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Balles, bombes et VIH

Le mois dernier, neuf policiers colombiens ont trouvé la mort à la suite de l’explosion d’une bombe au passage de leur véhicule, alors qu’ils patrouillaient sur les routes de la localité de Landázuri, dans le nord-est du pays – un fait qui illustre le danger auquel sont confrontées quotidiennement les forces de sécurité de ce pays ravagé par la guerre civile.

Les policiers protégeaient des fonctionnaires affectés au programme d'éradication des cultures de coca qui vise à mettre un terme au trafic illégal de la cocaïne. Qu’elles soient déployées dans les zones reculées tombées entre les mains des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et des paramilitaires, ou qu’elles travaillent dans les villes, où la violence liée au trafic de stupéfiants est monnaie courante, les forces de l’ordre courent de nombreux risques en Colombie.

Lorsque Bhraymoor Pulido Vargas a accepté de porter l’uniforme de la police colombienne et de travailler à l’aéroport Eldorado de Bogotá, la capitale, il savait que devenir policier pouvait présenter des risques dans un pays en conflit, qui compte quelque trois millions de déplacés et où les personnes réfugiées sont contraintes à fuir vers les pays voisins. Cependant, pour lui, sa vie était menacée par les balles et les bombes et il n’avait pas songé à la menace du VIH/SIDA.

Armées, mais vulnérables

Les forces de sécurité du monde entier représentent une population vulnérable au VIH/SIDA. Les jeunes hommes et les jeunes femmes travaillent loin de leurs partenaires et luttent contre l’ennui en ayant des rapports sexuels avec d’autres personnes. En outre, la consommation abusive d’alcool et la culture de la prise de risques accroîent les dangers auxquels sont exposés les policiers.

Bhraymoor Pulido Vargas, un jeune Colombien de 24 ans, n’ignorait pas l’existence du sida. En effet, il avait été sensibilisé aux dangers de l’épidémie au lycée et savait que les rapports sexuels non protégés étaient un mode de transmission du virus. Cependant, à ses yeux, le VIH/SIDA n’était qu’une « possibilité lointaine ».
« Je croyais qu’avoir une relation sérieuse suffisait à me protéger », a-t-il confié.

Mais quand il avait des rapports sexuels occasionnels, « lorsqu’il était pris par l’excitation du moment, ou saoul, et qu’il s’en fichait », alors il n’utilisait pas de préservatif. De même, Bhraymoor Pulido Vargas négligeait de se protéger lorsqu’il était en contact avec une personne blessée qui perdait son sang – autre vecteur de transmission du VIH.

Bhraymoor Pulido Vargas a pris conscience des dangers du sida lors d’un programme de sensibilisation aux infections sexuellement transmissibles, dont le VIH, proposé par le département des ressources humaines de la police.

La Police nationale de Colombie sait que ces recrues représentent un groupe à hauts risques. En effet, la majorité des policiers sont âgés entre 18 et 24 ans, ont des idées machistes, travaillent souvent loin de leur domicile et sont réticents à l’idée d’utiliser un préservatif.

« Ils pensent que leur uniforme les protège », a déploré Juliana Meneses, coordonnatrice du programme sur la santé sexuelle et de la reproduction de la Police nationale.

Dans les villages isolés, frappés par la pauvreté, un policier se distingue du reste de la population par le salaire qu’il perçoit régulièrement.

« C’est facile de perdre pied, les filles aiment les hommes en uniforme », a déclaré Bhraymoor Pulido Vargas. « Vous buvez, vous oubliez le stress du travail. Le sexe, c’est comme une thérapie », a-t-il poursuivi.

D’après Ricardo García, directeur d’Onusida en Colombie, si les policiers adoptent des comportements à risques c’est à cause du fatalisme qui prévaut chez les militaires armées, dans des situations de conflit, qui ne savent jamais ce que leur réserve l’avenir et préfèrent profiter du jour présent.


Photo: ONU/Sida
Sensibilisation au VIH/SIDA
Les initiatives menées par la police

Bien que le taux de prévalence au sein des forces de sécurité s’élève à 0,7 pour cent, soit un taux identique à celui enregistré parmi la population colombienne, la Police nationale craint que le nombre de contaminations n’augmente. Pour la police, la prévention du VIH/SIDA n’est pas seulement une question d’ordre sanitaire, mais également une question de sécurité nationale.

« [L’épidémie] affaiblit l’institution en terme de ressources humaines », a expliqué Juliana Meneses.

Entre 2005 et 2006, quelque 24 000 jeunes recrues et officiers ont suivi avec succès un programme sur la santé sexuelle et de la reproduction.

Selon la psychologue Juliana Meneses, coordonnatrice du programme, la stratégie devait tenir compte du fait que les participants étaient « des personnes souffrant de fatigue, aux idées machistes, n’ayant pas peur de prendre des risques et insuffisamment sensibilisées aux dangers du virus. »

Les résultats d’une étude menée lors du lancement du programme ont révélé que 85 pour cent des participants n’avaient pas utilisé de préservatif lors de leur dernier rapport sexuel. En outre, 32 pour cent des hommes seulement avaient eu un seul partenaire sexuel au cours des douze derniers mois, toujours selon la même enquête.

Au cours des ateliers, les éléments des forces de sécurité se familiarisent avec les principales données concernant le VIH/SIDA. Les jeunes recrues prennent conscience de leur vulnérabilité par le biais de jeux et d’activités d’auto-réflexion.

Une des activités d’auto-réflexion s’inspire du célèbre jeu télévisé « Qui veut gagner des millions ? » et s’intitule « Qui veut rester séronégatif ? ». Chaque vendredi, l’atelier met en scène une fête semblable à celles qui se déroulent les soirs de week-end, quand les policiers ôtent leurs uniformes et se détendent. Le but de cette mise en scène est de montrer aux participants les différents comportements à risques.

Données
Vingt-quatre pour cent seulement des participants au programme ont utilisé un préservatif lors de leur premier rapport sexuel.
En moyenne les femmes ont leur premier rapport sexuel à 18 ans et les hommes à 15 ans.
Huit policiers sur dix disent ne pas avoir utilisé le préservatif lors de leur dernier rapport sexuel.
Près de la moitié des policiers pensent ne pas être à risques.
Source: Etude menée par la Police nationale
« L’idée est de leur donner les outils pour qu’ils puissent faire de meilleurs choix », a souligné Mme Meneses. « S’ils boivent, cela doit être avec modération car les personnes ivres ne sont pas capables de se protéger », a-t-elle précisé.
Un jeu appelé « La mission » consiste à apprendre à utiliser correctement un préservatif: les participants apprennent à mettre, à enlever et à négocier le préservatif. Le but du jeu est de faire comprendre aux partenaires que l’utilisation du préservatif n’est pas un signe de manque d’amour ou de méfiance, mais au contraire de protection et de bienveillance.

« Tu acquiers des valeurs, tu apprends à devenir plus responsable et tu prends davantage conscience des risques », a souligné Bhraymoor Pulido Vargas. « Désormais, je suis plus prudent, et j’ai toujours un préservatif avec moi », a-t-il conclu.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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