Les employés de la station principale située à Dakar et de cinq autres stations relais à travers le pays ont été arrêtés et interrogés après que les autorités aient fait arrêter tous les programmes de Sud FM pendant 10 heures et retiré de la vente le journal « Sud Quotidien ».
Les policiers ont investi les stations de Sud FM à travers le pays quelques minutes après la diffusion d’un entretien avec Salif Sadio, le chef d’une branche armée du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), un groupe sécessionniste.
« Des policiers sont venus vers 9h pour nous demander d’arrêter nos émissions », a expliqué Seydou Nourou Gaye, le chef du service commercial de Sud FM à Ziguinchor, la capitale de la Casamance.
Ibrahima Gassama, le directeur de la station Sud FM à Ziguinchor qui a conduit l’entretien, a été arrêté pour être interrogé, a indiqué Gaye.
Oumar Diouf Fall, le directeur de la station Sud FM dans la capitale, a déclaré qu’il n’avait reçu aucune notification officielle, écrite ou verbale, expliquant la réaction du gouvernement. « Le chef du commissariat central de Dakar n’a même pas voulu répondre à mes questions », a t-il déclaré à IRIN.
« Même les chauffeurs et les balayeurs ont été arrêtés », a-t-il ajouté.
Le combat continue…
Une lutte armée visant à la sécession de la luxuriante région de la Casamance, séparée de la plus grande partie du pays par la Gambie, a duré 22 ans. Depuis son investiture en 2000, le président Abdoulaye Wade a travaillé d’arrache pied pour assurer la paix et un accord a été signé en décembre dernier pour mettre un terme à ce qui était devenu un conflit de faible intensité. Mais les irréductibles au sein du MFDC ont refusé de le signer.
Dans une déclaration radiodiffusée, le ministre de l’intérieur Ousmane Ngom a reconnu qu’il avait lui-même ordonné la suspension des programmes de Sud FM, qualifiant « d’atteinte à la sûreté de l’Etat » la diffusion de l’entretien.
Malgré les récents accords de paix signés entre le MFDC et le gouvernement du président Abdoulaye Wade, Sadio a profité de l’entretien de 20 minutes pour appeler à la poursuite de la lutte pour l’indépendance.
« Je reviendrai à la maison après avoir chassé le Sénégal de Casamance », a-t-il déclaré dans l’entretien de ce weekend, enregistré dans un lieu tenu secret.
Sadio était tenu pour mort depuis des années car il n’était pas paru en public et n’avait pas pris part aux récentes négociations de paix.
Selon Sadio, l’accord de paix signé en décembre 2004 entre le MFDC et le gouvernement sénégalais est caduc car il n’a pas été signé par les « véritables » dirigeants du MFDC.
La Casamance: un sujet tabou
Ce n’est pas la première fois que des journalistes ont maille à partir avec les autorités sénégalaises pour avoir abordé le sujet de la rébellion en Casamance.
En octobre 2003, la correspondante de Radio France International (RFI) Sophie Malibeaux a été obligée de quitter le Sénégal après avoir donné la parole à un membre dissident du MFDC.
Mamadou Diallo et Alioune Cissé, deux correspondants sénégalais des journaux Le Matin et Le Quotidien ont été entendus par les autorités après avoir publié des articles sur la Casamance.
« J’ai été interrogé par le Département des investigations criminelles (DIC) pendant cinq heures en août 2000 », a déclaré Diallo à IRIN. « J’avais publié un article intitulé ‘Les rebelles circulent dans Ziguinchor’ », a-t-il continué, en expliquant que le DIC lui avait demandé de réfuter les éléments parus dans son article.
« J’ai refusé d’écrire ce démenti, et grâce à la médiation de la société civile, on m’a demandé de ne pas quitter le pays », a ajouté Diallo.
Cissé lui, a eu maille à partir avec les autorités l’année dernière.
« Le 27 novembre 2004, j’ai publié un article sur un trafic d’armes entre la Russie et le maquis casamançais, avec comme point de transit la Guinée-Bissau », a-t-il expliqué. « La doyenne des juges m’a entendu à Dakar, et m’a notifié que j’étais en liberté provisoire et que je devais rester à la disposition de la justice ».
Dans un communiqué intitulé « Mettre fin aux tentatives pour museler la presse » publié lundi, la RADDHO, un groupe panafricain de défense des droits de l’homme, a condamné la fermeture des stations de Sud FM.
« Le gouvernement du Sénégal devrait se garder de tels actes qui remettent en cause les acquis démocratiques et les libertés fondamentales », a déclaré à IRIN Aboubakry Mbodji, le porte-parole de la RADDHO.
Sud FM a recommencé à émettre vers 18h heure locale et ses employés ont été relâchés sans que l’on sache s’ils devront faire face à des poursuites.
This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions