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Associer intervention précoce et alerte précoce au Sahel

A man carts a precious drum of water through a sandstorm in Tillaberi region in southwestern Niger Jaspreet Kindra/IRIN
A man carts a precious drum of water through a sandstorm in Tillaberi region in southwestern Niger
Bien que les organisations humanitaires s’accordent à dire que les systèmes d’alerte précoce permettent d’atténuer les crises humanitaires, les difficultés de financement de mesures préventives et la réticence des gouvernements à admettre l’imminence d’une catastrophe continuent à faire obstacle aux interventions précoces.

« La plupart des catastrophes [climatiques] ou des crises sont prévisibles », a dit Sarah Lumsdon, coordinatrice humanitaire par intérim d’Oxfam pour l’Afrique de l’Ouest. « À notre époque, les gouvernements et les ONG [organisations non gouvernementales] traitent suffisamment d’indicateurs et de données pour savoir quand la situation est inquiétante ou risque de mal tourner. Nous devrions donc pouvoir intervenir pour y mettre un terme. »

Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne l’insécurité alimentaire au Sahel, où la sécheresse et de graves pénuries alimentaires ont fait 18 millions de victimes de la faim en 2012.

« Les crises alimentaires sont souvent prévisibles six à neuf mois à l’avance », a dit Rob Bailey, agrégé supérieur de recherches à Chatham House et auteur principal d’un rapport publié en avril sur le lien entre les alertes précoces et les interventions précoces.

Selon lui, en suivant certains indicateurs comme le prix des céréales, l’ampleur des réserves et des récoltes, les prédictions météorologiques et les données concernant la sécurité alimentaire des foyers, les organisations humanitaires et les gouvernements peuvent prévoir une crise alimentaire avec un degré de certitude relativement élevé.

L’organisation humanitaire Action contre la faim (ACF) dit avoir utilisé des satellites avec un certain succès pour suivre l’état des pâturages, cartographier la production de biomasse et la quantité de végétation et évaluer l’étendue des sécheresses afin de prévoir quelles zones risquaient d’avoir le plus besoin d’aide.

« Nous avons eu recours à cette [méthode] lors des deux dernières crises, en 2010 et en 2012, et elle s’est révélée être un bon indicateur de production alimentaire dans l’ensemble de la région », a dit Alvaro Pascual, responsable d’ACF au Sahel.

Difficultés de financement

L’une des principales entraves aux interventions face aux alertes précoces reste le financement.

« Il semble parfois difficile aux gouvernements de justifier au public l’attribution d’une aide humanitaire pour quelque chose qui ne s’est pas encore produit, quelque chose que l’on ne peut pas présenter aux informations puisque les gens ne meurent pas encore de faim », a expliqué M. Bailey.

Cela s’applique également aux bailleurs de fonds, a ajouté Mme Lumsdon, d’Oxfam. « Leur problème, c’est que tant que la situation ne semble pas extrêmement mauvaise, ils ne peuvent pas débloquer autant de fonds. Ils peuvent attribuer un peu d’argent à des activités d’intervention précoce, mais en cas de crise de grande ampleur, cela n’est probablement pas suffisant pour répondre aux besoins », a-t-elle dit.

« Ce que les alertes précoces permettent aux organisations humanitaires de faire, a dit Denise Brown, directrice du Programme alimentaire mondial (PAM) en Afrique de l’Ouest, c’est de commencer à prépositionner de l’aide alimentaire, d’acheter des réserves de nourriture et des médicaments et de les placer dans des endroits stratégiques dans le Sahel en sachant qu’elles risquent d’en avoir besoin plus tard. Elles sont donc mieux préparées et davantage prêtes à intervenir lorsque les choses se corsent. »

C’est ce qui s’est produit lors de la crise de 2012 au Sahel. À la suite de critiques selon lesquelles la réponse à la crise alimentaire de 2010 avait été trop faible et trop tardive, les organisations humanitaires ont commencé à intervenir dès octobre 2011, lorsque le président du Niger a annoncé que le pays s’attendait à de mauvaises récoltes et que les réserves alimentaires étaient déjà maigres.

« Il était évident que la pénurie de céréales était grave », a dit Mme Brown. « Et, à partir de ces données préliminaires, nous avons commencé à étudier les données antérieures, les prix courants, les informations nutritionnelles, etc. Et le tableau ainsi dressé était extrêmement inquiétant. »

Des plans d’intervention précoce ont été mis en place et ont permis de réduire l’impact de la crise alimentaire dans l’ensemble du Sahel. Les habitants n’ont donc pas eu à adopter des mécanismes d’adaptation dangereux comme vendre du bétail à des prix dérisoires pour acheter de la nourriture, s’endetter, ou vendre ou manger des semences destinées à être replantées, a expliqué Mme Brown.

