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La vacance du pouvoir entrave la réponse humanitaire à Sanaa

Thousands of Houthi supporters gather in Tahrir Square for a victory celebration on September 23, 2014 in Sana'a, Yemen. The Houthis, a Zaidi revival group with a military wing, have slowly been gaining ideological and physical ground since Yemen's 2011 r IRIN
Pendant plusieurs les jours, les murs de la maison d’Um Ibrahim ont tremblé. Elle s’est efforcée de calmer ses enfants, un fils de 18 ans et une fille de 21 ans, qui souffrent tous deux de handicaps physiques et mentaux et sont incapables de se déplacer seuls. Elle n’a eu d’autres choix que de rester dans son abri d’une pièce, situé dans le quartier d’Hasaba, alors que plusieurs quartiers de Sanaa, la capitale yéménite, étaient en proie à des affrontements.

« Nous nous sommes cachés dans la cuisine. Les voisins nous ont proposé de nous aider à partir, mais comment aurais-je fait pour transporter [mes enfants] ? », a demandé cette femme, l’une des rares personnes à être restées dans le quartier pendant les bombardements.

« Une semaine après la signature de l’accord de cessez-le-feu qui a mis fin à plusieurs jours d’affrontements dans la ville, Um Ibrahim fait partie des quelques milliers de civils qui espèrent obtenir de l’aide et retourner à une vie normale ».

Les affrontements ont éclaté le 16 septembre à Al-Qabel, un village situé en périphérie de Sanaa, et se sont propagés à la capitale, alors que des rebelles houthis (des chiites zaïdites originaires du nord du pays) équipés d’armes avançaient contre une force composée de troupes gouvernementales et de miliciens affiliés à Al-Islah – principal parti sunnite du Yémen.

Après plusieurs jours de combats dans les quartiers du nord-ouest de Sanaa, les bombardements ont cessé le 21 septembre lorsque les Houthis se sont emparés du principal complexe militaire alors placé sous le commandement du général Ali Mohsen Al-Ahmar, un des dirigeants du parti Al-Islah et un conseiller militaire du président.

Après ce succès, les Houthis ont rapidement pris le contrôle d’autres édifices gouvernementaux. Au même moment, les partis politiques ratifiaient un accord négocié par les Nations Unies pour mettre fin officiellement aux combats. L’accord, signé par les Houthis et les principaux partis politiques avec l’aval du président Abd-Rabbo Mansour Hadi, appelait à la formation d’un nouveau gouvernement et à la baisse des prix des carburants ; il donnait également aux Houthis plus de poids dans les décisions prises par le gouvernement.

Plus de 270 victimes

D’après Ali Sariya, le gestionnaire des missions d’urgence du ministère de la Santé publique et de la Population, plus de 270 personnes ont trouvé la mort et plus de 500 autres ont été blessées lors des affrontements. Au moins 60 civils figuraient parmi les victimes, mais M. Sariya a expliqué qu’il pourrait y en avoir plusieurs dizaines d’autres, car il est probable que des familles aient enterré des proches sans signaler leur décès.

Le cessez-le-feu a permis de faire taire les armes, mais les civils, dont beaucoup commencent à rentrer chez eux après avoir été déplacés, expliquent qu’ils ont payé le plus lourd tribut dans ce que beaucoup de personnes perçoivent comme une lutte pour le pouvoir politique qui a dégénéré en violence.

« Je ne sais pas à qui je dois en vouloir », a dit Ali Al-Kamaly, un ingénieur de 28 ans qui réside non loin de ‘30 Meter Street’, au nord-ouest de Sanaa, où la plupart des combats de rue se sont concentrés. « Toutes ces personnes sont mortes pour rien – ou était-ce pour des questions politiques ? ».

