1. Accueil
  2. Africa

L’AFRICOM, une force à vocation militaire, mais pas humanitaire

Lors d’un important compte-rendu devant le Congrès, le 13 mars, le général William « Kip » Ward, commandant en chef de l’AFRICOM, le commandement régional américain pour l’Afrique, a, au cours d’une séance de remarques préliminaires de quatre minutes trente, consacré quinze secondes aux missions humanitaires éventuelles que l’AFRICOM pourrait être amenée à remplir.

Plutôt axées sur l’entraînement militaire, le renforcement de la sécurité et la lutte contre le terrorisme, ses remarques contrastaient nettement avec l’annonce, faite il y a un an par les autorités américaines, et selon laquelle l’AFRICOM concentrerait ses opérations sur l’aide humanitaire. Des informations qui avaient suscité des réactions de la part de bon nombre d’organisations humanitaires, inquiètes à l’idée que l’implication de l’armée américaine dans le domaine de l’action humanitaire puisse porter atteinte à leur neutralité.

« Nos forces soutiennent également les opérations humanitaires. Les programmes de l’armée américaine viennent en appui de l’action de l’Agence américaine pour le développement international [USAID] », a déclaré le général Ward devant la Commission des forces armées de la Chambre des représentants américains. Les forces armées américaines ont également mené des opérations de déminage et encouragé la mise en œuvre de programmes de sensibilisation au VIH/SIDA au sein de certaines armées africaines, a-t-il ajouté.

Malgré le changement d’objectif, bon nombre d’ONG restent plutôt sceptiques quant à la dimension humanitaire que pourrait avoir la mission de l’AFRICOM.

Linda Poteat, directrice des programmes de gestion des catastrophes au sein d’InterAction, un consortium d’organisations à but non-lucratif, basé aux Etats-Unis, a indiqué qu’elle attendait encore de savoir quel était le mandat exact de l’AFRICOM, soulignant que l’énoncé des objectifs de la force américaine n’avait toujours pas été communiqué.

« Ils n’ont pas abandonné l’idée selon laquelle l’armée américaine a sûrement des capacités opérationnelles spécifiques qui peuvent être exploitées dans les domaines de la santé publique et des secours d’urgence ».
Quant à Jim Bishop, président du service des politiques et pratiques humanitaires à InterAction, il a eu de longs entretiens avec les autorités américaines sur le mandat de l’AFRICOM. Le mois dernier, il a affirmé que le commandement de l’AFRICOM maintenait qu’il allait s’engager dans des opérations qui relevaient plus des compétences des agences civiles du gouvernement américain et des ONG.

« L’image que doit présenter l’Amérique à ceux qui ont besoin de développement économique et d’une aide humanitaire devrait être celle d’un travailleur humanitaire coiffé d’une casquette de baseball, plutôt que celle d’un soldat ou d’un marine portant un casque », a expliqué M. Bishop à IRIN, après un débat officiel sur la militarisation de l’aide devant la Commission des Relations extérieures du Sénat, en février.

Changement de priorité

Selon J. Stephen Morrison, directeur du programme Afrique au Centre des études stratégiques et internationales (CSIS) et co-auteur du récent rapport du CSIS sur l’AFRICOM, il y a un changement de priorité.

« Ils n’ont pas abandonné l'idée selon laquelle l’armée américaine a sûrement des capacités opérationnelles spécifiques qui peuvent être exploitées dans les domaines de la santé publique et des secours d’urgence ».

« Ce qu’ils suggèrent est […] qu’ils ne veulent en aucune façon être perçus comme une force cherchant à se substituer aux organisations civiles ou à usurper le rôle de ces dernières dans les opérations humanitaires ou de développement. Ils veulent recentrer une bonne partie de leurs ressources sur le type de partenariats sécuritaires bilatéraux qu’ils maîtrisent mieux et qui correspond à leur principale vocation », a-t-il ajouté.

Depuis que l’AFRICOM a été lancé et qu’on en a fait un commandement militaire américain spécifique à un continent autrefois partagé entre le commandement de l’Europe, le commandement central et le commandement du Pacifique, l’accent mis sur sa vocation humanitaire et développementale a suscité bien des inquiétudes. Le nouveau commandement militaire compte plus de diplomates et d’experts humanitaires que les autres Etats-majors de l’armée américaine.


