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Des milliers de familles libyennes déplacées dans les montagnes de Nafusa

A destroyed house in Ahy Badr in a Meshashya area in the town of Mizdah in the Nafusa mountains in Libya after tribal conflict in March 2013 Jorge Vitoria Rubio/IRIN
Les relations restent tendues entre les groupes ethniques établis dans les montagnes de Nafusa, au nord-ouest de la Lybie, après les nouveaux affrontements qui ont éclaté dans la ville de Mizda il y a quelques semaines.

Environ 1 500 familles ont fui leur domicile lorsque des combattants lourdement armés appartenant aux tribus Qantrar et Meshashya se sont affrontés au mois de mars. Les combats, qui ont duré cinq jours, ont fait neuf morts, selon le président du conseil municipal local, Abdel Hakim Bedran.

Les agences d’aide humanitaire distribuent de la nourriture, des fournitures médicales et des articles non alimentaires, y compris des couvertures et des ustensiles de cuisine, aux personnes déplacées, dont certaines vivent encore à Mizda.

« Nous n’avons eu ni eau ni électricité pendant deux semaines », a dit Mohamed Hussein, un habitant de Mizda, en ramassant un tuyau perforé par une balle. « La tribu Meshashya a fait exprès de viser les conduites d’eau pour nous ennuyer et nous faire partir ».

M. Hussein appartient à la tribu Qantrar, une des deux principales communautés qui ont vécu ensemble dans la ville pendant près d’un siècle.

La Force nationale mobile, une unité de l’armée libyenne, a pris le contrôle de la ville, située à 180 km au sud de Tripoli, afin de rétablir l’ordre, mais des habitants ont dit à IRIN que la situation reste fragile et que près de la moitié de la population a fui.

Une ville divisée

Le centre-ville est au cœur du conflit ethnique. Environ 400 maisons appartenant à des membres des deux tribus ont été pillées et incendiées, selon M. Bedran.

La ville était déjà divisée avant les affrontements du mois de mars – les membres de la tribu Qantrar vivent dans les quartiers sud et ouest de la ville, les membres de la tribu Meshashya dans les quartiers nord et est de la ville.

« Mes parents, mes frères et mes sœurs sont partis vivre chez des proches installés à Zanzur, non loin de Tripoli », a dit à IRIN M. Hussein, en fouillant dans les débris de sa maison, située à la limite des quartiers Qantrar et Meshashya.

Le premier étage de sa maison a été frappé par des obus de mortier lors des affrontements interethniques de juin 2012 ; en mars, le rez-de-chaussée a été entièrement détruit.

« Aujourd’hui, mes deux frères et moi, nous surveillons la maison pour empêcher les pillages », a-t-il dit.

L’hôpital général de la ville se trouve dans le quartier occupé par les membres de la tribu Meshashya, ce qui rend son accès difficile aux membres de la tribu Qantrar. Le bâtiment est régulièrement privé d’eau et bon nombre de médecins sont partis.

« Avant la révolution, l’hôpital public accueillait les deux tribus, mais les membres de la tribu Qantrar n’ont plus accès au bâtiment maintenant », a dit à IRIN Aisha Ibrahim, membre de la tribu Meshashya.

L’hôpital reçoit encore les fournitures offertes par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), mais il ne peut plus garantir les soins. Les blessés sont transférés dans les grands hôpitaux de la région, a dit Mohmmed Alsweii, directeur de l’Agence libyenne de secours et d’aide humanitaire (LibAid).

Le secteur de l’éducation a aussi été touché : « Les cours sont régulièrement suspendus, car il est dangereux de se déplacer dans la ville », a dit Aisha, qui a fui son domicile en juin 2012.

Si quelques écoles primaires continuent d’accueillir des enfants dans les quartiers des deux tribus, les établissements secondaires sont fermés depuis juin, et la fille aînée d’Aisha n’est plus scolarisée. Son mari ne peut plus se rendre à son bureau situé dans le quartier de la tribu Qantrar.

Distribution de l’aide humanitaire

Bien que le CICR, LibAid, Mercy Corps, le Croissant-Rouge libyen et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) aient distribué des centaines de rations alimentaires, de couvertures et d’autres articles aux habitants de Mizda et des villages voisins, bon nombre de déplacés ont dit à IRIN que, hormis l’aide offerte par les communautés hôtes, ils n’ont rien reçu.

« La Croix-Rouge a distribué de l’aide humanitaire uniquement pendant les combats », a dit à IRIN Nasra Musbah. Membre de la tribu Meshashya, elle vit dans la ville voisine de Shgiga depuis que la milice Qantrar a détruit sa maison de Mizda en juin.

