Tout le monde s’entend sur les dangers des faux médicaments. Ces produits, qui, souvent, contiennent peu ou pas de principe actif, sont généralement inefficaces – et parfois carrément nuisibles. Certains contiennent suffisamment de principe actif pour affecter la maladie sans pour autant l’éliminer, ce qui contribue au développement de la résistance aux médicaments. Et, s’ils ne coûtent presque rien à produire, ils rapportent d’énormes profits à leurs fabricants et distributeurs.
On croit que le problème est largement répandu dans les pays dotés de faibles systèmes de surveillance réglementaire ; en 2003, les responsables de santé nigérians ont estimé que 70 pour cent des médicaments en circulation dans le pays étaient contrefaits ou falsifiés.
La communauté internationale ne semble pourtant pas parvenir à s’entendre sur la façon de gérer le problème des faux médicaments. Les discussions achoppent notamment sur la question des types de médicaments qui devraient être ciblés. Le problème, c’est que le terme habituellement utilisé dans le débat — « médicament contrefait » — peut faire référence à bien d’autres choses qu’à des comprimés de craie avec de fausses étiquettes.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « [l]es contrefaçons sont des médicaments délibérément et frauduleusement étiquetés pour tromper sur leur identité et/ou leur source ».
« La contrefaçon peut concerner les médicaments de marque déposée comme les génériques. [...] On trouve dans les médicaments faux ou contrefaits des produits avec les principes actifs corrects, erronés, sans principes actifs, à des doses trop faibles ou trop fortes, ou sous des conditionnements falsifiés. »
Les compagnies pharmaceutiques considèrent pourtant comme des « contrefaçons » des médicaments sûrs et efficaces lorsque leurs formules, qui leur ont coûté si cher à développer et à breveter, sont copiées sans leur permission, ou même quand leurs propres médicaments, homologués et conditionnés pour la vente dans un pays, sont finalement détournés, reconditionnés et vendus ailleurs à un prix plus élevé.
Des responsables de l’OMS se réuniront à Genève le mois prochain pour tenter de déterminer de manière plus précise ce que les mesures de contrôle internationales devraient couvrir et, ce qui est tout aussi important, ce qu’elles ne devraient pas couvrir.
La réunion du dispositif des États membres concernant les produits médicaux de qualité inférieure/faux/faussement étiquetés/falsifiés/contrefaits a pour principal objectif non pas de rédiger une ébauche de traité – une telle ambition a été abandonnée pour le moment –, mais d’élaborer un « programme de travail » visant à limiter la progression des ventes de ces produits. Les participants se pencheront sur les meilleures pratiques existantes pour ébaucher un programme pouvant être adapté aux situations qui prévalent dans les différentes régions.
Michael Deats, directeur de projet pour le contrôle qualité et la sécurité des médicaments auprès de l’OMS, affiche un optimisme prudent. « Le sujet suscite la controverse en raison du conflit qui existe entre la protection de la santé publique et la protection de la propriété intellectuelle », a-t-il dit. « Mais nous en sommes maintenant arrivés à un stade où les négociations commencent à se stabiliser, et nous avons donc de meilleures chances de pouvoir aller de l’avant. »
Intérêt commercial ou sanitaire?
Pour Mogha Kamal-Yanni, conseillère senior en politique médicale d’Oxfam, les préoccupations des compagnies pharmaceutiques sont purement commerciales et ne sont pas pertinentes pour les initiatives de santé publique.
En regroupant les deux, « on transfère la responsabilité de contrôler et de faire respecter les droits de propriété intellectuelle du détenteur privé de ces droits aux gouvernements, qui ont des ressources très limitées, et on ne règle pas le problème. Ce sont les médicaments de mauvaise qualité qui sont le véritable problème », a dit Mme Kamal-Yanni lors d’une réunion à la Chatham House, à Londres.
La législation en matière de copyright et de propriété intellectuelle varie fortement d’une région du monde à l’autre en dépit des efforts d’harmonisation déployés par des pays comme les États-Unis et le Japon, où sont basées de nombreuses compagnies pharmaceutiques.
On rapporte un certain nombre de cas dans lesquels des médicaments génériques fabriqués légalement dans des pays comme l’Inde et destinés à d’autres pays où leur utilisation est tout aussi légale, comme le Nigeria ou le Brésil, ont été saisis alors qu’ils transitaient par l’Europe sous prétexte qu’ils violaient des brevets reconnus par la législation européenne.
Résultat? Les tentatives pour sceller un accord international destiné à lutter contre les médicaments contrefaits ont rencontré une vive opposition. Des pays comme le Brésil, la Chine et l’Inde ont notamment accusé les géants pharmaceutiques de tenter d’utiliser l’OMS pour éliminer la concurrence des médicaments génériques, plus abordables.
Selon Anna George, du Centre de sécurité sanitaire mondiale de la Chatham House, l’industrie pharmaceutique doit cesser de mettre l’accent sur le terme fourre-tout de « contrefait ».
« L’industrie doit s’en écarter », a-t-elle dit à IRIN. « Elle doit abandonner ce terme qui cause de nombreux problèmes, dire que ses propres droits de propriété intellectuelle seront appliqués ailleurs et permettre au débat de se centrer sur les questions de santé. »
Consolider les chaînes d’approvisionnement
Selon Mme Kamal-Yanni, la consolidation des chaînes d’approvisionnement dans les pays en développement les plus durement touchés offre une solution plus durable au problème.
« Les contrefacteurs et les fournisseurs de médicaments de mauvaise qualité auront un accès limité au marché si, en tant que patiente, j’ai accès aux services d’un pharmacien formé et à un bon système de chaîne d’approvisionnement. Avant de penser à rédiger un traité international, nous devons investir dans la chaîne d’approvisionnement et ainsi mettre un terme aux pénuries de médicaments dans le secteur public, qui obligent les patients à se rabattre sur les marchés privés qui ne sont pas réglementés. C’est le genre d’investissement dont nous avons besoin », a-t-elle dit.
Pour le moment, la question du traité est en suspens, a dit M. Deats, de l’OMS. « L’OMS a maintenant une plate-forme solide et un mandat convenu clairement axés sur la santé publique. Nous en sommes toujours à l’étape des discussions et nous n’avons donc pas encore passé à l’action, mais l’esprit de coopération a remplacé l’hostilité qui caractérisait nos relations il y a quelques années », a-t-il dit à IRIN.
« Je ne crois pas que l’on puisse exclure les compagnies pharmaceutiques, car elles sont des parties prenantes importantes du secteur, mais la part d’influence qu’elles ont ne devrait pas être disproportionnée. Les pays à faible revenu, qui sont durement touchés, feraient mieux d’investir dans leur chaîne d’approvisionnement et dans des systèmes de surveillance, mais il n’y a pas non plus de solution unique. Notre tâche est d’identifier les priorités pour ensuite se mettre au travail afin de limiter le tort causé aux patients de nos États membres. »
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