En plus de 40 ans, les subventions sur les carburants et autres produits essentiels ont profité aux riches plus qu’aux pauvres, encouragé la contrebande et coûté à l’Etat plus qu’il ne pouvait se le permettre, selon plusieurs responsables du gouvernement syrien.
Le gouvernement syrien, dirigé par le parti socialiste Baath, avec son économie centralisée, subventionne jusqu’à 40 pour cent du prix de certains produits, tels que le pain, le riz et le sucre, de même que l’électricité et les carburants, depuis son arrivée au pouvoir, en 1963. (voir encadré ci-dessous)
Néanmoins, la consommation intérieure croissante d’une population en augmentation rapide, encore gonflée par l’afflux d’environ 1,5 million de réfugiés originaires d’Irak, grève lourdement les caisses de l’Etat.
Les subventions permettent aux foyers à faibles revenus de pouvoir se procurer les produits les plus essentiels, mais elles sont accordées sans discernement, et profitent ainsi davantage aux riches, qui consomment plus, qu’aux pauvres.
« Les foyers syriens les plus aisés ont profité 59 fois plus des subventions du gouvernement que les familles les plus pauvres », a indiqué Abdullah Dardari, le vice-Premier ministre chargé des affaires économiques.
Comme l’a déclaré Adnan Dakhakheni, député à l’Assemblée nationale et directeur d’une organisation non-gouvernementale (ONG) de protection des consommateurs : « Un homme peut utiliser 20 litres de diesel en un jour pour chauffer l’eau de sa piscine, tandis qu’un autre en utilisera 10 en une année ».
« Si la situation actuelle se maintient au cours de l’année 2008, les subventions représenteront 350 milliards de livres syriennes (sept milliards de dollars), soit 19 pour cent du produit intérieur brut (PIB). Les subventions ne sont plus viables », a estimé M. Dardari.
Amortir l’impact
Les revenus pétroliers ont chuté en parallèle avec la baisse de la production – passée de 600 000 barils par jour au milieu des années 1990 à 380 000 barils aujourd’hui.
Mais le prix de l’essence ayant augmenté pour passer de moins de 30 dollars à plus de 80 dollars le baril depuis 2003, le coût des subventions sur le carburant syrien est devenu trop élevé. (voir encadré ci-dessous)
M. Dardari a récemment annoncé une réduction des subventions sur le carburant, en vue d’un ajustement aux prix pratiqués à l’échelle internationale d’ici à 2012. L’impact immédiat le plus important serait une augmentation de 70 pour cent du prix du diesel, qui atteindrait alors 12 livres syriennes (0,24 dollars) le litre en 2008.
Des chiffres très révélateurs | |
Carburant | |
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Contrebande | |
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Inflation | |
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Toutefois, à en croire Samir Seifan, directeur d’un cabinet de conseil économique, en ce qui concerne le carburant, le gouvernement aurait déjà renoncé à ce plan d’indemnisation, au profit d’un système de quotas reposant sur l’utilisation de cartes à puce pour rationner la consommation.
Si le système envisagé par le gouvernement syrien reste sommaire, il pourrait bien s’inspirer de celui de l’Iran, l’allié régional de la Syrie, qui a introduit en juin une augmentation de 25 pour cent du prix de base de l’essence tout en réservant une certaine quantité de carburant subventionné aux automobilistes titulaires de ces cartes à puce.
Toutefois, en Iran, les problèmes administratifs posés par ces nouvelles cartes de rationnement, ainsi que la colère générale des populations, qui ne concevaient pas de devoir payer plus cher l’essence dans un pays aussi riche en pétrole, ont provoqué des émeutes et plusieurs stations d’essence ont été incendiées.
Les analystes sont sceptiques quant à la mise en place de ce nouveau système en Syrie. « Ce n’est pas si simple de véritablement cibler les populations dans le besoin ; en plus, c’est la porte ouverte à la corruption et aux abus. Il faudra mettre en place une nouvelle méthode de déboursement et ce sera difficile », a expliqué Andrew Tabler, analyste et rédacteur en chef du magazine Syria Today.
Menace d’agitation
Les réformes en matière de subventions ont donné lieu à une agitation sociale dans certains pays de la région, tels que le Yémen, l’Egypte, la Jordanie et l’Iran, et le gouvernement est tout à fait conscient du potentiel incendiaire de la hausse du prix de l’essence.
Comme l’a déclaré un chauffeur de minibus de Damas en entendant M. Dardari annoncer la hausse de 70 pour cent du prix du diesel d’ici à l’année prochaine : « Dans la rue, les gens sont très mécontents de cette nouvelle loi. La situation risque d’exploser ».
« Le gouvernement a déjà cessé de subventionner l’huile d’olive et le thé ; maintenant, on mange rarement de la viande ; seulement quand on a des invités et même dans ce cas-là, on n’achète que du poulet, jamais de la viande rouge », a rapporté Mohammed Salem, un chauffeur de taxi de Damas.
« Si le gouvernement retire les subventions sur l’essence et le diesel, tout va augmenter. Subvenir aux besoins de ma famille va être très difficile si le prix du pain augmente », a déploré M. Salem.
L’inflation, qui s’élève actuellement à environ 14 pour cent selon le Fonds monétaire international, augmenterait : « Le gouvernement dit qu’il s’attend à une hausse de cinq pour cent du taux d’inflation l’année prochaine, mais je pense que ce chiffre est bien plus faible que ce à quoi nous devons nous attendre », a estimé Djihad Yazigi, économiste syrien et rédacteur en chef de Syria Report.
Selon les estimations de plusieurs économistes indépendants, le taux de chômage serait de plus de 20 pour cent et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a rapporté en 2005 que 30 pour cent de la population vivaient dans la pauvreté et que 11,4 pour cent se situaient en deçà du seuil de subsistance.
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