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Quand les médicaments n’ont plus d’effet

Mobilisation mondiale sur la question de la résistance

Tun Aung Kyaw, a MDR-TB patient, has his blood pressure checked while being treated at the Wangpha TB clinic across the border in Thailand Sean Kimmons/IRIN

Les dirigeants mondiaux se sont réunis cette semaine pour trouver une réponse commune au problème croissant de la résistance aux antimicrobiens (Antimicrobial Drug Resistance, AMR), mais ces mesures seront-elles mises en œuvre dans les pays en développement qui en ont le plus besoin ?

Les infections banales et mortelles, telles que la pneumonie, le VIH, la tuberculose et le paludisme, deviennent de plus en plus difficiles à traiter, car les bactéries, les virus et les parasites développent une résistance accrue aux médicaments autrefois efficaces.

Lors de la session de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la question de l’AMR mercredi [21 septembre], 193 Etats membres ont convenu de prendre des mesures pour remédier à la situation. Ce n’était que la quatrième fois dans l’histoire des Nations Unies qu’une réunion de haut niveau était organisée pour trouver une solution à une crise sanitaire.

Si de nouvelles approches étaient adoptées grâce à l’engagement de la communauté internationale, elles seraient particulièrement importantes pour les pays pauvres, où le lourd poids des maladies infectieuses, l’accès limité aux vaccins et aux médicaments pouvant sauver des vies, et l’insuffisance des infrastructures sanitaires ont contribué au problème croissant de la résistance aux antimicrobiens.

Confrontés à une nouvelle crise

Margaret Chan, Directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a prévenu que tous les antibiotiques risquaient de perdre leur efficacité à cause de la résistance aux antimicrobiens qui résulte notamment de la mauvaise utilisation des antibiotiques chez l’être humain, les animaux et sur les cultures. Dans une ère post-antibiotique, les affections courantes, telles qu’une angine à streptocoques ou une plaie infectée, pourraient se révéler mortelles. Un récent rapport commandé par le gouvernement britannique estime que10 millions de personnes pourraient mourir chaque année à cause de la résistance aux antimicrobiens d’ici 2050. Aujourd’hui, on estime que 700 000 personnes meurent chaque année d’infections bactériennes multi-résistantes. 

Le problème dépasse d’ores et déjà les compétences des ministres de la Santé. Les économistes et les dirigeants mondiaux se penchent désormais sur la question. Citant le rapport commandé par le Royaume Uni, Keiji Fukuda, le Représentant spécial de l’OMS pour la résistance aux antimicrobiens, a dit que les pertes économiques cumulées dues à l’AMR pourraient atteindre les 10 000 milliards de dollars d’ici 2050.

La question a été au cœur des discussions aux Nations Unies cette semaine. Outre la réunion de haut niveau, plusieurs manifestations parallèles ont eu lieu sur ce thème. Lors d’un point presse, M. Fukuda a dit que l’engagement pris par les chefs d’Etat de passer à l’action témoignait de la gravité de la crise.

« C’est de l’ordre du VIH ou du changement climatique », a-t-il dit. « Outre l’incapacité à soigner les personnes infectées, c’est toute la base de la médecine moderne qui risque de se fragiliser ». M. Fukuda a brandi le spectre d’opérations vitales devenues trop dangereuses pour être pratiquées à cause des risques d’infections post-opératoires incurables. « Nous constatons ces problèmes à travers le monde. Chaque jour, des infections incurables et résistantes aux médicaments sont observées. »

Les pauvres sont les plus touchés

Si la majorité des recherches sur l’AMR sont menées dans les pays les plus riches, la résistance aux médicaments contre le VIH et la tuberculose, et aujourd’hui le paludisme, a surtout des répercussions dans les pays pauvres où ces maladies sont plus répandues. L’étude commandée par le Royaume Uni estime que 90 pour cent des décès liés à l’AMR se produiront dans les pays en développement, et qu’un quart de tous les décès seront dus à la tuberculose.

Le fait que les antibiotiques soient disponibles sans ordonnance, et même sur Internet, dans de nombreux pays en développement contribue au problème.

Dans une déclaration, l’organisation Médecins Sans Frontiéres a dit que ses équipes étaient confrontées à des infections résistantes aux antibiotiques qui ne peuvent être soignées qu’avec des antibiotiques de dernière ligne partout où elles interviennent, « en Jordanie, où elles soignent des blessés de guerre ; au Pakistan, chez les nouveau-nés ; en Haïti, où elles prennent en charge les grands brûlés ; ou encore en Afrique du Sud, chez les patients atteints de tuberculose multi-résistante. »

Keith Klugman, responsable de la stratégie relative à la pneumonie pour la Fondation Bill et Melinda Gates, a dit que l’AMR constitue une préoccupation grandissante dans les zones urbaines pauvres, où les eaux usées contenant des bactéries résistantes contaminent l’eau et se répandent dans une zone. « Nous l’avons observé en Inde et en Afrique notamment », a-t-il dit.

