Le panel de haut niveau pour la lutte contre la corruption, coprésidé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Transparency International et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), s’est réuni au siège des Nations Unies à New York à la fin septembre afin d’aborder la question de l’impact de la corruption sur le développement et de trouver des moyens pour s’assurer que la lutte contre la corruption fait partie du nouveau programme mondial de développement.
Les huit OMD – formulés en 2000 et dont l’échéance est prévue pour 2015 – sont des objectifs ambitieux destinés à améliorer la vie des personnes pauvres. Ils concernent des domaines variés allant de l’éducation à la santé en passant par l’égalité des sexes et l’environnement. Aucune mention n’y est cependant faite de la lutte contre la corruption.
La corruption a pourtant un énorme impact sur la santé et le bien-être des personnes démunies. Une recherche réalisée par Transparency International montre que « dans les pays où il y a plus de corruption, indépendamment de leur niveau de richesse, les femmes qui meurent en couches sont plus nombreuses et les enfants qui fréquentent l’école, moins nombreux ».
Selon Huguette Labelle, présidente de Transparency International, la recherche de l’organisation montre une corrélation directe entre la corruption et la mortalité maternelle. Une autre étude a par ailleurs révélé que, dans les endroits où 30 pour cent de 100 000 femmes devaient verser des pots-de-vin, 57 étaient mortes en couches, et dans ceux où la proportion était deux fois plus élevée, 482 femmes étaient décédées. L’organisation a découvert une corrélation semblable entre la corruption et les lacunes dans le secteur de l’éducation.
La plupart des gens s’entendent sur le fait que la corruption bloque l’accès aux services, érode la qualité de ces services et redirige vers l’élite des ressources destinées aux pauvres. Ce qui est plus difficile, c’est de trouver une solution pour remédier au problème.
Comment la lutte contre la corruption devrait-elle être intégrée dans le programme mondial de développement pour l’après-2015 ? Devrait-elle constituer un objectif en soi ? Devrait-il y avoir un cadre pour mesurer l’atteinte des objectifs de la lutte anticorruption ? La corruption – ou l’absence de corruption – peut-elle être mesurée ? À qui en revient la responsabilité : aux États ou à la communauté internationale ? Il s’agit là de quelques-unes des questions délicates abordées par le panel.
Un sentiment d’urgence
L’intégration d’objectifs liés à la lutte anticorruption dans le prochain programme mondial de développement bénéficie d’un large soutien. Les 1,3 million de personnes qui ont participé au processus de consultation publique sur les nouvelles priorités du développement ont en effet classé l’honnêteté et la redevabilité des gouvernements au troisième rang des priorités – juste derrière l’éducation et les soins de santé.
Lors de la réunion du panel, le directeur exécutif de l’ONUDC Yury Fedotov a dit : « L’Assemblée générale réunie ici à New York doit mettre l’accent sur le fait que la redevabilité et la transparence sont des éléments fondamentaux sur lesquels il faut s’appuyer pour obtenir des résultats en matière de développement durable. » Il a dit qu’il y avait eu des progrès en matière d’intégration de la lutte anticorruption dans le programme de développement depuis l’adoption, il y a 10 ans, de la Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUC). La Convention compte désormais 168 États parties qui ont tous promis de lutter contre la corruption au sein de leurs gouvernements.
Des progrès supplémentaires dans l’élaboration de mesures globales de lutte contre la corruption sont attendus à la suite de la cinquième session de la CNUC, qui aura lieu en novembre à Panama City.
Selon la ministre nigériane des Finances, Ngozi Okonjo-Iweala, il est encore plus urgent d’adopter des mesures globales pour combattre la corruption et de promouvoir la bonne gouvernance dans le contexte de la crise financière mondiale. Selon plusieurs, celle-ci aurait en effet été causée par la médiocrité de la réglementation, la corruption et la négligence.
Responsabilité de la communauté internationale
De nombreux membres du panel ont souligné l’importance de la responsabilité de la communauté internationale, un élément qui est souvent négligé, mais dont l’absence permet au crime de prospérer à l’échelle nationale et internationale.