M. Al-Kamaly et les membres de sa famille ont subi les bombardements. Comme Um Ibrahim, ils ont décidé de rester chez eux. Si Um Ibrahim avait des moyens limités pour partir, M. Al-Kamaly a choisi de rester chez lui de peur de perdre son domicile. Lors des affrontements, il a vu les miliciens des deux camps occuper des maisons, installer des camps et entreposer des armes dans des propriétés privées.

M. Al-Kamaly a parlé aux journalistes d’IRIN après la signature du cessez-le-feu, mais il a dit qu’il ne se sentait toujours pas en sécurité. Sa voiture a été criblée de balles pendant les combats. Lorsque son frère est sorti pour chercher des provisions, son ami a reçu une balle dans le bras. M. Al-Kamaly et les membres de sa famille se sont sentis obligés d’enterrer les corps de quatre soldats abandonnés dans la rue. Une organisation d’aide humanitaire est venue les récupérer plus tard.

« Un soldat [que nous avons trouvé mort] avait 70 riyals [0,33 dollar] dans sa poche. Même pas de quoi acheter de l’eau », a dit M. Al-Kamaly.

Planification de la réponse

Les organisations d’aide humanitaire réfléchissent à la manière de venir en aide aux civils qui rentrent chez eux. Plusieurs quartiers sont privés d’électricité depuis une semaine, mais la restauration des services a favorisé le retour de bon nombre de personnes. On ne connait pas le nombre total de familles déplacées, mais selon les premières estimations de la Société du Croissant-Rouge du Yémen (SCRY), 3 000 familles auraient été déplacées à l’intérieur de leur propre pays.

« Lorsque l’on parle des PDIP [de Sanaa], il est difficile [de fournir une estimation] », a dit Julien Harneis, le représentant du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) au Yémen. Il est difficile de dresser la liste des besoins les plus urgents des PDIP, a-t-il dit, car les habitants se sont dispersés en divers lieux. Certains sont allés chez des parents, ceux qui en avaient les moyens se sont installés dans des hôtels et d’autres encore ont quitté la ville pour trouver refuge dans les villages ruraux du Yémen. Certaines des personnes les plus vulnérables qui n’avaient pas les moyens de fuir ou qui ont été prises dans les affrontements ont reçu de l’eau fournie par des camions-citernes et d’autres formes d’aide d’urgence, a dit M. Harneis.

Selon M. Mohammed Fakeeh, un coordonnateur des programmes de la SCRY, 750 maisons ont été endommagées lors des affrontements et environ 10 pour cent d’entre elles vont nécessiter la réalisation d’importants travaux de reconstruction. M. Fakeeh estime que plus de 50 pour cent des habitants sont rentrés chez eux.

Certaines familles n’ont envoyé qu’une personne pour surveiller leur propriété et bon nombre de celles qui ont fui leurs villages situés en périphérie de la capitale ne rentreront probablement pas avant l’Aïd al-Adha, qui débutera le 4 octobre et durera une semaine.

Bon nombre de Yéménites interrogés par les journalistes d’IRIN n’ont pas fait de projets à long terme, car ils craignent que le cessez-le-feu ne dure pas. « Ils vont [continuer à] suivre la situation », a dit M. Fakeeh.

A long terme

M. Harneis indique que les principales inquiétudes de l’UNICEF porteront désormais sur les conséquences à long terme des combats, particulièrement pour les enfants. L’UNICEF a distribué 4 000 affiches et dépliants qui offrent aux parents des conseils pour aider leurs enfants à surmonter les répercussions du conflit et à se tenir à l’écart des munitions explosives non explosées.

L’UNICEF diffuse également des messages d’intérêt public à la radio et à la télévision pour offrir des conseils similaires aux communautés des quatre coins de Sanaa et d’autres zones récemment touchées par les conflits, selon M. Al-Jawf et M. Amran.

