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La colère des Akhdam face à la négligence du gouvernement

[Yemen] The Akhdem community are discriminated against. Nasser Arrabyee/IRIN
Yemen's Akhdam community continues to suffer from discrimination
Plusieurs semaines après les manifestations qui ont vu des milliers de personnes descendre dans les rues de la capitale, Sanaa, pour protester contre la faiblesse des salaires et l’absence de contrats de travail, les autorités yéménites n’ont toujours pas résolu le problème de la « marginalisation » de la minorité Akhdam, selon des membres de la communauté.

« Les Akhdam ne sont pas simplement considérés comme des citoyens de seconde zone », a dit un manifestant depuis sa tente installée sur la place du Changement. « Ils sont vus comme des citoyens de cinquième ou de sixième zone ; la plus basse de toute la République. »

Même s’ils vivent au Yémen, parlent arabe et pratiquent l’islam depuis plus de 1 000 ans, les Akhdam, qui préfèrent être appelés Al-Muhamasheen, ou « les marginalisés », n’ont jamais eu le sentiment d’appartenir à la majorité.

Ce sont surtout les tâches subalternes qu’ils accomplissent qui témoignent de leur statut au sein de la société yéménite. Les hommes passent près de dix heures par jour à balayer les rues et à ramasser les ordures, tandis que les femmes et les enfants collectent des canettes et des bouteilles et demandent l’aumône.

Selon le mythe populaire, les ancêtres éthiopiens des Akhdam ont traversé la mer Rouge au Ve ou VIe siècle pour tenter de conquérir le sud de la péninsule arabique.

On raconte aussi qu’après l’arrivée de l’islam, les dirigeants musulmans ont défait l’armée éthiopienne et envoyé ses soldats en exil. Ceux qui sont restés ont été asservis et relégués en marge de la société, où ils sont demeurés malgré le remplacement, en 1962, de l’Imamat, qui fonctionnait comme un système de castes, par les promesses égalitaires d’un État moderne. On estime qu’ils sont environ un million et que la plupart d’entre eux vivent dans les bidonvilles de Taëz et de Sanaa.

Les réformes démocratiques envisagées dans le plan du Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui a permis au Yémen d’échapper à la guerre civile en 2012, ont fait naître l’espoir d’une amélioration de la situation du peuple Akhdam. Or, il n’y a eu que peu de changements depuis.

Manifestations

Au début du mois d’avril, pour la seconde fois en deux mois, quelque 4 000 balayeurs de rues de la capitale ont fait grève pour protester contre le manquement du gouvernement aux promesses qu’il leur avait faites d’augmenter les salaires et de prolonger les contrats journaliers. Après quelques jours seulement, Sanaa s’était transformée en un véritable dépotoir. Mohammed Basindawa, le premier ministre par intérim, a été contraint de négocier avec le groupe privé de droits et il a promis des contrats permanents pour les travailleurs temporaires.

Le lendemain de l’annonce, Nabil, un balayeur de 30 ans qui vit dans le bidonville Akhdam de Mukhayyim Aser, situé près du palais présidentiel, a dit à IRIN : « Basindawa n’a rien changé... J’ai un ami qui travaille comme balayeur de rues depuis 35 ans et il n’a toujours pas de contrat de travail. Voilà pourquoi nous faisons la grève. »

Le président de l’Organisation yéménite contre l’esclavage et la discrimination, Nabil Al-Maktari, est un Akhdam très en vue. Il a passé l’année 2011 à manifester aux côtés de milliers d’autres Yéménites – des étudiants, des professeurs, des soldats et des activistes politiques – pour exiger le renversement du régime de l’ancien président Ali Abdullah Saleh.

Selon lui, le nouveau gouvernement a quand même cédé du terrain aux balayeurs de rues. À la fin 2011, le bureau du premier ministre a accordé 50 000 riyals (235 dollars) aux chefs locaux qui représentent les balayeurs et promis de leur accorder sa protection. « Mais les travailleurs n’ont jamais vu la couleur de cet argent », a-t-il dit.

Même l’ancien président Saleh avait cédé aux demandes des travailleurs en faisant passer leur salaire à 800 riyals (3,75 dollars) par jour au début du printemps yéménite, en 2011, a indiqué M. Maktari. Malgré ces concessions toutefois, « les balayeurs de rues n’ont toujours pas de vacances, même pour l’Aïd. Et si une personne appartenant à une tribu tue un Khadim [membre de la communauté Akhdam ; c’est arrivé à plusieurs reprises pendant les manifestations yéménites], sa famille n’a aucun moyen d’obtenir justice. Même si nous sommes des citoyens yéménites, il n’existe aucune loi pour ces crimes », a-t-il ajouté.

De nombreux Akhdam considèrent avec méfiance les mesures provisoires adoptées par Saleh et Basindawa. Un ancien du bidonville d’Al-Hasaba, un quartier de Sanaa qui a été le théâtre de certains des pires affrontements pendant les révoltes de l’an dernier, a dit que les responsables du régime de l’ancien président leur avaient donné de l’argent, à lui et à ses voisins, pour brandir des pancartes pro-Saleh au début du soulèvement. « Ils ne nous aident pas tant qu’ils n’ont pas besoin de notre aide », a-t-il dit.

« Pas de discrimination »

Selon les responsables du gouvernement, il n’y a « pas de discrimination » envers les Akhdam et ils sont, comme tous les autres Yéménites, des citoyens à part entière devant la loi. Ils avancent pour preuve la construction de logements publics pour les Akhdam dans le quartier de Sawan, à Sanaa.

Mohammed Al-Eryani, sous-maire adjoint de Sanaa, a dit à IRIN que les Akhdam étaient peut-être les seuls employés du gouvernement central qui n’avaient pas droit à des avantages tels que des contrats permanents et des pensions de retraite.

S’il reconnaît que les Akhdam sont la cible de certaines des pires formes de racisme dans le pays, M. Eryani estime toutefois qu’ils ne sont pas dignes de confiance et que c’est pour cette raison qu’ils n’ont jamais obtenu de contrats de travail ou d’autres avantages. « Un Khadim peut se lever un matin et décider qu’il ne va pas travailler parce que sa voiture ne fonctionne pas et qu’il doit la réparer. »

Lorsqu’on lui a demandé s’il croyait que le sort des Akhdam pourrait s’améliorer avec l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement, Khaled, un jeune balayeur du bidonville de Mukhayyim Aser, a répondu : « Jusqu’à présent, nous n’avons vu aucun changement. La situation est plus ou moins la même qu’avant la révolution. Alors, pour répondre à votre question, non. »

« Peut-être », a cependant dit une femme qui se tenait à ses côtés.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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