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Menan Samy : « Je ne sais pas comment les gens vont pouvoir continuer à vivre ensemble »

Supporters of ousted Egyptian President Mohamed Morsi stand amid makeshift barriers on 27 July 2013 as government security vehicles approach them Saeed Shahat/IRIN
Au moins 525 personnes ont été tuées le 14 août, lorsque les forces de police égyptiennes sont intervenues pour mettre fin au sit-in qui durait depuis des semaines. Parmi les victimes se trouvaient deux membres d’un groupe pacifiste de la société civile, appelé La Lil 3onf (Non à la violence, en arabe).

Le groupe tentait de combler le fossé qui se creuse de plus en plus entre les partisans du mouvement des Frères musulmans, proches de l’ancien président Mohamed Morsi, et les partisans de Tamarod, un groupe de la société civile qui a appelé des millions d’Égyptiens à descendre dans les rues pour manifester contre le pouvoir.

En réponse aux protestations massives, l’armée a renversé le président Morsi le 3 juillet et a installé un nouveau gouvernement intérimaire. Depuis, des centaines de personnes ont été tuées dans les affrontements.

Menan Samy, également membre de La Lil 3onf, a raconté à IRIN que leurs efforts de réconciliation avaient échoué et qu’elle avait perdu l’espoir de changer les choses. Elle a expliqué qu’il était même difficile de maintenir la cohésion entre les membres du groupe, à cause de la bipolarisation croissante de la société égyptienne.

« La Lil 3onf est née de l’ association Namaa’ pour le développement durable, un programme d’université d’été qui a commencé en 2005. L’objectif était d’amener les jeunes à étudier la théorie du développement, les méthodes pour provoquer un changement, afin de les appliquer à l’Égypte. Des jeunes sont venus des quatre coins du pays - deux de chaque gouvernorat chaque année. Les participants étaient de tous bords : nassériens, salafistes, Frères musulmans, libéraux. Tous les groupes étaient présents ».

« Après le 30 juin [date des manifestations anti-Morsi], nous (c’est-à-dire les élèves de ce programme - nous sommes nombreux, de différents gouvernorats et de tous bords politiques et religieux) nous sommes réunis pour discuter de ce qui pourrait être fait pour essayer [d’empêcher] la violence... Grâce aux bonnes relations que nous avions, les différents points de vue étaient tolérés au sein du groupe... »

« Les gens rassemblés n’étaient pas tous du même bord ; il y avait des partisans de Tamarod et des Frères musulmans, ainsi que d’autres partis ou mouvements. Mais la réunion n’a pas pu aboutir à des actions concrètes... Aucune des [deux parties] ne voulait céder... En fin de compte, les différences politiques nous ont divisés ».

« Tout l’intérêt de La Lil 3onf était d’être apolitique, de rassembler des gens des deux bords et d’éviter la politique. Mais en fin de compte, c’est la politique qui les a empêché de réaliser quelque chose, surtout parce que chaque camp reproche à l’autre de déclencher les violences ».

« Nous avons quand même réussi à organiser des manifestations sur place et à brandir des pancartes avec des messages qui condamnent la violence. Le premier jour, nous étions environ 50 personnes et le deuxième jour, 90 ou 100. Nous avons lancé trois actions. Nous nous sommes rassemblés sur la place Al Galaa, à mi-chemin entre la place Tahrir [où les manifestants anti-Morsi s’étaient réunis] et la place Nahda [où se trouvaient les manifestants pro-Morsi] pour être vus par les deux camps ».

« Les gens ne comprenaient pas qui nous étions, car nous n’appartenions à aucun mouvement ! Alors, ils se méfiaient de nous ».

« Ce n’était pas productif. Nous ne pensions pas pouvoir changer les choses, mais nous comptions au moins faire entendre notre voix, pour montrer que certaines personnes rejetaient tous types de violence ».

« Après l’incident devant le siège de la Garde républicaine [le 8 juillet] - environ 50 personnes ont trouvé la mort ce jour-là – tout le mouvement s’est arrêté parce que les Frères musulmans n’étaient plus disposés à renoncer à la violence à cause de toutes les tueries ».

« Nous nous rassemblons toujours... Mais personne n’a la moindre idée de ce que nous pouvons faire concrètement, surtout maintenant. Les gens sont vraiment découragés. Nous ne pensons pas qu’il soit possible de faire quelque chose maintenant ».

« Deux de mes amis sont morts [hier]. Ironiquement, ils faisaient partie de La Lil 3onf. Maintenant, le groupe ne parle que du lieu des funérailles... Nous n’avons pas eu l’occasion de parler de ce qui va suivre ».

« Si les gens se souciaient vraiment de la réconciliation, il n’y aurait pas eu autant de sang versé dernièrement. Les deux camps ne sont pas prêts à se réconcilier ».

« En ce moment, les gens ont tendance à rejeter les Frères musulmans, pas en tant que mouvement, mais en tant qu’individus. Ils les traitent d’idiots, de traîtres, de terroristes, de citoyens de second rang. C’est ce qui m’inquiète le plus. De leur côté, les Frères musulmans ne pardonneront pas ... Ils veulent se venger maintenant. Ils pensent que toute l’Égypte est contre eux – le peuple, l’armée, la police... »

« L’un des membres de notre groupe était partisan des Frères musulmans et croyait fermement que les sit-in devaient se dérouler sans armes. Il a lancé un mouvement ; il a dit aux dirigeants des Frères musulmans qu’il fallait se débarrasser de ceux qui portaient des armes. Il a essayé de recueillir une large adhésion sur ce point. Mais il a échoué, parce que les gens avaient peur. Ils pensaient qu’en renonçant à leurs armes, ils mourraient ».

« Je me moque complètement de la politique. Je m’intéresse à l’organisation de la communauté et de la société civile. Mais j’ai peur que les gens ne soient plus capables de s’accepter les uns les autres... Je ne sais pas comment les gens vont pouvoir continuer à vivre ensemble après ce qui s’est passé [le 14 août] ».

ha/cb-fc/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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