Mais M. Klugman a dit à IRIN que les décès dus à l’absence d’antibiotiques sont plus courants que les décès liés à la prise d’antibiotiques en Afrique : « Il y a un besoin urgent de médicaments et de vaccins dans les zones rurales pour protéger les enfants et les adultes des maladies, ce qui permettrait de réduire le besoin d’antibiotiques en premier lieu. »

Besoin de nouveaux médicaments
 

Les principaux objectifs du Plan d’action mondial élaboré par l’OMS en 2015 pour combattre la résistance aux antimicrobiens sont : réduire l’utilisation des antibiotiques chez l’être humain et l’animal ; limiter les infections grâce à la mise en œuvre de mesures de prévention, telles que les vaccins, un meilleur assainissement et une meilleure hygiène ; améliorer la recherche et le suivi ; éduquer le public, le personnel médical et les éleveurs sur une utilisation appropriée des antibiotiques ; et investir dans de nouveaux médicaments et de nouveaux outils de diagnostic. L’objectif final concerne les laboratoires pharmaceutiques, qui n’ont pas développé de nouvel antibiotique depuis 30 ans, notamment parce qu’ils ne sont pas rentables. L’étude britannique montre que les sociétés de capital-risque ont investi moins de cinq pour cent dans la recherche antimicrobienne entre 2003 et 2013. Lorsque les antibiotiques de deuxième ligne et de troisième ligne arrivent sur le marché, ils sont généralement inabordables dans beaucoup de pays pauvres. La déclaration de cette semaine vise à créer un environnement favorable au secteur pharmaceutique pour qu’il développe de nouveaux médicaments, et appelle les gouvernements à débloquer des fonds publics pour financer la recherche et le développement.
 

« Nous avons besoin d’un système d’accès aux médicaments qui prévoit que, quand un nouvel antibiotique est développé, il doit être vendu au prix le plus bas possible afin que chacun puisse se le procurer », a commenté Martin Khor, directeur administratif de South Centre, une organisation intergouvernementale qui promeut la coopération entre les pays en développement.

M. Khor a ajouté qu’il faudrait remplir un certain nombre de préconditions pour que le modèle de financement public fonctionne correctement. Ainsi, le secteur public devrait être propriétaire des brevets des médicaments développés grâce aux fonds publics, et ces droits devraient ensuite être cédés à des fabricants de produits génériques qui proposeraient des versions abordables.

Prévenir les infections ?

Judit Rius Sanjuan, responsable de la campagne d’accès de MSF, a dit que la déclaration issue de la réunion de mercredi engage les gouvernements à adopter des « garanties de santé publique innovantes » et que les nouvelles recherches sur l’AMR devront être axées sur le patient et non pas guidées par le profit. « Si l’engagement présenté dans la déclaration concernant la dissociation [de la recherche pharmaceutique et des profits] est respecté, cela pourrait changer la donne », a-t-elle expliqué à IRIN. Elle a ajouté que, si les discussions relatives à la meilleure « gestion » et à la modification des comportements pour limiter l’utilisation inutile des antibiotiques étaient importantes, il s’agissait d’une « réponse dictée par les pays [développés] du Nord. »
 

« On ne prend pas suffisamment en compte le fait que bon nombre des systèmes de santé [des pays] du Sud ont besoin de soutien. Ils ne disposent pas des outils de diagnostic et des autres éléments, et ne peuvent pas mettre en œuvre les opérations nécessaires pour relever le défi », a-t-elle dit, notant que bon nombre de pays pauvres n’avaient pas les capacités nécessaires pour mesure l’ampleur du problème.

Lors d’une discussion sur l’AMR à la Fondation Ford à New York cette semaine, le ministre sud-africain de la Santé, Aaron Motsoaledi, a critiqué le coût élevé des nouveaux médicaments développés pour soigner la tuberculose multi-résistante.

M. Motsoaledi a dit que les organisations, comme les Nations Unies et la Banque mondiale, n’accordaient pas une priorité suffisante à la lutte contre la tuberculose, bien que cette maladie soit la première cause de mort par maladie infectieuse avec le VIH. Si l’on n’accorde pas une attention particulière à la lutte contre la tuberculose, le combat contre l’AMR sera perdu, a-t-il expliqué.
 

Marc Mendelson, responsable du département des maladies infectieuses et du VIH à l’université du Cap, a discuté les mérites d’une approche axée sur la prévention des infections en matière d’AMR et d’une approche donnant la priorité au développement de nouveaux médicaments. « Si nous avions de l’eau propre, nous pourrions réduire de moitié l’utilisation d’antibiotiques. Si nous avions des vaccins, nous n’aurions pas besoin d’antibiotiques. »

(PHOTO DE COUVERTURE : Tun Aung Kyaw, un patient atteint de tuberculose multi-résistante, fait vérifier sa tension artérielle à la clinique de Wangpha où sont signées les personnes souffrant de tuberculose. Sean Kimmons/IRIN)

pg/ks/ag-mg/amz 

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