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Un travail humanitaire toujours plus risqué au Yémen

Food is distributed by IOM to Ethiopian migrants staying in a half-finished mosque in Aden, southern Yemen (September 2013) John James/IRIN
Food is distributed by IOM to Ethiopian migrants staying in a half-finished mosque in Aden, southern Yemen (September 2013)
L’enlèvement et la libération le 25 mars de deux employés des Nations Unies a mis en lumière les risques encourus par les travailleurs humanitaires au Yémen.

Les travailleurs humanitaires peuvent être confrontés aux violences perpétrées par les houthis - des rebelles chiites zaïdites - dans le Nord, les séparatistes dans le Sud, les groupes inspirés par Al-Qaida, les groupes tribaux ou de simples criminels, et le nouveau régime de sanctions adopté par les Nations Unies risquent d’aggraver leur situation.

Après les avertissements donnés depuis plus de deux ans aux individus qui sapent le processus de transition politique soutenu par la communauté internationale au Yémen, le Conseil de sécurité des Nations Unies a décidé à l’unanimité, le 26 février, d’autoriser les sanctions visant des « personnes désignées ».

« Cela incite [désormais] les individus qui souhaitent faire échouer le processus politique à viser la communauté internationale, y compris les agences des Nations Unies et les ONG », a dit Siris Hartkorn, responsable de l’analyse des risques pour Safer Yemen, un organisme qui propose un service de conseils aux acteurs de l’humanitaire.

« L’environnement sécuritaire actuel est différent de ce qu’il était lors des [périodes] précédentes », a indiqué une source de sécurité basée à Sanaa et qui a préféré ne pas donner son nom. « Les sanctions des Nations Unies … vont entraîner de nouvelles frictions, alors que les manifestations politiques et militaires des mouvements Al-Houthi et Al-Hirak dans le nord et le sud du pays risquent de s’intensifier au cours des six premiers mois de l’année », a-t-il dit à IRIN.

Les agences d’aide humanitaire se sont adaptées à ce nouvel environnement, en renforçant leurs mesures de protection, y compris des mesures limitant les déplacements, a dit à IRIN cette source de sécurité.

« Dans tous les incidents concernant la sécurité des ONG [au Yémen], les agresseurs sont moins imputables [que les groupes tribaux traditionnels], les niveaux de violence sont plus élevés et les incidents sont plus difficiles à traiter et à résoudre », a dit à IRIN M. Hartkorn.

Depuis le mois de décembre, les membres du mouvement Hirak Taqrer Al Masir (mouvement pour l’autodétermination du Sud) sont entrés dans un cycle de représailles avec les forces d’État dans le gouvernorat d’Al Dhale, dans le sud du pays.

L’accroissement de la fréquence des menaces à l’égard des patients et du personnel des hôpitaux et des centres de santé a contraint Médecins Sans Frontières (MSF) à suspendre la fourniture de soins vitaux à Al Dhale en février.

C’est le même climat d’anarchie qui a contraint MSF à évacuer son personnel des centres de la province d’Amran, dans le nord du pays, en août dernier. En mars, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a pour sa part décidé de garder un profil bas à Amran, en fermant sa sous-délégation du Nord dans le cadre de la restructuration de sa délégation à Sanaa, notamment en raison des menaces persistantes à l’encontre de son personnel au cours des trois derniers mois, a dit à IRIN Marie-Claire Feghali, porte-parole de l’organisation.

Campagne des houthis dans la province d’Amran

Les conditions de sécurité à Amran se sont encore détériorées depuis que les rebelles houthis ont lancé une campagne d’expansion agressive à la fin du mois de janvier. Dès la troisième semaine du mois de mars, les houthis avaient assiégé quasiment tous les bastions de la tribu des Hashid et du parti sunnite Islah à Amran, et 600 000 personnes (les deux tiers de la population de la province) se retrouvaient dans des zones touchées par le conflit. Des insurgés houthis se trouvant dans les collines du nord de Sanaa, le président par intérim, Abd Rabu Mansur Hadi, a déployé les forces spéciales de l’armée pour protéger la capitale.

Un travailleur humanitaire a dit à IRIN que les combats impliquant les houthis dans la province de Sa’dah l’avaient obligé à quitter son poste et à déplacer sa famille à Sana’a pour assurer l’éducation de ses enfants. « Quasiment toutes les écoles de ma région ont été endommagées, détruites ou sont occupées par les milices », a-t-il dit.

Menace d’AQPA

Alors que les affrontements se poursuivent dans les gouvernorats d’Amran et d’Al Dhale, « les groupes politiques de Sanaa continuent leurs efforts pour établir, maintenir et influencer le pouvoir », a dit une source de sécurité. « Finalement, AQPA [Al-Qaida dans la péninsule arabique] et ses associés seront présents dans cet environnement et c’est probablement ce qui nous inquiète le plus ».

Au cours de ces 12 derniers mois, AQPA a prouvé sa capacité à organiser des attaques complexes dans la capitale. L’automne dernier, une voiture piégée a explosé aux portes d’une base armée du sud de la ville, ce qui a permis aux djihadistes armés de pénétrer dans l’enceinte. Cette tactique a été utilisée à au moins deux reprises, plus récemment en février pour libérer 29 prisonniers de la prison centrale de Sanaa qui étaient suspectés d’appartenir à Al-Qaida.

Le siège du ministère de la Défense de Sanaa par AQPA au début du mois de décembre a fait une cinquantaine de victimes parmi les patients et le personnel médical de l’hôpital, y compris deux travailleurs humanitaires (le responsable de l’organisme de secours allemand GIZ et un de ses collègues). Ces derniers n’ont pas été directement visés en tant que travailleurs humanitaires, mais l’incident a marqué une recrudescence inquiétante de la violence dans l’un des bâtiments les plus sécurisés de la capitale. Un porte-parole d’AQPA a par la suite présenté ses excuses aux victimes de l’attaque de l’hôpital – érigé dans l’enceinte du ministère - où bon nombre de personnes ont trouvé la mort.

Multiplication des versements de rançons

Ce sont surtout les enlèvements qui inquiètent les ONG.

« Depuis 2011 », a dit M. Hartkorn, « les enlèvements sont de plus en plus agressifs, avec, par exemple, des coups de feu tirés sur les victimes qui résistent aux enlèvements (y compris des femmes), des longues périodes de captivité, des demandes politiques/de rançon et des mauvais traitements infligés aux victimes ».

Le CICR indique que les enlèvements constituent le principal risque de sécurité pour le personnel de l’organisation au Yémen, selon Mme. Feghali. L’année dernière, trois employés de l’organisation ont été enlevés.

Les capacités réduites des forces de sécurité d’État depuis la transition de 2011 ont favorisé l’apparition de zones d’anarchie, où des criminels opportunistes et des groupes terroristes opèrent en toute impunité. L’enlèvement d’étrangers contre rançon peut permettre aux preneurs d’otage d’obtenir de fortes sommes d’argent.

Suite à l’augmentation alarmante du nombre d’enlèvements contre rançon au Yémen, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une résolution en janvier, en mettant en garde contre le fait que les organisations terroristes profitent des rançons versées et des concessions politiques faites pour obtenir la libération des otages.

L’appel humanitaire 2014 pour le Yémen, lancé le mois dernier, s’élève à 592 millions de dollars ; 58 pour cent de la population – 14,7 millions de personnes – a besoin d’une aide humanitaire. Environ 34 millions de dollars ont été collectés jusqu’à présent.

cc/jj/cb-mg/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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