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Kenya: Le mur « anti-terrorisme » suscite un débat houleux

Digging equipment used to construct a 700-km barrier on Kenya's border with Somalia. The government says the wall will prevent incursions by al-Shabab. Paul Karanja/IRIN
La semaine dernière, le Kenya a entamé la construction d'une barrière le long de sa frontière avec la Somalie afin prétendument de prévenir l'incursion de combattants d'al-Shabab, un groupe d'insurgés à majorité somalienne qui a organisé de nombreuses opérations au Kenya, dont l'attaque du 2 avril contre la ville universitaire de Garissa qui a fait 147 victimes.

Ce projet de grande envergure suscite un débat houleux. Les journalistes d'IRIN présentent différents points de vue.

Dans un discours télévisé, William Ruto, le vice-président du Kenya, a dit que la barrière s'étendrait sur 700 km. « Nous ferons tout ce qu'il faut pour que le pays soit en sécurité, quels que soient les coûts engendrés », a-t-il expliqué.

Mwenda Njoka, le porte-parole du ministre de l'Intérieur, a expliqué aux journalistes d'IRIN que la barrière serait construite par le Service national de la jeunesse sous la supervision de l'armée.

 Il a ajouté :

« Le mur vise à lutter contre le franchissement illégal et à contrôler les mouvements à la frontière. Les personnes munies de papiers en règle seront autorisées à franchir la frontière et leurs données seront enregistrées par les agents de sécurité. Nous voulons obtenir des détails sur ces personnes, nous voulons savoir pourquoi elles se déplacent de pays en pays et nous voulons connaître leurs intentions.

« Des obstacles seront érigés et des tranchées creusées, plus particulièrement dans les zones qui ne sont pas accessibles, afin d'empêcher les personnes d'entrer et de sortir du pays. Il y aura des caméras de télévision en circuit fermé fonctionnant à l'énergie solaire et un centre de contrôle tenu par des gardes-frontières : ils recevront des informations sur les menaces éventuelles, les enregistreront et prendront des décisions en temps réel. Certaines zones seront équipées de clôtures électriques.
« Les personnes qui veulent entrer ou sortir du pays se rendront à des points désignés. 

« Les agents de sécurité du gouvernement pensent que les combattants d'al-Shabab ne vivent pas dans le pays [le Kenya], mais ils s'appuient sur des recrues kényanes pour les tâches logistiques ».

George Morara, le vice-président de la Commission nationale kényane des droits de l'homme (KNHCR), a dit que la construction de la barrière était « futile ».

Il a ajouté :

« On gaspille l'argent des contribuables. Les pays qui ont construit des murs de ce genre afin d'empêcher les soi-disant 'indésirables' d'entrer sur leur sol ont enregistré des échecs. Ainsi, le mur érigé par Israël pour empêcher les Palestiniens d'entrer n'ont pas permis de mettre un terme aux attaques contre Israël. De nouvelles manières de contourner la barrière ont été trouvées : par exemple, les Palestiniens ont construit des tunnels souterrains pour mener des attaques contre les Israéliens. De même, le grand mur construit à la frontière mexicaine n'a pas arrêté les Mexicains déterminés à entrer sur le sol des États-Unis et qui escaladent cette barrière en apparence infranchissable.

« Malheureusement, le Kenya semble avoir choisi une autre voie : il s'est engagé dans l'intimidation, la chasse aux réfugiés et il s'en prend à partenaires potentiels dans la lutte contre al-Shabab »
« La construction du mur part du postulat que le groupe al-Shabab est exclusivement composé d'‘ennemis extérieurs’ déterminés à attaquer les Kényans. L'attaque récemment [menée à Garissa] n'a fait que confirmer ce que tout le monde savait : le groupe militant recrute activement de jeunes Kényans désabusés et les rallient à leur cause radicale et extrémiste .

« En tant que pays, nous devons … créer des emplois rémunérés pour les jeunes et … faire tout notre possible pour éliminer la corruption au sein de nos agences de sécurité, car elle contribue fortement à la vulnérabilité du Kenya aux attentats terroristes ».

Abdirashid Hashi, directeur exécutif du groupe de réflexion Heritage Institute for Policy Studies, basé à Mogadiscio, a dit qu'il comprenait l'envie du Kenya « de faire quelque chose, quoi que ce soit, contre [al-Shabab] ».  

Il a ajouté :

« Mais ce dont le Kenya a besoin, c'est d'élaborer une stratégie à long terme pour gérer et atténuer cette menace concrète et immédiate – qui existe depuis une dizaine d'années et qu'on ne pourra peut-être pas éradiquer avant une dizaine d'années. La décision initiale du Kenya d'envoyer des troupes en Somalie et ses politiques actuelles, comme la suppression des allocations, l'annonce de l'expulsion massive de réfugiés légaux ou la stigmatisation des érudits islamiques les plus opposés à al-Shabab, ressemblent à des décisions réactionnaires prises par des représentants politiques paniqués.

« Le meilleur moyen pour le Kenya de faire face aux graves menaces posées par al-Shabab est de tirer partie de ses citoyens d'origine somalienne et musulmane en les mettant en tête de la lutte contre al-Shabab et de collaborer avec la Somalie – la source et le principal théâtre de la menace. Malheureusement, le Kenya semble avoir choisi une autre voie : il s'est engagé dans l'intimidation, la chasse aux réfugiés et il s'en prend à partenaires potentiels dans la lutte contre al-Shabab ».

David Anderson, professeur d'histoire africaine à l'université de Warwick, a qualifié la construction de la barrière de « folie ».

« Allons-nous garder al-Shabab à l'intérieur [du Kenya] ou allons-nous les empêcher d'entrer ? Le problème en ce moment se trouve à l'intérieur du Kenya.

« Je suppose que le mur vise plutôt à gérer la question des réfugiés, mais cette idée est ridicule ».
Les journalistes d'IRIN ont également parlé avec des réfugiés somaliens et des Kényans d'ethnie somalie :

Abdi Ahmed, réfugié somalien de Baled Hawa

« Je pense que ce mur ne changera pas la situation, il ne fera que créer des divisions entre Somaliens. Une partie de ma famille vit à Baled Hawa [en Somalie] et leur principal partenaire commercial se trouvait de l'autre côté, dans [la ville kényane] de Mandera. Ils vont souffrir financièrement et devenir des réfugiés comme moi ».

Dubad Mohamed, un réfugié somalien de Kismaayo

« Si le Kenya construit un mur le long de la frontière pour des questions de sécurité, alors il doit continuer ; nous, les réfugiés, nous avons besoin de paix, nous avons souffert comme les Kényans ont souffert ».

Malyuun Koriyow, résident de la banlieue d'Eastleigh, à Nairobi

« Je pense que le mur est un gaspillage d'argent et de ressources. Le gouvernement devrait investir dans les forces de police et dans leurs équipements plutôt que dans un mur qui va coûter très cher aux contribuables ».

Mohamed Ahmed Farah, un résident d'Eastleigh

« Je pense que le mur que le Kenya veut construire est comme le mur entre Israël et la Palestine : c'est un mur de l'Apartheid. Le Kenya a le droit de protéger ses citoyens, mais pas [avec] ce mur. Il créé une division entre les ethnies somalies.

« Al-Shabab est partout. Le Kenya devrait investir dans le renseignement et coopérer avec les populations locales, s'il veut se débarrasser d'Al-Shabab ».

 am/ks-mg/amz 
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