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Les ONG envisagent un nouveau mode de financement humanitaire

2010 response to the Pakistan floods, which was supported by the Consortium of British Humanitarian agencies' emergency response fund, now called the Start Fund SA Quershi/Save The Children
En 2010, de grandes organisations non gouvernementales (ONG) internationales basées au Royaume-Uni ont fait force commune pour administrer un Fonds d'intervention d’urgence dans le but d'apporter de l'aide plus rapidement, à moindre coût et de manière plus impartiale directement aux ONG locales. Les résultats de ces efforts ont été indéniablement positifs. Depuis, les bailleurs de fonds mettent cependant du temps à engager des fonds supplémentaires. Le fonds Start pourrait-il donc être le précurseur d'un nouveau mode de financement des ONG ?

Le fonds de 2010 fonctionnait de la manière suivante : le ministère britannique du Développement international (DFID) a versé 12,9 millions de dollars sur deux ans aux 15 membres du Consortium des organisations humanitaires britanniques (Consortium of British Humanitarian Agencies, CBHA). Chargé d'améliorer l'efficacité et la qualité des interventions humanitaires, notamment dans les situations d'urgence négligées, le CBHA a administré un fonds d'urgence, préparé davantage d'employés à l'action et formé le personnel des ONG locales et internationales à des compétences humanitaires essentielles.

Des règles ont été mises en place. Les propositions de financement devaient être faites moins de 24 heures après la déclaration de crise soudaine, les fonds promis devaient être transférés dans les 72 heures et le travail sur le terrain devait commencé dans les sept jours. Le conseil d'administration du CBHA — composé majoritairement de directeurs des secours d'urgence — décidait de la destination des fonds, chaque organisation comptant pour une voix, indépendamment de sa taille ou de son influence. Selon Sean Lowrie, directeur du fonds, qui a récemment été rebaptisé « fonds Start », ce système favorise les interventions en fonction des besoins sur le terrain plutôt que des intérêts des organisations. « Cela comporte une part de sacrifice. Les organisations d'aide humanitaire investissent dans ce qui est le plus utile au lieu de ne s'intéresser qu'à leurs propres financements », a-t-il dit à IRIN.

Le fonds vise à renverser ce que M. Lowrie appelle un « modèle de gestion victorien », où les conditions de financement sont plus ou moins fixées par les gouvernements alors que les organisations de la société civile réalisent 70 pour cent du travail sur le terrain. Ce modèle « nous empêche d'évoluer avec le temps [...] Nous proposons donc d'améliorer les performances et de sauver des vies en échange d'un mode de contrôle différent. Selon notre analyse, la bureaucratie est un obstacle de poids dans la création d'un système humanitaire adapté au 21e siècle », a dit M. Lowrie.

Le réseau Start prévoit d'étendre le fonds à des groupements mondiaux et non plus seulement aux ONG britanniques.

Résultats

Depuis sa création, le Fonds d'intervention d’urgence du CBHA a été utilisé dans 12 situations d'urgence différentes : à évolution rapide ou lente, de grande ou de petite ampleur, nationales ou régionales. Dans trois cas — au Bangladesh, au Myanmar et dans le Sud-Kordofan — aucun appel à financement n'avait été lancé par les Nations Unies ou les ONG.

Selon des évaluations indépendantes, le temps de déblocage des fonds et de démarrage des interventions a été deux à trois fois plus court en moyenne que pour les autres fonds communs ou les financements bilatéraux. L'écart était particulièrement saisissant dans les crises à évolution lente, où l'argent était alloué en 72 heures, contre 80 jours en moyenne pour les financements bilatéraux.

La structure légère du fonds du CBHA lui a permis de répondre rapidement à certaines crises pour lesquelles les ONG manquaient de financements, a dit M. Lowrie. Le CBHA a ainsi alloué 40 pour cent de son budget annuel de 2011 pour répondre à la sécheresse dans la Corne de l'Afrique plusieurs mois avant que la catastrophe ne fasse les gros titres en juillet 2011, lors du lancement des principaux appels internationaux. « Il y a des lacunes dans la structure [de financement] pour les évènements à petite échelle, les crises oubliées. Ce sont ces évènements que nous visons », a dit M. Lowrie.