Mme Okonjo-Iweala a dit que le gouvernement nigérian avait tenté, au cours des 14 dernières années, de récupérer quelque 200 millions de dollars qui avaient été cachés au Liechtenstein pendant le régime du défunt Sani Abacha, mais qu’il n’avait pas les pouvoirs nécessaires.
« Qui leur [les responsables des gouvernements et des banques concernés] demande des comptes ? Personne », a-t-elle dit. La loi Dodd-Frank, une loi américaine resserrant la réglementation du secteur bancaire, était un pas dans la bonne direction, a-t-elle ajouté. De nombreuses personnes croient pourtant que cette loi complexe rend les services bancaires plus onéreux pour les pauvres.
Propositions
Certains membres du panel ont dit qu’il fallait mettre en place un cadre international pour surveiller la corruption, mais Mme Okonjo-Iweala n’est pas d’accord.
« La création de nouveaux cadres nous donne bonne conscience, et nous croyons ensuite que c’est bon. Nous continuons d’en créer et de demander aux autres pays d’y adhérer, mais le problème est-il résolu pour autant ? La réponse est non », a-t-elle dit. Selon elle, la clé est plutôt de renforcer les institutions qui contribuent à la mise en oeuvre des mesures gouvernementales de lutte contre la corruption dans les pays en développement.
Hugo Swire, secrétaire d’État britannique des Affaires étrangères et du Commonwealth, a souligné la nécessité de créer des outils pour mesurer la corruption et le manque de transparence. Il a cité comme exemple la capacité des OMD à déterminer le nombre de personnes qui vivent avec 1,25 dollar par jour et de se centrer sur des objectifs concrets. M. Swire a ajouté que des progrès importants avaient été réalisés depuis la formulation des OMD, car, à l’époque, « la question de la corruption avait été éludée en raison des tabous existants ».
En collaboration avec d’autres partenaires des Nations Unies et des organisations de la société civile comme Transparency International, l’ONUDC a formé 1 500 agents anticorruption dans 150 États. Selon M. Fedotov, de l’ONUDC, l’agence était bien placée pour trouver des moyens de mesurer la transparence et la redevabilité des gouvernements.
Protéger les fonds pour le développement
L’an dernier, le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon a annoncé qu’un tiers de l’aide au développement ne parvenait pas à « sa destination finale » à cause de la corruption. L’ampleur de la corruption, en particulier dans les États faibles et fragiles, fait fuir de nombreux bailleurs de fonds.
Selon M. Swire, les attentes du public en matière de lutte contre la corruption n’ont « jamais été aussi élevées ». Il a ajouté que la loi britannique relative à la répression et la prévention de la corruption (Bribery Act) ouvrait la voie à d’autres législations anticorruption et avait facilité la récupération de 100 millions de livres d’actifs volés à des pays en développement.
Heikki Eidsvoll Holmås, le ministre norvégien du Développement international, a également souligné le rôle central de la transparence internationale dans la répression des pratiques de corruption. Quelque mille milliards de dollars de fonds illicites sont en effet détournés des pays en développement au lieu d’y être dépensés, a-t-il dit.
La Norvège a contribué à la mise en place de vérificateurs généraux dans 24 nations africaines, et ses efforts commencent à porter leurs fruits, a-t-il dit, citant l’exemple de l’Ouganda. Le vérificateur général de l’Ouganda a mis au jour la disparition de 85 millions de couronnes norvégiennes provenant de donateurs, et cette somme a pu être récupérée depuis.
M. Holmås a dit que la Norvège adoptait une approche de « tolérance zéro envers la corruption » plutôt que de « tolérance zéro envers le risque de corruption ». En d’autres mots, son pays est prêt à investir dans des pays où le risque de corruption est élevé, mais il ne tolérera aucun cas de corruption. Il a cité comme exemple l’aide accordée par la Norvège à la Somalie pour renforcer ses systèmes financiers, mis à mal par 20 ans de guerre civile. « Nous ne nous soucions pas seulement de l’argent que nous consacrons au développement, mais aussi de l’ensemble de l’argent qui circule dans le pays », a-t-il ajouté.
Le PNUD a créé un nouveau portail web – www.anti-corruption.org – pour aborder les questions de la corruption et du programme mondial de développement.
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