Photo: Amantha Perera/IRIN
L’armée américaine peut se prévaloir d’une longue expérience en matière d’aide humanitaire, comme l'atteste son intervention lors du tsunami de 2004
Le mois dernier, Mme l’ambassadeur Mary Yates, adjointe au commandant des opérations civiles et militaires de l’AFRICOM, a expliqué à IRIN que dans les Etats-majors, la nouvelle structure était plus préoccupée par la planification des opérations et de la logistique.

« Nous sommes en train de changer notre organisation parce que nous pensons que grâce à cette nouvelle structure, nous serons plus opérationnels sur le continent », a-t-elle affirmé, ajoutant que certaines incompréhensions avaient pu se développer lors des premières étapes de la planification.

« Nous allons certainement avoir un rôle de soutien aux programmes humanitaires et d’aide au développement déjà [en cours] d’exécution sur le continent », a-t-elle indiqué, tout en soulignant que la plupart des programmes de développement étaient menés par l’USAID et les organisations non-gouvernementales (ONG) partenaires. « Nous continuerons simplement à apporter notre soutien aux actions qu’ils mènent déjà sur le terrain », a-t-elle ajouté.

Comme exemple de scénario d’intervention humanitaire, Mme Yates a cité le cas de catastrophes naturelles où des experts civils des Etats-majors peuvent planifier plus efficacement les interventions et la logistique. L’armée américaine peut se prévaloir d’une longue expérience en matière d’aide humanitaire dans ce type de situations, comme cela a été démontré lors du tsunami de 2004, qui a ravagé certains pays de l’Océan indien.

Une aide aux ONG

Comme autre exemple d’interventions, Mme Yates a cité l’opération médicale humanitaire menée à bord d’un bâtiment de la marine américaine et qui a permis de soigner quelque 2 000 personnes par jour au Ghana. De tels programmes, espère-t-elle, pourraient être multipliés en dépêchant auprès de l’AFRICOM le personnel du département des services sociaux et de santé ou des Centres de contrôle et de prévention des maladies.

« Nous pensons que l'AFRICOM a un rôle à jouer dans l'aide humanitaire, mais pas dans l’aide au développement  »
Le général Ward a fait référence à ce projet au cours de son audition devant la Commission, soulignant que l’ONG Project Hope « participait [déjà] à l’opération humanitaire lorsque nous sommes intervenus et aidait le pays d’accueil en couvrant ses besoins médicaux », qualifiant ce système de « mélange des puissances douces avec ce que nous faisons, nous ».

Pour Project Hope, l’aide de l’armée américaine est perçue comme une occasion à saisir. Pour d’autres ONG en revanche, ce « mélange des puissances douces [et dures] » est précisément un sujet de préoccupation car localement les populations peuvent confondre les rôles de l’armée et des humanitaires.

Selon M. Bishop d’InterAction, l’AFRICOM ne doit s’engager dans des actions humanitaires que « s’il est le prestataire de dernier recours, mais doit éviter toute implication dans les opérations d’aide au développement. Nous pensons que son rôle de soutien se justifie en matière d’aide humanitaire, mais pas dans le domaine de l’aide au développement. Ce n’est pas de son ressort, il n’a aucun avantage concurrentiel et a très peu d’expérience dans ce domaine », a-t-il souligné.

A la suite des déclarations du général Ward, M. Morrison du CSIS a affirmé qu’en cas de catastrophe naturelle, le commandement pourrait être en mesure d’offrir des services exclusifs.

« Dans le cas d’une situation urgente et grave, nécessitant une intervention rapide dans un contexte instable, l’armée à des capacités opérationnelles spécifiques. Les ONG le reconnaissent et peuvent bénéficier de cette rapidité d’action et de la couverture sécuritaire que ce type d’opérations suppose », a-t-il fait remarquer.

« Je pense que ce que les ONG ne veulent pas, c’est voir l’armée jouer les premiers rôles dans des situations plus stables, où les organisations civiles devraient plutôt apparaître en première ligne […] Je pense que cela amène à s’interroger sur les conditions générales dans lesquelles l’armée interviendra et sur le type de partenariats qu’il faut établir avec elle », a-t-il indiqué.

ma/md/mw/ads/nh


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join