Le fonds Start se démarque notamment par l'accès qu'il donne aux ONG locales, qui sont régulièrement écartées des financements internationaux. Ainsi, 54 pour cent des fonds du CBHA ont été directement alloués à des programmes d'intervention humanitaires d'ONG locales.

Grâce à tous ses membres, le CBHA, rebaptisé réseau Start, peut mettre sur pied des programmes par le biais de 6 800 ONG et organisations de la société civile partenaire dans 200 pays, a dit M. Lowrie.

Selon une évaluation indépendante menée en 2012, le fonds a été « une telle réussite qu'il pourrait bien servir de modèle pour une ONG similaire au Fonds central d’intervention d’urgence (CERF) des Nations Unies ».

Le DFID a cependant interrompu son financement pour le Fonds d'intervention d'urgence du CBHA en mars 2012. Selon les observateurs indépendants, cette décision est due à un changement dans les méthodes de financement des ONG du DFID institué par Justine Greening, la nouvelle secrétaire d'État au développement international, plutôt qu'à un manque de performance du fonds.

Depuis, c'est Irish Aid qui couvre l'essentiel des coûts du fonds et lui permet d'être maintenu.

Autres fonds communs

Selon Lydia Poole, spécialiste en financement de l'aide humanitaire, le total des fonds communs est passé de 583 millions de dollars en 2006 à 900 millions de dollars en 2011. Cette croissance est due à la capacité limitée des bailleurs de fonds à financer des projets individuels et à la reconnaissance du besoin de plus de coordination entre les bailleurs de fonds et entre les organisations qui mettent en oeuvre les projets.

Selon Lisa Doughten, responsable du CERF, les ONG ont directement accès à un certain nombre de fonds communs, dont des fonds d'intervention d'urgence nationaux — dont 67 pour cent des financements sont alloués à des ONG — et des fonds humanitaires communs, dont 57 pour cent sont destinés à des ONG.

Les ONG n'ont pas directement accès au CERF, qui a été créé en 2006 et alloue en moyenne 450 millions de dollars par an à des urgences soudaines et sous-financées. Néanmoins, 20 pour cent des financements du CERF sont versés chaque année à des ONG par le biais des agences des Nations Unies.

Une évaluation indépendante de 2010 sur le fonctionnement du CERF entre 2006 et 2010 a révélé que le fonds avait amélioré la prévisibilité des financements pour les situations d'urgence sous-financées. L'évaluation démontrait également que le CERF avait amélioré la coordination de certaines interventions et injecté avec succès des fonds dans des secteurs régulièrement sous-financés comme les transports. Le fonds serait cependant moins efficace pour distribuer rapidement de l'argent aux ONG sur le terrain, a cependant précisé l'évaluation.

Selon Mme Doughten, les choses se sont depuis accélérées. Une étude menée en 2012 par le biais des coordonnateurs résidents et coordonnateurs de l'action humanitaire a révélé que les ONG recevaient en moyenne les financements du CERF en 48 jours et en 40 jours pour les allocations d'intervention rapide, a-t-elle dit. La mise en oeuvre des projets commence cependant généralement bien plus tôt, car les partenaires savent qu'ils vont recevoir ces fonds, a-t-elle précisé. La moitié des projets des ONG commencent ainsi dans les 12 jours ouvrés.

