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Repenser la vaccination contre la tuberculose

Vaccine Ciao-Chow/Flickr
À l’heure où les chercheurs tentent de déterminer qui pourrait bénéficier le plus de la prochaine vague de vaccins contre la tuberculose, certains affirment que nous n’utilisons pas le vaccin actuellement disponible à son plein potentiel.

Les résultats du premier essai clinique de vaccin antituberculeux pour nourrissons réalisé depuis 40 ans, publiés en février dernier, sont décevants. Selon une nouvelle étude toutefois, les nouveaux vaccins seraient plus rentables s’ils étaient conçus pour les adolescents et les adultes, et ce, même s’il peut sembler plus facile d’immuniser les enfants vu les programmes de vaccination infantile déjà existants.

Les conclusions de l’École d’hygiène et de médecine tropicale de Londres (London School of Hygiene and Tropical Medecine) se fondent sur des modèles mathématiques qui comparent le rapport coût-efficacité des vaccins potentiels contre la tuberculose dans les 22 pays les plus touchés selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Ces pays incluent l’Afrique du Sud, la Chine et l’Inde et représentent 82 pour cent des cas mondiaux de tuberculose.

Le Dr Gwen Knight et ses collègues ont utilisé des informations telles que le nombre de nouveaux cas de tuberculose enregistrés annuellement, les projections démographiques et la mortalité associée à la tuberculose. Là où ces données étaient disponibles, ils ont également pris en compte les coûts du traitement de la tuberculose et de l’administration du vaccin. Enfin, ils ont créé différents scénarios basés sur des projections concernant, par exemple, le niveau de protection d’un futur vaccin contre la tuberculose active et la durée probable de cette protection.

Les résultats préliminaires du Dr Knight ont été présentés à l’occasion du Troisième Forum mondial sur les vaccins contre la tuberculose, qui s’est tenu au Cap. Ils indiquent que, dans la plupart des scénarios, les vaccins contre la tuberculose donnés aux adolescents et aux adultes coûtent environ sept fois moins cher que ceux administrés aux nourrissons. Le vaccin le plus rentable serait destiné aux adultes et aux adolescents et offrirait aux bénéficiaires une protection de 80 pour cent – soit un niveau de protection plus élevé que la plupart des vaccins disponibles aujourd’hui.

Les options en termes de rapport coût-efficacité

Le coût par année de vie corrigée pour incapacité (AVCI) pour un vaccin destiné aux adultes et aux adolescents pourrait être aussi bas que 0,85 dollar, ce qui le rendrait comparable aux vaccins les moins chers contre les rotavirus et le virus du papillome humain (VPH). Un vaccin contre la tuberculose destiné aux nourrissons et offrant un niveau de protection de 50 pour cent pendant cinq ans pourrait coûter jusqu’à 42,617 dollars par ACVI.

D’après les modèles mathématiques, les vaccins destinés aux personnes plus âgées seraient beaucoup plus efficaces pour réduire le nombre de cas de tuberculose. Les décès se produiraient en effet à un niveau d’infection largement déterminé par les dynamiques de la transmission au sein du groupe. Par exemple, un vaccin offrant une protection à vie contre la tuberculose active pourrait permettre de prévenir près de huit fois plus de nouveaux cas qu’un vaccin contre la tuberculose administré aux bébés.

Ces modèles pourraient ainsi aider les chercheurs à prioriser des candidats-vaccins et à sélectionner les groupes à inclure dans les futurs essais cliniques. « Les modèles précédents ont montré qu’il était peu probable que nous parvenions à contrôler la charge de morbidité mondiale de la tuberculose sans mettre au point de nouveaux vaccins contre cette maladie », a dit le Dr Knight à IRIN. « Ce que nous ignorions, c’est si ces vaccins étaient économiquement viables et quel type de vaccin devait être considéré comme une priorité économique. »

Le Dr Knight et son équipe estiment que jusqu’à 19 millions de personnes pourraient mourir de la maladie entre 2024 et 2050 dans le monde en l’absence d’un vaccin contre la tuberculose.

