Si l’heure est grave pour tous les Gazaouis, Mazen fait partie des moins bien lotis. Ce père de six enfants âgé de 50 ans a dit à IRIN qu’une bombe israélienne visant la maison de son voisin avait presque détruit la sienne. « Toutes mes économies sont anéanties, ma maison est anéantie, ma famille est déplacée. Grâce à Dieu, aucun d’entre eux n’a été blessé », a-t-il dit. « Nous devons tout recommencer à zéro, mais nous n’abandonnerons pas. »
La précipitation de Mazen n’était pas seulement due à sa maison détruite : il savait que le temps était compté. Il devait sortir de l’argent, acheter des articles de première nécessité et mettre sa famille en lieu sûr en seulement cinq heures de cessez-le-feu, après quoi il craignait une reprise des frappes israéliennes – qui visent, selon Israël, les terroristes tirant des roquettes depuis Gaza.
L’interruption temporaire des bombardements – négociées par les Nations Unies et consentie par l’armée israélienne et les deux principaux mouvements palestiniens, à savoir le Hamas et le Djihad islamique – représentait le premier moment de répit depuis le début de l’escalade des violences, le 8 juillet. Les attaques avaient été déclenchées par l’assassinat de trois adolescents israéliens en Cisjordanie, dont Israël a accusé le Hamas, et le meurtre de Mohammad Abou Khdeir, un Palestinien âgé de 16 ans.
Le cessez-le-feu a été déclaré au lendemain de la mort de quatre enfants dans un bombardement israélien sur une plage de Gaza. Même si quelques roquettes ont été lancées par des extrémistes et que les deux camps se sont accusés l’un l’autre de violer le cessez-le-feu, Gaza n’avait jamais été aussi calme depuis la reprise des hostilités.
Ce moment de répit s’est accompagné de scènes de désarroi. Avant même l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, à 10 heures du matin, des milliers de Palestiniens affluaient déjà dans les rues. Les files d’attente des distributeurs automatiques de billets s’étendaient sur plusieurs pâtés de maisons. Certaines personnes faisant la queue ont dit à IRIN qu’elles patientaient depuis près de trois heures.
À Gaza, la circulation était paralysée, tandis que dans les boutiques et les marchés l’atmosphère frôlait le chaos. Dans un hypermarché, Abdullah, 37 ans, faisait des courses avec sa famille pour les jours suivants. « C’est la première fois que nous sortons en six jours », a-t-il dit, ajoutant qu’ils étaient à court de certains produits.
« Que peut-on faire en seulement cinq heures ? » s’est-il lamenté. « Nous avons commencé à la banque, où nous avons attendu deux heures, puis nous sommes venus ici pour acheter des choses [...]. Comme vous le voyez, tout le monde est pressé. C’est pitoyable et cela doit cesser. »
Ailleurs, des familles faisant partie des 22 000 personnes hébergées dans des abris des Nations Unies se sont aventurées dans la rue pour inspecter leur maison et leur quartier. IRIN a vu les membres d’une famille fouiller dans les décombres de ce qui avait été leur maison à la recherche des restes d’une vie perdue. À l’hôpital al-Shifa, les familles se bousculaient pour rendre visite à leurs proches blessés.
Pour ceux qui restent à Gaza, la situation devient de plus en plus grave, car les réserves de médicaments et de nourritures commencent à s’épuiser.
Fenêtre humanitaire
Les citoyens assiégés n’étaient pas les seuls à tenter de profiter de ce bref cessez-le-feu. Les organisations d’aide et de développement ont elles aussi saisi cette occasion pour effectuer des interventions bien nécessaires. Selon Alun McDonald, coordinateur de la communication d’Oxfam en Israël et dans le Territoire palestinien occupé, les employés de l’organisation ont fait de leur mieux pour redoubler d’efforts.
« Pour cette courte “fenêtre humanitaire”, nos équipes tentent d’évaluer les dommages infligés aux infrastructures d’eau et d’assainissement – tels que les systèmes d’eau, les puits et les stations d’épuration – et la meilleure manière de les réparer », a-t-il dit. « Beaucoup de canalisations d’eau et de puits ont été fortement endommagés et, il y a deux jours, une autre des principales stations d’épuration a elle aussi été touchée et les eaux usées se sont répandues dans les rues et les champs environnants. Nous aurions dû réaliser ces évaluations la semaine dernière, mais cela n’a pas été possible à cause des bombardements incessants », a-t-il ajouté, signalant que trois membres du personnel de la Régie palestinienne des eaux avaient été tués récemment.
Tony Laurance, PDG de l’organisation britannique Medical Aid for the Palestinians, a dit qu’ils n’avaient pas pu en faire beaucoup plus que d’habitude en raison de la brièveté du cessez-le-feu. « Bien sûr, ça aide – pour le personnel qui est resté bloqué chez lui, c’est l’occasion de sortir et de trier les trousses d’aide, de visiter des lieux, etc. - mais on ne peut pas faire grand-chose en l’espace de cinq heures », a-t-il dit. « Ce que nous et la communauté humanitaire souhaitons, c’est un cessez-le-feu durable. »
Des rumeurs d’un tel accord ont circulé toute la journée. La BBC a cité des sources israéliennes selon lesquelles un accord de cessez-le-feu commençant le 18 juillet à six heures du matin avait été passé grâce aux bons offices de l’Égypte. L’annonce a ensuite été démentie par Israël et par le Hamas, qui gouverne la bande de Gaza.
Selon M. Laurance, en cas de cessez-le-feu durable, les organisations humanitaires devraient agir rapidement pour aider les Gazaouis. « Il y a deux priorités dans les premières 48 à 72 heures : s’assurer de répondre aux besoins les plus pressants des déplacés – nourriture, santé, médicaments et eau – et mener des évaluations rapides [des dommages causés aux infrastructures essentielles]. »
En attendant, les espoirs d’un accord plus durable se sont évanouis. À Gaza, les bombardements continuent. L’enclave retient à nouveau son souffle.
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