Les habitants de Bagdad et les spécialistes de la question irakienne contestent la stratégie américaine, qui consiste à ériger un mur afin d’isoler des quartiers sunnites des zones chiites. Selon eux, une telle enceinte détériorerait les conditions de vie de milliers d’Irakiens et attiserait la violence.
« La construction d’un mur renforce automatiquement le sentiment de différences religieuses et ethniques en Irak, et par là-même, les croyances des belligérants », a expliqué Jassem al-Rheiri, professeur de sociologie à l’Université de Bagdad.
Lors d’une visite en Egypte, dimanche dernier, le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki a déclaré que les forces américaines devaient interrompre la construction du mur, notamment dans l’enclave sunnite d’Adhamiya.
M. Nouri al-Maliki a subi beaucoup de pression de la part des communautés sunnites, qui dénoncent les travaux entrepris par les Etats-Unis et affirment que leurs quartiers deviendront des ghettos où plus aucune vie ne sera possible.
« Je suis opposé à la construction de ce mur et les travaux cesseront. Il y a d’autres méthodes pour protéger les quartiers », a dit M. Nouri al-Maliki, lors d’une conférence de presse, en Egypte.
Cependant, sa prise de position ne semble pas avoir été entendue, puisque selon les habitants de la capitale irakienne, l’armée américaine continue d’ériger le mur.
D’après des responsables américains, les travaux ont débuté le 10 avril dernier et devraient se poursuivre jusqu’à la fin du mois.
Dans un communiqué de presse, le général de brigade américain John Campbell a expliqué samedi dernier que les remparts de béton temporaires avaient été érigés dans certains quartiers autour de Bagdad afin de protéger la population irakienne des terroristes. Selon l’officier américain, ces murs sont avant tout destinés à protéger la population.
« L’objectif n’est pas de diviser la ville entre les différentes communautés, mais d’assurer davantage de sécurité aux habitants de ces quartiers », a-t-il souligné.
Le mur attisera la violence
Les spécialistes et la population locale estiment qu’au lieu de lutter contre la violence, les remparts vont accroître les divisions entre les différentes communautés du pays et auront pour effet de ralentir le processus de paix.
« Le gouvernement devrait se fixer comme objectif de faire prendre conscience aux belligérants que nous formons une seule et même communauté et que les différences ne feront que détruire davantage l’Irak. Ces murs de béton accentueront les divisions confessionnelles », a ajouté Jassem al-Rheiri.
La construction du mur suscite la colère des habitants d’Adhamiya, qui accusent le gouvernement de vouloir diviser la population.
En érigeant « une enceinte de béton autour de notre quartier, ils veulent que l’on ait le sentiment d’être en danger une fois que nous sortons du quartier. Ils veulent nous forcer à vivre dans un seul et même quartier. Ainsi, nous évoluerons dans un espace de seulement quelques kilomètres carrés, dans les maisons et les magasins », a déploré Khadija Kubaissy, un habitant du quartier d’Adhamiyah, âgé de 52 ans.
« Au lieu de nous isoler, ils devraient plutôt trouver une solution logique à la violence et non causer plus de souffrance. En outre, Abu Ahmed, qui se présente comme le porte-parole du groupe d’insurgés de l’Armée islamique, a annoncé que la construction des remparts de béton ne l’empêcherait pas de lancer des attaques contre les troupes américaines et leurs alliés », a-t-il estimé.
Pour M. Kubaissy, « ils veulent diviser le pays en communautés et pensent qu’en isolant les quartiers, ils pourront plus facilement mettre la main sur les combattants musulmans. Mais le gouvernement se trompe fortement, cela ne les rendra que plus forts ».
Après que le premier ministre Nouri al-Maliki a appelé à l’interruption de la construction, d’autres membres du gouvernement ont également fait entendre leur opposition, partageant ainsi le point de vue des militants.
« Les forces américaines pensent que les murs les aideront à protéger les civils, mais à notre avis, ils aideront, au contraire, les assaillants à savoir où et sur qui lancer les attaques. La construction [de l’enceinte] doit cesser et la décision du Premier ministre doit être respectée », a conclu le lieutenant colonel Ala’a Hussein Obadi, haut responsable au ministère de l’Intérieur.
« Il existe différentes façons d’améliorer la sécurité et nous espérons que les Etats-Unis comprendront l’appel [de M. Nouri al-Maliki] », a-t-il conclu.
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