Faire plus avec ce que nous avons déjà

Le monde entier dépend actuellement du vaccin bacille de Calmette et Guérin (BCG), mis au point il y a presque 100 ans. L’effet protecteur du vaccin BCG, administré à la naissance, se dissipe lorsque les enfants atteignent l’âge adulte. Or, en raison de résultats peu convaincants obtenus lors d’essais cliniques passés, le vaccin BCG a rarement été considéré pour les programmes de vaccination mondiaux ciblant les adultes ou les adolescents.

« Les analyses montrent clairement que les médicaments ont eu un impact clinique, mais qu’ils n’ont pas réussi à juguler l’épidémie – voilà pourquoi nous avons besoin de vaccins et d’autres outils »
On observe aujourd’hui une tendance à l’abandon des approches fondées sur l’immunisation des nourrissons seulement et au développement de programmes destinés aux adolescents et aux adultes. Les adolescents pourraient également être l’un des principaux groupes cibles pour la revaccination par le BCG, selon Christopher Dye, responsable des questions liées à la lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose, le paludisme et les maladies tropicales négligées (HTM) auprès de l’OMS.

D’après M. Dye, on pourrait faire davantage avec le seul vaccin contre la tuberculose actuellement disponible. Il cite en exemple le cas de la Norvège et du Royaume-Uni, où des campagnes de vaccination par le BCG menées chez des adultes dans les années 1950 et 1960 ont offert aux bénéficiaires une protection allant jusqu’à 80 pour cent et permis de réduire le nombre de nouveaux cas de tuberculose de 20 pour cent.

« Si l’on obtenait ces résultats aujourd’hui avec un nouveau vaccin contre la tuberculose, le monde entier applaudirait. C’est sur ces résultats que je m’appuie pour affirmer que nous n’utilisons pas le BCG à son plein potentiel », a-t-il dit à IRIN.

Dans leur recherche d’une cure miracle pour endiguer l’épidémie de tuberculose, les décideurs de l’époque ont possiblement fait preuve de trop d’empressement à écarter les résultats obtenus. « L’interprétation [des résultats] était plutôt pessimiste », a dit M. Dye. « À mon avis, on voulait une solution miracle et les résultats ont été écartés parce qu’ils ne correspondaient pas à ce qu’on cherchait. » La présence d’autres infections bactériennes tropicales ayant une incidence potentiellement négative sur l’efficacité du vaccin BCG pourrait par ailleurs expliquer les résultats décevants obtenus en Inde et au Malawi.

Repenser la vaccination et le contrôle de la tuberculose

La vaccination des adolescents et des adultes pourrait également avoir un impact positif dans des endroits comme l’Afrique du Sud. Les données collectées dans la région du Cap en 2010 montrent en effet que les jeunes de 16 à 35 ans sont plus à risque de contracter une infection tuberculeuse que les enfants et les adultes plus âgés.

« Le risque de développer une tuberculose active est très faible chez les enfants de cinq à dix ans, mais il augmente à leur entrée dans l’adolescence », a dit M. Dye à IRIN. « Lorsque cela est possible, ils doivent être immunisés de nouveau. »

Il a ajouté que l’administration du vaccin BCG aux adolescents pourrait facilement être intégrée aux campagnes existantes dans les pays où les filles et, dans certains cas, les garçons sont vaccinés contre le VPH avant de devenir sexuellement actifs.

Selon M. Dye – et les modèles mathématiques sur lesquels il se fonde –, la mise en oeuvre de campagnes de vaccination massives et répétées ciblant les nourrissons ainsi que les adolescents ou les jeunes adultes pourrait permettre de réduire le nombre de nouveaux cas annuels de tuberculose en Afrique du Sud de 50 pour cent en l’espace de 30 ans. Selon les projections des modèles, la revaccination par le BCG pourrait, combinée à de meilleures pratiques de gestion des cas et à la thérapie préventive pour les personnes vivant avec le VIH, réduire l’incidence de la tuberculose de plus de 90 pour cent d’ici 2050.

« Les efforts intenses mis en oeuvre au niveau clinique pour contrôler l’épidémie par le traitement de la tuberculose ont eu un impact important, mais la courbe représentant la progression de l’épidémie est restée [relativement plate] », a-t-il dit à IRIN. « Les analyses montrent clairement que les médicaments ont eu un impact clinique, mais qu’ils n’ont pas réussi à juguler l’épidémie – voilà pourquoi nous avons besoin de vaccins et d’autres outils. »

llg/kn/he –gd/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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