Le ministre de l’Education a annoncé la fermeture des écoles publiques le 20 septembre, en raison d’inquiétudes concernant la sécurité des élèves et des enseignants alors que les combats s’intensifiaient. L’UNICEF rapporte que 51 écoles ont été plus ou moins touchées par les affrontements. Plusieurs établissements ont été occupés par des combattants, mais la plupart des écoles devraient rouvrir leurs portes le 29 septembre.

L’UNICEF travaille avec le ministère de l’Education et des partenaires locaux pour nettoyer ces établissements et enlever les débris. L’organisation demande aux combattants houthis d’évacuer les cinq derniers établissements publics qu’ils occupent, ce qu’ils devraient faire, selon un porte-parole de l’UNICEF.

Violations des droits

Des groupes de défense des droits de l’homme affirment que des violations manifestes des droits de l’homme ont été commises par les deux camps durant les combats. Au cours d’une journée d’intenses combats, un chauffeur d’ambulance transportant des blessés et des victimes à l’hôpital public Al-Kuwait a parlé aux journalistes d’IRIN sous couvert d’anonymat. Des bombardements violents avaient eu lieu à quelques kilomètres de là et de la fumée s’élevait dans le ciel lorsque le chauffeur a expliqué aux journalistes d’IRIN que son véhicule identifié avait été pris sous le feu des tirs. Il a également indiqué que des combattants avaient empêché certains de ses collègues d’aller chercher des victimes ou d’entrer dans certains quartiers.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) n’a pas évoqué ces évènements spécifiques, mais Marie Claire Feghali, une porte-parole du CICR, a indiqué dans une déclaration écrite : « S’il y avait eu des violations, le CICR serait intervenu de manière bilatérale [avec le ministère de la Santé publique et de la Population et la SCRY] avec toutes les parties prenantes aux combats, et nous l’avons fait lorsque la situation l’exigeait ».

Les Houthis, qui ont désormais le contrôle de la capitale, sont vivement critiqués par les groupes de défense des droits de l’homme, car ils attaquent les maisons appartenant à des dirigeants connus d’Al-Islah et les occupent.

Ali Al-Imad, porte-parole du bureau politique des Houthis, a reconnu que des violations avaient été et continuaient d’être commises par son groupe. « Nous avons présenté nos excuses [pour de nombreuses choses] », a-t-il dit. « Nous nous efforçons de régler ces questions rapidement ». Il a ajouté qu’un comité avait été formé pour répondre à ces problèmes et qu’il entretenait des relations directes avec des membres du parti Al-Islah.

Mais la ministre des Droits de l’homme du Yémen, Hooria Mashhour, a dit que les violations des droits de l’homme qui avaient été commises étaient trop nombreuses pour en dresser la liste. La Ministre travaille avec les organisations partenaires locales pour répertorier les violences commises par les deux camps pendant et après les combats.

« Dans la situation actuelle, où il n’y a pas d’Etat – pas de système en place – tout peut arriver », a-t-elle dit à IRIN.

Un diplomate yéménite, qui a tenu à garder l’anonymat parce qu’il n’était pas autorisé à s’adresser aux médias officiellement, a dit que la priorité du gouvernement était de former un nouveau Cabinet, conformément à l’accord de paix, et de nommer un nouveau Premier ministre à la suite de la démission du précédent Premier ministre pendant les combats.

Interrogé sur la possibilité pour le gouvernement d’aider les civils à reconstruire les maisons démolies ou d’offrir un dédommagement aux familles des victimes, le diplomate a répondu : « Nous espérons que cela sera fait », mais aucun effort n’a été entrepris pour l’instant.

Entretemps, les résidents de Sanaa reconstruisent dans un paysage politique différent.

« Les gens reviennent », a dit Nada Alsharif, 30 ans, qui vit à Hasaba, où l’électricité a été coupée pendant plusieurs jours après la fin des combats. Sa famille a accepté que des voisins utilisent son générateur pour recharger les batteries de leur téléphone et d’autres équipements. « Quelqu’un doit fournir des services à la communauté », a-t-elle dit.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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