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Des milliers de Libyens détenus dans des centres non administrés par l'État

Former inmate on a return visit to his cell at Tripoli’s Abu Salim prison where he was held for several years. October 2011 Iason Athanasiadis/UNSMIL
Un ancien détenu de la prison d'Abu Salim de Tripoli visite son ancienne cellule (oct. 2011)
En Libye, plus de deux ans après la révolution, des milliers de personnes sont encore détenues dans des centres de détention administrés par des milices et non pas par l'État, indique un nouveau rapport des Nations Unies présenté au Conseil de sécurité. Selon ce rapport, la persistance des mauvais traitements et de la torture est « inacceptable ».

« Nous avons un gros problème, mais nous essayons de le résoudre », a dit à IRIN Salah Marghani, ministre de la Justice, après la publication du rapport.

« Nous ne baissons pas les bras. Bien que les circonstances soient difficiles, nous poursuivons nos efforts pour améliorer la situation ».

Le rapport estime qu'environ 8 000 personnes sont détenues pour des infractions liées au conflit ; une partie des détenus se trouve dans des établissements relevant de l'autorité « nominale » du ministère de la Justice ou du ministère de la Défense, et le reste est aux mains « de brigades armées qui ne sont nullement affiliées à l'État ».

« Je suis vivement préoccupé par la lenteur et l'insuffisance des progrès s'agissant du transfert vers l'État des personnes qui sont sous la garde des brigades armées », a dit Ban Ki Moon, Secrétaire général des Nations Unies, dans ce rapport qui informe le Conseil de sécurité sur les activités de la Mission d'appui des Nations Unies en Libye.

Les Nations Unies rapportent qu'elles ont réuni un faisceau de preuves indiquant qu'au moins 10 détenus sont morts sous la torture cette année et que personne n'a eu à répondre de ces actes pour l'instant. Elles rapportent également que les actes de torture se poursuivent dans les institutions étatiques et les centres de détention non administrés par l'État, ce que corroborent les organisations humanitaires qui interviennent en Libye.

« Nous sommes toujours dans une situation de révolution », a dit M. Marghani, le ministre de la Justice. « Voyez le nombre d'armes qui circulent. Dans ce contexte, les contrôles sont forcément limités ».

M. Marghani indique qu'une bonne partie des 10 000 ex-rebelles intégrés dans la police judiciaire n'ont reçu qu'une formation élémentaire. La Libye essaye d'y remédier avec l'aide de la communauté internationale.

« Nous avons un bon programme de formation des gardiens de prison, avec un conseiller interne originaire du Royaume-Uni présent sur place, au ministère de la Justice. Mais nos capacités sont limitées ».

En collaboration avec le Royaume-Uni et l'Union européenne, la Mission d'appui des Nations Unies en Libye fournit une formation aux gardiens de prison et aux agents judiciaires, mais selon l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), une organisation qui gère certains des programmes de formation, le niveau actuel d'aide ne permet pas d'entreprendre une transformation à grande échelle.

« Le nombre d'officiers ayant besoin de formation est très important », a dit Karim Salem, coordonnateur de projet pour l'OMCT. « Sans véritable formation à grande échelle, il sera impossible de changer la culture au sein de ces institutions ».

Gouverner sous la contrainte

La réforme des prisons n'est qu'une des initiatives en suspens en Libye, alors que la situation sécuritaire s'aggrave et que les systèmes politiques et judiciaires du pays sont en difficulté.

Les discussions sur l'élaboration de la Constitution sont dans l'impasse au Congrès libyen, et le rapport du Secrétaire général des Nations Unies met en garde contre une détérioration de l'efficacité du gouvernement transitoire du pays.

« Les opinions et les intérêts divergents des forces politiques et régionales du pays, qui se reflètent au Congrès général national, ont pu compromettre son efficacité en tant qu'organe législatif et sa réputation aux yeux de nombreux Libyens. Cela a eu un impact évident sur la stabilité du processus politique et cela a entravé le gouvernement dans sa capacité à résoudre les principaux problèmes dans le pays ».

Les manifestations armées organisées par les milices afin de s'opposer aux décisions clés débattues devant le Congrès ont également contribué à faire voler en éclats le processus politique, et des membres du Congrès se sont plaints d'avoir dû voter sous la contrainte.

Le personnel judiciaire du pays fait également l'objet de menaces.

Cette année, les procureurs ont lancé plusieurs appels à la grève dans la ville de Sabha, au sud-ouest du pays, pour dénoncer les manouvres d'intimidation des groupes armés, une situation qui a été exacerbée par les évasions répétées de détenus incarcérés dans la prison de la ville.

Pour les Nations Unies, la sécurité du personnel judiciaire reste un « sujet de préoccupation » et « la volatilité de la situation sécuritaire continue d'entraver l'établissement d'un système judiciaire efficace ». Elles évoquent les multiples attaques subies par les procureurs et les juges, et soulignent que les tribunaux de Benghazi et de Syrte ont été la cible d'attentats à la bombe.

Pas de pouvoir de négociation

En raison de la fragilité de la situation sécuritaire, le gouvernement libyen se retrouve en position de faiblesse lorsqu'il aborde les négociations avec les grandes brigades, qui continuent à maintenir en détention des prisonniers, hors de la juridiction des ministères de la Justice et de la Défense.

Le Comité suprême de sécurité (CSS), structure parallèle à l'armée officielle créée pour réunir plusieurs brigades révolutionnaires, est l'un des groupes armés les plus importants qui maintient des personnes en détention dans des centres non administrés par l'État. Il est financé et armé par le gouvernement, et dispose de deux centres de détention dans ses quartiers à Tripoli.

Les tentatives pour le forcer à relâcher les détenus se sont soldées par plusieurs raids sur le ministère de la Justice et par l'intimidation des représentants politiques.

« Le CSS ne devrait pas avoir des prisons », a dit M. Marghani. « Nous les considérons comme illégales. Ils devraient remettre ces personnes au gouvernement pour que la justice fasse son travail ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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