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La reprise de la construction de la barrière menace le patrimoine palestinien

The village of Battir sits on top of a terrace farming system that is unique in the OPT Andreas Hackl/IRIN
The village of Battir is perched on top of a terrace farming system unique in OPT (Aug 2012)
Les communautés palestiniennes de Cisjordanie ont exprimé leur inquiétude face à l’annonce abondamment rapportée par les médias de la reprise de la construction par Israël de son « mur de séparation », après cinq ans d’interruption.

« C’est un crime de faire passer le mur par ici », a dit Akram Badir, chef du conseil du village de Battir, une communauté palestinienne située juste de l’autre côté de la Ligne verte, au sud-est de Jérusalem. « Ce sera une catastrophe », a-t-il continué en montrant le tracé prévu le long d’une voie de chemin de fer passant à proximité.

Battir jouit d’un système d’irrigation séculaire qui alimente en eau douce les riches terres agricoles de la communauté. L’eau, accumulée dans une ancienne piscine romaine, coule de terrasse en terrasse avant d’être distribuée dans les champs par des canaux.

« Si le mur est construit comme prévu, au travers des terrasses, celles-ci vont s’effondrer », a dit Giath Nasser, l’avocat chargé de la procédure engagée par Battir contre le tracé projeté pour la barrière.

Environ 62 pour cent du tracé de la barrière, qui devrait mesurer 708 km de long, a déjà été complété. Il en reste huit pour cent en construction et 30 pour cent planifié, mais pas encore érigé. À ce jour, selon le bureau de la coordination des Affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), 150 communautés ont été isolées de leurs terres par la barrière et 7 500 Palestiniens, coincés entre la Ligne verte et le mur, ont besoin d’un permis spécial pour pouvoir rester chez eux.

La Cour pénale internationale a rendu en 2004 un avis consultatif demandant à Israël de cesser l’édification du mur, de démanteler ou modifier le tracé des sections déjà complétées et d’abroger le régime d’octroi des permis et de franchissement des portes. Dans une décision adoptée lors de sa 36e session, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture a prié instamment toutes les parties concernées de préserver le paysage en terrasses de Battir, un site appartenant au « patrimoine culturel et naturel palestinien ».

Israël soutient quant à lui que la barrière est nécessaire pour des raisons de sécurité.

Envisager l’avenir

L’édification du mur avait été interrompue principalement à cause de problèmes budgétaires et de recours en justice intentés par la société civile israélienne et palestinienne contre le tracé prévu.

Le ministère de la Défense israélien a dit à IRIN que la construction allait peut-être pouvoir reprendre lorsque l’autorisation nécessaire serait accordée par la Haute Cour de Justice et les comités du ministère des Finances chargés de l’expropriation des terres le long du tracé.

Les travaux d’édification du mur devraient d’abord reprendre dans les zones proches de Jérusalem et de Bethléem et notamment autour du bloc de colonies de Gouch Etzion, où se situe Battir.

Il est difficile d’estimer le nombre exact de communautés qui seront affectées par la reprise de l’édification, car les procédures juridiques visant à déterminer le tracé final ne sont pas encore achevées. L’OCHA compte cependant que 50 communautés palestiniennes bordant des sections encore non construites de la barrière seraient affectées, c’est-à-dire qu’elles seraient coupées de leurs terres ou de leurs ressources en eau ou qu’elles seraient isolées de leur voisinage.

Une barrière contestée

« La barrière entourant Battir suit la Ligne verte. Israël ne devrait donc avoir aucune difficulté du point de vue juridique [à reprendre la construction à cet endroit]. Cependant, ses conséquences sur la communauté seront particulièrement graves et impliquent la perte d’un site historique », a dit à IRIN Sarit Michaeli, porte-parole de l’Organisation non gouvernementale israélienne B’Tselem.

« La solution est simple », a dit M. Nasser. « [Il faut] construire le mur du côté israélien de la voie ferrée ». De cette façon, a-t-il ajouté, les villageois auraient toujours accès à environ 300 hectares de terres agricoles dont ils dépendent pour subvenir à leurs besoins.

« Je sais que cela ne fait pas de moi une femme riche, mais je vends des légumes à Jérusalem une fois par semaine », a dit une vieille femme cueillant de la menthe sur le terrain appartenant à sa famille, du côté israélien de la voie ferrée. « C’est ma source de revenus ».

« Si vous coupez la terre de Battir par un mur, vous détruisez la paix, le patrimoine culturel et notre économie »
De nombreux documents font état des conséquences de la barrière sur les agriculteurs. Selon l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), les agriculteurs touchés par l’édification du mur connaissent généralement une baisse de leur production annuelle allant jusqu’à 60 pour cent.

Dans d’autres villages, les recours en justice comme celui de Battir se sont souvent accompagnés de manifestations populaires qui, dans le cas de Budrus et Bil’in, par exemple, ont réussi à changer le tracé de la barrière.

« Nous voulons résoudre ce problème de manière pacifique, au tribunal », a dit M. Badir, avant d’ajouter : « Si vous coupez la terre de Battir par un mur, vous détruisez la paix, le patrimoine culturel et notre économie ».

Soutien de la population en faveur de la barrière

Lorsque le premier ministre israélien Ariel Sharon avait annoncé la construction d’une barrière en Cisjordanie en 2002, il avait obtenu le soutien de la population pour ce projet considéré comme une réponse à une vague d’attentats suicides perpétrés contre des civils israéliens par des Palestiniens lors de la seconde Intifada. Selon The Peace Index, une enquête étudiant l’opinion israélienne concernant des questions relatives au conflit israélo-palestinien, en octobre 2003, sur un échantillon de juifs israéliens, 83 pour cent étaient favorables à la barrière.

La sécurité reste la principale raison pour laquelle le gouvernement israélien défend le mur. « La barrière n’est construite que pour des raisons de sécurité. Avant la terreur, il n’y avait pas de barrière. C’était une réaction, une réaction face à la terreur », a dit à IRIN Josh Hantman, porte-parole du ministère de la Défense israélien.

« La majorité croit toujours que l’amélioration de la sécurité est due à la barrière et non aux mesures prises par les Palestiniens », a dit Dahlia Scheindlin, experte et analyste de l’opinion publique israélienne. Mais les Israéliens sont favorables à la barrière pour d’autres raisons également, a-t-elle ajouté. « Les [juifs] israéliens partagent le sentiment que la séparation est la seule manière d’avoir une vie normale ici. »

Dans la dernière enquête menée par Mme Scheindlin, en 2007, 59 pour cent des juifs israéliens estimaient que la barrière avait amélioré la sécurité, mais 31 pour cent affirmaient qu’elle rendait la situation plus difficile pour les Palestiniens et pourrait finir par augmenter l’insécurité.

Si le gouvernement israélien a mis en évidence par le passé que la barrière avait radicalement réduit les attaques perpétrées par des Palestiniens en Israël, les médias et l’OCHA ont signalé qu’environ 15 000 Palestiniens continuaient quotidiennement à entrer sans permis en Israël en 2011. D’autres facteurs contribueraient donc à la baisse de la violence.

Le colonel israélien chargé de l’édification du mur, Danny Tirza, a lui-même dit récemment que la diminution du nombre d’attentats et le rétablissement du sentiment de sécurité en Israël ne pouvaient pas être exclusivement attribués à la barrière, mais étaient dus à « des efforts conjugués de toutes les parties concernées. »

ah/kb/rz-ld/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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