Analyse de l’économie des ménages

Save the Children a recours à l’analyse de l’économie des ménages (AEM) pour évaluer la vulnérabilité des familles sahéliennes en fonction de la manière dont elles utilisent leurs revenus pour s’adapter à des perturbations importantes telles que de mauvaises récoltes ou une hausse des prix des denrées alimentaires. Ces données sont ensuite présentées aux gouvernements et aux bailleurs de fonds et peuvent être utilisées pour mettre en place des interventions précoces et des plans d’urgence.

Bien que les données concernant les conséquences des interventions précoces soient encore rares, une étude sur l’impact des catastrophes publiée par Oxfam en 2012 a, selon Mme Lumsdon, révélé que la plupart des familles ont pu avoir deux repas par jours grâce aux interventions précoces et ont commencé l’année 2013 dans de meilleures conditions.

Selon Mme Brown, le Tchad a connu un succès semblable. Une étude réalisée par l’Emergency Nutrition Network, Oxfam et le PAM a révélé qu’en mettant en place des programmes de nutrition préventifs dans des zones montrant des signes croissants de malnutrition infantile, les travailleurs humanitaires pouvaient éviter une hausse des taux d’amaigrissement, de mortalité et d’insécurité alimentaire pendant la période de soudure.

Selon ACF, les alertes précoces ont contribué à rassembler les fonds nécessaires pour traiter 150 000 enfants de moins de cinq ans atteints de malnutrition sévère aiguë et aider 38 000 foyers pauvres ou très pauvres touchés par l’insécurité alimentaire dans l’ensemble du Sahel.

Économique

« De nombreux éléments indiquent donc que ces [interventions précoces] sont non seulement efficaces et évitent des urgences humanitaires, a dit M. Bailey, mais qu’à long terme, elles sont également bien plus économiques que si l’on attend que des personnes meurent avant d’intervenir avec des actions largement plus onéreuses. »

Selon le PAM, des études ont démontré que pour chaque dollar investi aujourd’hui dans la réduction des risques de catastrophes, ce sont au moins quatre dollars qui sont économisés sur les dépenses futures pour les secours d’urgence et le rétablissement.

Toutefois, les structures de financement font également obstacle aux interventions précoces.

« Il y a l’argent destiné à l’aide humanitaire et celui destiné au développement à plus long terme. Or les interventions précoces et la préparation aux catastrophes se situent quelque part entre les deux », a dit Mme Lumsdon. « Elles dépendent beaucoup des interventions à long terme, mais sont également liées aux urgences et je pense que ce dilemme pose des difficultés aux bailleurs de fonds. »

Les gouvernements sont parfois réticents à admettre l’imminence d’une crise, car cela donne une mauvaise image politique d’eux, a dit M. Bailey. Selon lui, malgré les avancées technologiques et scientifiques en matière de prévision des crises, certaines organisations humanitaires sont toujours prudentes lorsqu’elles répondent aux alertes précoces.

« Nous utilisons les alertes précoces comme un outil pour identifier les lieux où un problème pourrait survenir », a dit Stéphane Doyon, coordinateur des secours d’urgence de Médecins Sans Frontières en Afrique de l’Ouest.

« Mais nous le faisons en supposant que les alertes pourraient se révéler vraies ou non », a-t-il dit. « Nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation où nous aurions rassemblé toutes nos ressources dans une zone à la suite d’une alerte de crise en négligeant les autres secteurs, car ces systèmes peuvent se tromper. »

Selon Mme Lumsdon, il est également possible que la crise ne soit pas aussi grave que prévu.

« Dans ce cas, si beaucoup d’argent a été investi dans la préparation et que rien ne se produit, les gens vont dire que nous avons gaspillé des fonds parce que notre analyse était erronée. »

« Mais pour être honnête, il s’agit de bien gérer les risques et d’essayer de justifier pourquoi il faut faire certaines choses en avance, pourquoi il faut parfois prendre ce risque et pourquoi la situation peut ne pas être aussi mauvaise que prévu, mais au final, il faut bien investir cet argent », a-t-elle dit.

M. Brown, du PAM, a souligné que les systèmes d’alerte précoce n’étaient pas seulement un signal d’alarme. Ils consistent également en une analyse approfondie des données permettant d’établir un plan d’action prenant en compte les perspectives à long terme.

« C’est un système qui n’est pas toujours parfait, mais qui fonctionne. »

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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