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Les nouveaux rapatriés au Soudan du Sud vivent en marge de la communauté

Returnees in Wau, South Sudan, camped at a warehouse as they wait for their applications for a plot of land to be processed Anthony Morland/IRIN
Benjamin Mogga dirige le comité de protection de la communauté (community protection committe, CPC) à Aru, une ville poussiéreuse du Soudan du Sud sur la route qui relie Juba à la frontière ougandaise. Il s’est porté volontaire pour le poste il y a trois ans et est aujourd’hui responsable de plus de 200 rapatriés dans son secteur. Il les aide à réintégrer la communauté et à faire valoir leurs droits, ce qui n’est pas une tâche facile.

L’accès à la terre et aux services essentiels rudimentaires est source de tensions. Le climat est particulièrement tendu entre les nouveaux rapatriés et ceux qui sont rentrés au pays depuis un peu plus longtemps ou qui ne sont jamais partis.

« Un rapatrié est comme un visiteur à qui l’on interdit l’accès », a déclaré M. Mogga.

À Aru et dans les communautés voisines, les rapatriés n’ont pas accès aux services essentiels comme les soins médicaux, l’éducation, ni même à l’eau de forage non contaminée de la communauté. S’il n’y a pas eu de conflit ouvert, les nouveaux rapatriés doivent cependant se débrouiller sans ces services, a-t-il précisé.

Manque de services essentiels

Par le biais du projet CPC du Comité international de secours (International Rescue Committee, IRC), M. Mogga continue d’insister auprès du gouvernement local pour qu’il améliore la situation des rapatriés – mais sans grand résultat jusqu’à présent.

Les rapatriés « ne peuvent […] compter que sur eux-mêmes », a-t-il dit.

Selon la directrice nationale de l’IRC au Soudan du Sud, Wendy Taeuber, la situation à Aru n’est pas un cas isolé. Le mécontentement lié au partage des ressources entre les communautés hôtes et les rapatriés peut être une « source de conflit majeure », a-t-elle affirmé.

Alors que le Soudan du Sud fêtait le deuxième anniversaire de son indépendance le 9 juillet, l’IRC faisait état d’au moins 18 860 rapatriés présents dans des centres de transit semi-officiels où ils ne bénéficient que d’un accès limité aux services essentiels.

Des millions de Sud-Soudanais avaient fui la guerre civile qui faisait rage depuis des décennies entre Khartoum et les rebelles du Sud. La guerre a pris fin en 2005 avec la signature de l’Accord de paix global (APG) qui a ouvert la voie à l’indépendance du Soudan du Sud en juillet 2011.

Depuis la signature de l’APG, au moins 2,5 millions de personnes sont revenues dans l’actuel Soudan du Sud, d’après l’Organisation internationale des migrations (OIM).

Mais les rapatriés doivent faire face à des services insuffisants, voire inexistants, et à de nombreuses difficultés de réintégration.

Toujours marginalisés

Si le gouvernement sud-soudanais a promis aux rapatriés de leur donner des terres et de favoriser leur réintégration, le processus n’est pas sans embûches.

Certains rapatriés ont retrouvé leurs fermes occupées par de nouveaux propriétaires. D’autres ne possèdent pas les documents officiels nécessaires pour se réinstaller sur leurs terres.

Au Soudan du Sud, il existe un vide juridique concernant les conflits fonciers et cela peut engendrer « un échec de la réintégration susceptible d’aggraver les risques de conflits entre les rapatriés et les populations hôtes », a déclaré Mme Taeuber.

Dans l’avant-propos du rapport Village Assessment Survey (Enquête d’évaluation des villages) publié en juin, le chef de mission de l’OIM au Soudan du Sud, Vincent Houver, a écrit que l’organisation avait constaté de « graves lacunes dans les infrastructures et la prestation des services à l’échelle nationale ».

L’OIM s’est rendue dans 30 comtés qui connaissent des taux de retour élevés et a interrogé les nouveaux arrivants sur l’accès aux services. L’organisation a constaté que ces derniers ressentaient fortement le manque de services essentiels ; 87 pour cent des personnes sont mécontentes des services d’approvisionnement en eau dans leurs nouveaux logements, et près de 70 pour cent affirment ne pas pouvoir se rendre facilement dans un centre médical.

Lors de la présentation du rapport, Toby Lanzer, le coordinateur humanitaire des Nations Unies au Soudan du Sud, a souligné que les communautés hôtes souffraient des mêmes pénuries que les rapatriés.

« Ces situation[s] posent toujours d’énormes problèmes aux communautés qui sont accueillantes et qui tentent d'aider les gens à s'intégrer. Il ne faut pas sous-estimer la difficulté du processus et le temps que peut prendre une telle intégration », a déclaré M. Lanzer.

Tension persistante

À Aru, M. Mogga a déclaré qu’il y aura toujours une tension latente tant qu’il n’y aura pas suffisamment de services pour tout le monde.

Actuellement, les rapatriés collectent des fonds auprès de leurs amis et de leur famille pour construire une nouvelle école dans la région afin de soulager la surpopulation des trois écoles primaires existantes.

Peter Lam Both, le président de la Commission sud-soudanaise pour les secours et la reconstruction, a déclaré que le manque de services n’avait pas provoqué à sa connaissance de conflits entre les rapatriés et les communautés hôtes.

Il a reconnu que des difficultés financières imprévues contraignaient le gouvernement à ralentir le processus de retour, et que certains rapatriés n'avaient pas eu accès à la terre. Selon lui, une fois de retour chez eux, les rapatriés sont toutefois généralement bien accueillis par leurs communautés.

« Ils ont de la famille et sont acceptés au sein de la communauté », a-t-il dit. « Les communautés d’accueil sont heureuses de partager avec eux ».

Mais Rose Ajnu, qui est retournée à Aru en 2007 après avoir vécu dans un camp de réfugiés en Ouganda, ne partage pas cet avis. Elle se bat toujours pour avoir accès à l’unique puits de la communauté et pour envoyer ses quatre enfants à l'école.

Sa famille gagne péniblement sa vie grâce à l’agriculture. « Je n'ai pas l'intention d'aller ailleurs. Même s’il y a des difficultés, c'est chez moi. Je resterai ici pour toujours », a déclaré Mme Ajnu.

Elle s’inquiète du fait que 200 nouveaux rapatriés de Khartoum devraient arriver à Aru dans les prochains mois, car il n'y a pas assez pour les gens qui y vivent déjà.

« Si ces gens-là viennent, ce sera un gros problème pour nous. Cela va probablement causer des troubles parmi nous ».

ag/aw/rz-fc/ld


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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