tard. Selon Noel Tsekouras, directeur adjoint du siège ouest-africain de l’OCHA, la réaction des donateurs face aux crises chroniques est plus lente « parce qu’ils ne voient pas l’impact final [de l’intervention] ou la gravité de la crise lorsqu’elle n’en est qu’aux premiers stades ».

Fonds communs
Une portion croissante de l’aide passe par des fonds communs — de 583 millions de dollars en 2006 à 900 millions de dollars en 2011. En 2011, un record a été atteint, avec 161 bailleurs de fonds ayant contribué au Fonds central d’intervention d’urgence (CERF) des Nations Unies. La République démocratique du Congo (RDC) et le Soudan bénéficient considérablement de ces mécanismes.
Au lieu de répéter le cycle, on doit orienter la perspective vers le renforcement de la résilience des populations vulnérables afin de leur permettre de surmonter des crises telles que le doublement des prix des denrées alimentaires qui se produit actuellement dans le Sahel.

Résilience

Selon Peter Gubbels, auteur du dernier rapport du Groupe de travail sur le Sahel (GTS), intitulé Ending the Everyday Emergency : children and resilience in the Sahel, la résilience est le nouveau mot à la mode dans le domaine de l’aide humanitaire. Or, les progrès sont lents parce que les principaux acteurs ne s’entendent pas sur la façon de renforcer la résilience et que l’approche manque de cohérence, a noté M. Gubbels.

En dépit « des efforts sérieux » qui sont faits pour définir le concept de résilience, la confusion règne toujours au niveau international, a dit Mme Poole. Dans le Sahel, où quelque 18 millions de personnes sont confrontées à une grave crise et où un million d’enfants sont traités pour malnutrition aiguë, le GTS a dit que la résilience consisterait à soutenir l’agriculture à petite échelle, la mise en place de meilleurs services de santé et d’éducation, le renforcement de la gouvernance et la création de programmes de protection sociale comme les transferts d’espèces. Selon Global Humanitarian Assistance (GHA), on assiste actuellement à une augmentation de ces types de transfert : les bailleurs de fonds qui les financent sont en effet passés de six en 2006 à 21 en 2011.

Fin du continuum secours-développement

M. Gubbels a appelé à une reconceptualisation complète de l’aide. « Le continuum secours-développement n’est plus adéquat pour gérer les crises chroniques », a-t-il dit à IRIN depuis New York. Les organisations d’aide humanitaire et les gouvernements nationaux doivent développer des modèles de renforcement de la résilience afin d’aider les familles les plus vulnérables à long terme.

Sources autres que les bailleurs de fonds
Les sources d’aide autres que les bailleurs de fonds se multiplient, notamment les financements privés et les interventions militaires. En 2010, les fonds privés ont augmenté de 70 pour cent pour atteindre 5,8 milliards de dollars. Après une légère baisse en 2011, ils représentent actuellement près d’un tiers de l’aide humanitaire totale.

Environ 76 pour cent des financements privés proviennent de sources individuelles et 15 pour cent de fondations et de sociétés privées. L’aide privée est généralement considérée comme inconstante et inégale, mais cela n’a pas été le cas en 2011. De nombreux donateurs privés ont par exemple continué à financer des programmes en Haïti.

La fréquence et l’ampleur de la participation des forces militaires étrangères dans l’intervention humanitaire ont augmenté au cours des dix dernières années, notamment pour les catastrophes naturelles comme le tsunami dans l’océan Indien en 2004, le séisme au Cachemire en 2005 et celui de 2010 en Haïti, où 34 pays étrangers ont déployé des troupes et du matériel.
Selon Development Initiatives, la réduction des risques de catastrophes (RCC) a reçu seulement 4 pour cent de l’ensemble des fonds d’aide entre 2006 et 2011, au lieu des 10 pour cent recommandés par les experts en matière de prévention. Si le secteur humanitaire tente encore de déterminer ce que signifie la RCC en termes de programmation, M. Gubbels et Mme Poole croient que l’augmentation du financement n’est pas la seule réponse possible.

« La résilience concerne les moyens de subsistance et les systèmes de protection sociale, et ces éléments ne relèvent pas du mandat des acteurs humanitaires. Les gouvernements doivent être impliqués », a dit Mme Poole. D’après l’ONG Development Initiatives, on a tendance à mettre « une emphase incompréhensible » sur le secteur humanitaire plutôt que de considérer la RCC comme une responsabilité partagée.

Certains gouvernements nationaux prennent toutefois des initiatives. L’Éthiopie tente de venir en aide aux citoyens qui risquent de souffrir de la faim en fournissant chaque année des transferts en espèces ou en vivres à quelque 8 millions de ménages pendant six mois afin de les aider à passer la période de soudure qui précède les récoltes. D’après la Banque mondiale, qui finance le programme, celui-ci existe depuis 2005 et a été élargi pendant la crise qui a frappé la Corne de l’Afrique en août 2011 afin de réduire la faim et d’aider les bénéficiaires à conserver leurs moyens de subsistance à long terme.

D’après M. Tsekouras, d’autres exemples du genre sont nécessaires. « Si nous ne commençons pas dès aujourd’hui à renforcer la résilience – et il faut savoir que ça prendra du temps –, nous devrons continuer pendant plusieurs dizaines d’années à envoyer de l’aide d’urgence dans des régions comme le Sahel. »

aj/he/am


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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