Elle vit dans un abri de fortune avec son mari et son bébé de 16 mois. Elle est enceinte et dit qu’elle n’a pas l’argent nécessaire pour acheter les médicaments dont elle a besoin.

« La distribution de l’aide humanitaire est une opération délicate. Il n’est pas facile d’atteindre les personnes dans le besoin. Nous essayons de venir en aide aux personnes qui ont des besoins spéciaux, comme les veuves et les invalides de guerre, qui ne peuvent pas récupérer l’aide [en personne] », a dit à IRIN Asma Awan Khalik du CICR.

Mais bon nombre de déplacés ont dit à IRIN qu’ils se sentaient abandonnés.

Le 14 juin 2012, M. Ramadan a quitté Mizda avec sa famille, ses parents et la famille de sa sœur après la destruction de leur maison. « Nous avons passé une nuit dans le désert, au sud de Mizda. Nous sommes allés là-bas, car nous n’avions pas d’autre endroit où aller ».

Aujourd’hui, M. Ramadan et sa famille vivent dans un immeuble situé en banlieue de Tripoli, dans le district de Gyps. Cet immeuble se compose de 10 appartements, tous occupés par des familles de la tribu Qantrar.

« Jusqu’à présent, nous avons juste reçu un peu d’aide alimentaire offerte par des gens bienveillants. On ne peut évidemment pas parler d’aide humanitaire ».

LibAid a dit à IRIN qu’il était difficile d’atteindre tous les PDIP [personnes déplacées l’intérieur de leur propre pays], car ils ne sont pas tous installés au même endroit.

Besoin de réconciliation

Les tensions entre les deux communautés existaient avant la guerre civile qui a récemment secoué le pays.

Les leaders Qantrar indiquent que leur présence dans les montagnes est antérieure à l’arrivée des Meshashya et certains accusent ces derniers d’occuper illégalement leurs terres. « [L’ancien leader libyen Mouanmar] Kadhafi a donné les terres aux Meshashya, qui sont présentés en Libye comme ses partisans historiques », a dit M. Hussein.

Selon des membres de la tribu Qantrar, la tribu Meshashya a été installée dans la région par les autorités coloniales italiennes, et leur statut a été renforcé pendant les 42 années de règne de M. Kadhafi afin de saper l’influence des Qantrar.

Pour leur part, les leaders Meshashya indiquent que la tribu Qantrar les accuse à tort d’être des partisans de M. Kadhafi. Ils disent que les Qantrar se sont emparés injustement de leurs terres.

« Nous nous sommes battus à leur côté pendant la révolution. Et aujourd’hui, ils veulent se débarrasser de nous »
« Nous nous sommes battus à leur côté pendant la révolution. Et aujourd’hui, ils veulent se débarrasser de nous », a dit Muna de la tribu des Meshashya. Elle s’est installée chez des proches après la destruction de sa maison dans les affrontements de juin 2012.

Cinq anciens du Comité national de réconciliation, nommés par la ville de Tobrouk, qui est perçue comme neutre, essayent de calmer les tensions qui secouent les montagnes de Nafusa depuis juillet.

« Nous n’avons pas souhaité nous impliquer dans la crise de Mizda, mais depuis les derniers affrontements, nous avons fait une série de propositions », a dit à IRIN Hussein Al Habbani, un des membres du comité.

Suite aux violences du mois dernier, le Comité national de réconciliation a mis en place un comité d’arbitrage composé de cinq juges à la retraite. Ils seront chargés de résoudre les problèmes juridiques relatifs aux différends liés au logement, à la terre et à la propriété – souvent considérés comme les causes sous-jacentes des tensions ethniques.

Les droits de propriété sont complexes en Libye à cause des politiques de réinstallation, de nationalisation et de redistribution des terres mises en œuvre sous la période coloniale et sous le régime de M. Kadhafi et de la destruction des registres de propriété orchestrée par ce dernier en 1986.

M. Al Habbani indique qu’ils essayeront de résoudre les conflits à l’amiable : « Personne ne sera expulsé par la force. La première solution consiste à indemniser le propriétaire légal et à autoriser les familles à vivre sur les terres qu’elles occupent depuis des décennies ».

Il a toutefois indiqué que les récentes violences n’étaient pas seulement liées aux droits de propriété.

« Si la crise de Mizda n’était liée qu’à un problème de droits de propriété, elle serait très simple à résoudre. Mais il y a d’autres éléments en jeu ».

Il a dit que les combattants pro-Kadhafi étaient toujours actifs au sein de la communauté Meshashya avant d’ajouter que le comité de réconciliation avait fourni une liste de combattants présumés au ministère de la Défense.

np/jj/rz-mg/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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