Selon le site Internet du réseau Start, le fonds est plus efficace parce qu'il verse l'argent directement aux ONG et cela devrait engendrer moins de pertes d'argent en frais de transaction interagences. Selon les membres du réseau, il est trop tôt pour dire si tel est réellement le cas. Tous les fonds communs disposent de cadres juridiques déterminant quel pourcentage doit être alloué au soutien de programmes, à la gestion du fonds et à d'autres activités. Les coûts de soutien des programmes du CERF, par exemple, représentent dix pour cent du fonds, dont trois pour cent sont destinés au secrétariat des Nations Unies et sept pour cent au recouvrement des coûts. Les frais généraux du réseau Start pour la gestion du fonds, le recouvrement des coûts internes pour les organisations de mise en oeuvre et les formations et évaluations atteignent 17 pour cent de son budget.

Selon Mme Doughten, mettre en place un fonds viable qui respecte les références et les normes strictes de transparence et de redevabilité des bailleurs de fonds coûte cher. « Si vous devez mettre en place des structures formelles, cela a un prix, a-t-elle dit. Le DFID est le plus grand bailleur de fonds du CERF. Nous recevons beaucoup de questions sur les références et les indicateurs que nous devons mettre au point et atteindre. Ce fonds ne devra pas perdre de vue ces questions de performance et de redevabilité ».

Soutien au fonds Start

Les bailleurs de fonds avec lesquels IRIN s'est entretenu soutenaient le fonds Start

« Nous sommes enthousiasmés par le concept [du fonds Start], car c'est une manière nouvelle et simple d'injecter des fonds dans les ONG », a dit à IRIN Simon Holder, conseiller de l'office humanitaire de la Communauté européenne (ECHO). « C'est quelque chose qui se développe pour les ONG et qui comble un manque sur le marché. Le CERF dépend fortement des Nations Unies. L'idée [du CERF] était d'accélérer les processus et l'acheminement [de l'aide], mais les ONG restent en première ligne de l'intervention humanitaire. »

Mme Doughten, du CERF, soutient également le fonds Start. « Les ONG sont un élément essentiel de toute intervention humanitaire », a-t-elle dit à IRIN. « Toute initiative les aidant à obtenir du soutien est donc bienvenue », a-t-elle ajouté en précisant que le CERF a partagé son expérience de fonds commun avec le fonds Start.

« Il doit venir en complément de systèmes de financement communs existants, a-t-elle cependant ajouté. Le financement de l'aide humanitaire mondial est limité et nous devons donc faire plus avec moins. »

Aucun financement de poids n'a encore été apporté. « Nous [l'ECHO] n'allons pas [le] financer cette année, a dit M. Holder à IRIN. Notre budget est très serré étant donné les priorités au Sahel, dans la Corne de l'Afrique et en Syrie. » L'ECHO dispose déjà d'un mécanisme de financement des interventions rapides, a-t-il remarqué.

IRIN n'a pas obtenu d'entretien avec le DFID. L'équipe du fonds Start est actuellement en train de discuter des possibilités de financements avec le DFID, Irish Aid et d'autres bailleurs de fonds. Selon M. Lowrie, le fonds est également en train de « disséminer 1 000 graines » à la recherche d'autres financements, dont des obligations à impact social, des fonds spéculatifs, des compagnies d'assurance et des fondations privées.

Mathew Carter, président du CBHA et directeur des secours d'urgence de l'Organisation catholique pour le développement d’outre-mer (CAFOD), a dit qu'obtenir le soutien des bailleurs de fonds relevait du problème de « la poule et l'oeuf », chacun attendant qu'un autre s'engage en premier.

Certains supposent que les réticences des bailleurs de fonds sont liées à leur crainte de céder le contrôle de l'utilisation de l'argent sur le terrain. De nombreux bailleurs de fonds préfèrent passer par les agences des Nations Unies pour des questions de facilité, car ils n'ont qu'un chèque à écrire. « C'est plus compliqué avec les ONG, car nous sommes tous différents », a dit M. Carter. « Nous sommes tous — l'Oxfam, la CAFOD et la Croix-Rouge — foncièrement issus de la société civile et c'est ce qui fait notre force, mais qui engendre également certaines difficultés. C'est de là que viennent notre force et notre capacité à tenir nos promesses sur le terrain », a-t-il dit.

aj/rz-ld/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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