« Il pleurait lorsqu’il m’a parlé au téléphone », a dit à IRIN M. Al Hemsi, 26 ans. « C’était la première fois de ma vie que j’entendais mon père pleurer ».
Le père de M. Al Hemsi, qui venait d’arriver de Beyrouth, capitale du Liban, fait partie des milliers de Syriens concernés par les nouvelles mesures de sécurité mises en place par les autorités égyptiennes après le renversement de l’ancien président Mohamed Morsi et les affrontements sanglants entre les partisans et les opposants de M. Morsi.
Les partisans du gouvernement accusent les réfugiés syriens d’avoir participé aux affrontements et aux attaques contre les manifestants anti-Morsi dans plusieurs villes égyptiennes.
Les nouvelles mesures de sécurité incluent l’obligation pour les réfugiés et les demandeurs d’asile syriens d’obtenir un visa d’entrée en Égypte et un certificat de sécurité délivrés par une ambassade égyptienne.
Cependant, bon nombre de Syriens disent que, l’Égypte ayant rompu ses relations diplomatiques avec la Syrie, l’obtention d’un visa d’entrée en Égypte depuis Damas est impossible, et que la procédure est difficile dans les ambassades des autres pays.
« Pour nous, les nouvelles mesures veulent dire que nous ne sommes plus les bienvenus en Égypte », a dit Arkan Abulkheir, un dirigeant communautaire syrien installé au Caire. « Le fait que des Syriens aient commis des violations en s’impliquant dans les affaires politiques égyptiennes ne veut pas dire que l’Égypte doit punir tous les Syriens ».
Le conflit syrien a provoqué la pire crise de réfugiés au monde depuis le génocide rwandais de 1994, a dit cette semaine Antonio Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, avant d’ajouter que plus de 6 000 personnes fuient le pays chaque jour.
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a enregistré près de 1,8 million de réfugiés syriens au Liban, en Jordanie, en Turquie, en Irak et en Égypte.
Des contrôles renforcés en Égypte
Le gouvernement a récemment adopté une attitude plus ferme avec la mise en place de contrôles de sécurité plus stricts des réfugiés syriens en Égypte et la menace d’expulsion des Syriens qui ne disposent pas d’un permis de séjour.
Auparavant, les Syriens se voyaient accorder un visa de trois mois à leur arrivée sur le territoire égyptien. Après l’expiration de ce visa, ils pouvaient demander un permis de séjour d’un an, mais cela n’est plus le cas aujourd’hui.
Le 11 juillet, un responsable de la sécurité a dit au journal Al Watan que les policiers ont reçu l’ordre d’arrêter et de contrôler les Syriens.
Il y a quelques jours, un policier a arrêté M. Abulkheir dans la rue et lui a demandé de présenter son passeport et son permis de séjour.
« Il m’a dit qu’il allait devoir me renvoyer en Syrie si mon permis de séjour n’était pas valide », a dit M. Abulkheir. « Dieu merci, le permis était encore valide pour une durée de six mois ».
Des réfugiés syriens indiquent qu’ils craignent de sortir dans la rue, de peur d’être arrêtés ou déportés.
Avant le changement de gouvernement et la mise en place des nouvelles mesures de sécurité, les réfugiés syriens étaient déjà confrontés à divers problèmes, mais ces nouvelles mesures leur compliquent encore un peu plus la vie.
À leur arrivée au Caire il y a deux mois, M. Al Hemsi, sa mère et son plus jeune frère ont dû laisser leur père à Deraa, en Syrie, car ils n’avaient pas suffisamment d’argent pour payer son billet d’avion.
Il est finalement arrivé au Caire le 8 juillet après que sa famille a réussi à réunir les 250 dollars nécessaires pour payer son billet. Il n’a pas été autorisé à entrer sur le sol égyptien, alors il vit dans une mosquée de Beyrouth.
« Nous ne savons pas comment il fait pour manger et vivre », a dit M. Al Hemsi. « Il n’a pas d’argent. Et il est trop fragile pour travailler ».
L’école est finie
Le secteur de l’éducation a également été touché. Auparavant, les réfugiés syriens étaient autorisés à inscrire leurs enfants dans les écoles et les universités publiques, et bénéficiaient d’un traitement identique aux Égyptiens en termes de frais de scolarité. Cela n’est plus le cas.
« Il a dit que je devrais les inscrire dans une école privée », a dit M. Abu Mustafa. « Mais c’est très difficile pour moi de le faire ».
Pour inscrire ses enfants dans une école privée, M. Abu Mustafa devrait payer des frais de scolarité d’un montant minimum de 7 000 livres égyptiennes (958 dollars) pour chacun de ses enfants. Cette somme est trop importante pour M. Abu Mustafa – qui est chômage et qui survit grâce aux aides – comme pour les dizaines de milliers de Syriens réfugiés dans le pays.
Tensions politiques
Les nouvelles mesures prises contre les Syriens coïncident avec le lancement d’une campagne intense lancée à leur encontre par des politiciens et des leaders d’opinion égyptiens, qui les accusent de soutenir le président renversé et de contribuer aux troubles qui sévissent actuellement en Égypte.
Un homme politique égyptien a récemment demandé l’exécution des Syriens et des Palestiniens qui seraient arrêtés lors des manifestations ou des affrontements dans les rues.
Le bureau du HCR en Égypte a demandé à ce que les réfugiés bénéficient d’une protection adéquate.
« Nous appelons le gouvernement à garantir que toutes les mesures de précaution prises à la lumière de la situation sécuritaire actuelle ne portent pas atteinte aux principes humanitaires et aux responsabilités qui incombent à l’Égypte en matière d’asile et de protection des réfugiés », a dit à IRIN Edward Leposky, responsable de l’information du HCR en Égypte.
Il a indiqué que la communauté syrienne avait exprimé son inquiétude face au contexte actuel et que des Syriens avaient fait l’objet de menaces verbales, d’une surveillance renforcée et de mises en détention provisoire.
« Tout cela s’est traduit par une nette augmentation du nombre de Syriens souhaitant être enregistrés par le HCR », a dit M. Leposky.
À la date du 16 juillet, on comptait environ 75 000 réfugiés syriens enregistrés par le HCR en Égypte.
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