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L’ecstasy détruit les espaces naturels forestiers

Dans le sud-ouest du Cambodge, la production d’huile de sassafras, utilisée pour fabriquer l’ecstasy, une drogue à usage récréatif, détruit les arbres et les moyens de subsistance des habitants et provoque des préjudices écologiques considérables, selon David Bradfield, conseiller dans le cadre du projet de protection des refuges fauniques mené par Fauna and Flora International (FFI).

L’huile de sassafras provient de la région du massif des Cardamomes, l’un des derniers espaces naturels forestiers de l’Asie continentale du sud-est, et où FFI a choisi de mener son projet.

« Le processus de distillation illicite de l’huile de sassafras dans ces montagnes détruit lentement mais sûrement les forêts et la vie sauvage », a expliqué M. Bradfield à IRIN. « La production d’huile de sassafras est une vaste opération, qui affecte non seulement la région où sont situées les distilleries, mais également les régions environnantes, entraînant dans son sillage dévastation et destruction. »

Les moyens de subsistance des 12 000 à 15 000 habitants qui dépendent de la chasse et de la cueillette pour vivre dans la réserve naturelle faunique sont menacés par les opérations de production de l'huile de sassafras.

L’huile de sassafras cambodgienne est très recherchée pour sa grande qualité. Elle est en effet pure à plus de 90 pour cent, d’après Lars Pedersen, directeur de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) au Cambodge.

« Chaque année, des quantités astronomiques d’huile de sassafras sont exportées clandestinement du Cambodge au Vietnam et en Thaïlande », a-t-il expliqué.

L’huile de sassafras est fabriquée à partir des racines d’un arbre rare, le Mreah Prew Phnom, également connu sous le nom de Cinnamomum parathenoxylon. Les racines sont découpées en de petits morceaux de bois, puis déchiquetées, jusqu’à obtenir une consistance fibreuse.

Généralement, ces débris sont ensuite placés dans de larges cuves en métal au-dessus de feux de bois pendant au minimum cinq jours pour permettre la distillation de l’huile.

« [Le Mreah Prew Phnom] est un arbre extrêmement rare, qui commence aujourd’hui à disparaître à cause des distilleries illicites situées dans le massif des Cardamomes », a dit M. Bradfield.

« ...Ces gardes-forestiers sont des soldats à pied qui protègent les forêts. Ils sont les héros de l’effort de protection... Ils travaillent dans une jungle épaisse et infestée par les sangsues, et risquent leur vie chaque jour pour un salaire dérisoire ... »
Un lourd bilan environnemental

« Au cours de la dernière décennie, la production d’huile de sassafras a gravement épuisé ces arbres. Si elle n’est pas rapidement éradiquée, ces arbres pourraient disparaître dans un futur proche », a-t-il averti.

Par ailleurs, les larges cuves nécessitant également d’importantes quantités de bois pour l’entretien des feux, d’autres espèces d’arbres aux alentours des usines de distillerie sont en cours d'épuisement.

Au cœur de la jungle, les usines sont lourdement gardées ; les travailleurs qui distillent l’huile se nourrissent des animaux sauvages de la région, et nombre d’entre eux pratiquent le braconnage à des fins commerciales.

Des animaux rares, dont les tigres, les pangolins, les paons, les pythons et les chats sauvages, sont consommés par les distillateurs ou vendus sur les marchés d’animaux sauvages illicites, d’après FFI.

« Les usines de traitement de l’huile de sassafras sont généralement implantées à proximité des ruisseaux afin de permettre un approvisionnement en eau pour l'ébullition et le refroidissement de l'huile distillée », a affirmé M. Bradfield.

L’huile s’infiltre dans les ruisseaux, provoquant encore davantage de préjudices écologiques. « On retrouve fréquemment des poissons et des grenouilles morts flottant dans les ruisseaux situés à proximité de ces distilleries », a-t-il ajouté.

L’eau de cette région se jette dans les fleuves Mékong et Tonle Sap et gagne le reste du Cambodge. « Il est urgent de procéder à des contrôles de l’eau dans cette région », a-t-il suggéré.

Jusqu’à présent, aucun test n’a été réalisé pour déterminer l’impact de cette eau sur les villageois vivant en aval des distilleries. « Quoi qu’il en soit, elle détruit assurément la faune et la flore aux environs des usines », a-t-il affirmé, ayant lui même constaté les dommages.

Il y a quatre ans, le gouvernement cambodgien a interdit la production d’huile de sassafras, afin de contribuer à la protection de l’arbre Mreah Prew Phnom. Depuis lors, les autorités tâchent de mettre un terme à la production illicite dans le massif des Cardamomes, avec l’aide d’organisations internationales, dont FFI, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Wildlife Alliance et Conservation International.


Photo: Fauna and Flora International
Une distillerie saisie à Mreah Prew. Le bois utilisé pour fabriquer l’huile de sassafras est extrêmement rare, et en voie de disparition
« Faire appliquer la loi est la méthode clé pour éradiquer le commerce illégal de l'huile de sassafras », a estimé M. Pedersen, de l’UNODC. « C’est un commerce extrêmement lucratif, chiffré à plusieurs millions de dollars. »

Des forces de l’ordre dans la région

Quelque 50 gardes-forestiers du ministère de l'Environnement et des Forêts contrôlent actuellement la région, avec l’aide de groupes de conservation indépendants et du PNUD.

« Ces gardes-forestiers sont des soldats à pied qui protègent les forêts », a expliqué David Bradfield, de FFI. « Ils sont les héros de l’effort de protection... Ils travaillent dans une jungle épaisse et infestée par les sangsues, et risquent leur vie chaque jour pour un salaire dérisoire ».

FFI soutient les opérations de ces gardes-forestiers depuis 2003. L’organisation leur fournit les uniformes, l’équipement et la formation. Elle participe à la construction de leurs stations de gardes-forestiers, et continuent à leur prodiguer des conseils techniques. Le PNUD a également soutenu le projet de 2004 à 2006.

Leur mission – mettre un terme au trafic illégal – est extrêmement ardue, compte tenu des profits élevés que réalisent les contrebandiers et du nombre relativement limité de gardes-forestiers affectés à cette mission.

En novembre dernier, les autorités thaïlandaises ont saisi plus de 50 tonnes d’huile de sassafras à proximité de la frontière cambodgienne.

La cargaison devait gagner la Chine et les États-Unis, d’après des agents occidentaux de lutte contre le trafic de drogue, qui ont souhaité conserver l’anonymat. Ces derniers ont indiqué que cette seule prise représentait une valeur de 500 000 dollars, un montant colossal dans les régions rurales du Cambodge.

Une fois en Chine et aux États-Unis, où elle aurait pu être utilisée pour fabriquer la drogue de synthèse, cette quantité d’huile aurait permis de produire 7,5 millions de comprimés d’une valeur globale de 150 millions de dollars, d’après des agents occidentaux de lutte contre le trafic de drogue.

lj/bj/cb/db/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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