1. Accueil
  2. Global

Les régions les plus durement affectées par la hausse des prix

Customers buy bread at a bakery in Cairo Amr Emam/IRIN
Customers buy bread at a bakery in Cairo (April 2012)
Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les pays du Sahel de l’Afrique de l’Ouest, de la Corne de l’Afrique et de l’Afrique centrale et du Sud – dont plusieurs dépendent principalement des importations de céréales pour nourrir leur population – sont les plus exposés aux conséquences de la hausse des cours mondiaux des céréales. Si une part importante de la population mondiale doit déjà composer avec la hausse des prix des denrées alimentaires, elle est appelée à s’accroître dans les mois à venir.

Les prix mondiaux des céréales ont atteint des niveaux records à la mi-juin, lorsque les effets de l’une des pires sécheresses de l’histoire des États-Unis, le plus grand producteur mondial de maïs et de soja, ont été connus du public et que les marchés des produits de base ont réagi.

En 2007/08, l’augmentation des prix des denrées alimentaires avait obligé les plus pauvres à vendre leurs biens et à réduire leurs dépenses de nourriture, d’éducation et de santé, accroissant du même coup leur vulnérabilité aux chocs futurs, selon la FAO.

La répercussion de la hausse des cours mondiaux sur les prix aux consommateurs n’est pas seulement le résultat de la dépendance de certains pays envers les importations et la production domestique. D’autres facteurs, et notamment les interventions en matière de politiques, jouent également un rôle, selon Liliana Balbi, chef d’équipe pour le Système mondial d’information et d’alerte rapide sur l’alimentation et l’agriculture (SMIAR) de la FAO. « Dans les pays d’Afrique du Nord, par exemple, la répercussion des prix aux consommateurs pendant les crises de 2007-08 et de 2010-11 a été limitée par la mise en place de généreuses subventions alimentaires. »

Gary Eilerts, responsable des programmes auprès du Réseau américain des systèmes d’alerte précoce contre la famine (FEWSNET), géré par l’Agence américaine pour le développement international (USAID), a dit à IRIN : « Dans les pays où règne l’insécurité alimentaire, les conséquences de la hausse des prix peuvent, en règle générale et au moins au début, être plus discrètes et survenir un peu plus tard en raison d’une moindre dépendance de plusieurs de ces pays envers les échanges mondiaux de céréales. »

FEWSNET surveille les tendances des prix des aliments de base dans 30 pays considérés comme vulnérables à l’insécurité alimentaire. « L’abondance du riz permettra de compenser la hausse des prix dans certains pays. Il faudra cependant surveiller leur évolution afin de déterminer si, et dans quelle mesure, les prix du blé sont poussés à la hausse par l’augmentation des prix du maïs. Cela pourrait en effet faire augmenter le prix du pain, un produit largement consommé par les populations urbaines des pays où règne l’insécurité alimentaire. »

Sahel

Dans une évaluation compilée exclusivement pour IRIN, le SMIAR a indiqué que plusieurs pays du Sahel étaient confrontés à une crise alimentaire provoquée par la faiblesse des récoltes de céréales de 2011 et les prix déjà élevés des denrées alimentaires, et qu’ils étaient dès lors très sensibles aux chocs. Si les prix des céréales de base comme le sorgho, le maïs et le millet ont fortement augmenté dans l’ensemble du Sahel, ceux du riz et du blé importés sont demeurés relativement stables au cours des derniers mois.

« Une nouvelle envolée des cours mondiaux aurait des effets dramatiques sur la situation alimentaire déjà fragile de la région », a averti Mme Balbi. Les pays du Sahel, et notamment la Mauritanie, le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Tchad et la Gambie, en seraient durement affectés. Dans plusieurs de ces pays, le prix des céréales produites localement a déjà augmenté de plus de 50 pour cent depuis 2011.

Cette semaine, la Banque mondiale a rapporté que les prix du blé et du maïs avaient augmenté de plus de 50 et 45 pour cent respectivement depuis la mi-juin et que le soja coûtait près de 30 pour cent plus cher. Le prix du soja aurait en effet augmenté de près de 60 pour cent depuis la fin 2011.

Corne de l’Afrique/Afrique de l’Est

L’augmentation du prix des céréales observée dans plusieurs pays du nord-est de l’Afrique et due en partie à la hausse des cours mondiaux accroît la vulnérabilité de ces populations. D’après la Banque mondiale, environ 9,95 millions de personnes vivent dans l’insécurité alimentaire depuis la sécheresse qui a frappé la Corne de l’Afrique en 2011. Environ 16 millions de personnes sont confrontées à divers niveaux d’insécurité alimentaire au Djibouti, en Éthiopie, au Soudan, au Soudan du Sud, au Kenya et en Ouganda, selon FEWSNET.

Toutefois, en Somalie, un pays qui a été frappé par une crise alimentaire en 2011, les prix des céréales locales de base ont fortement diminué au cours des 12 derniers mois par rapport aux prix records qu’ils avaient atteints en juin 2011, et sont demeurés relativement bas et stables depuis les premiers mois de 2012, a rapporté le SMIAR.

Au Soudan et au Soudan du Sud, les prix ont atteint des niveaux records sur tous les marchés supervisés à la suite de perturbations et du déclin de la production en 2012, selon le SMIAR.

« le Congo, la Guinée équatoriale et le Gabon dépendent presque entièrement des marchés internationaux pour combler leurs besoins en matière de céréales (blé et riz) »
Le Soudan dépend en grande partie des importations de blé, et la FAO s’attend à ce que la hausse récente des cours mondiaux des céréales, et principalement du blé, affecte les prix locaux. Si les prix du blé au Soudan ont enregistré une baisse modérée depuis le début de 2012, le prix moyen dans la capitale, Khartoum, était de 659 dollars la tonne en juin – soit légèrement plus (5 pour cent) que l’année précédente.

En juin 2012, le prix de la principale denrée à Khartoum et à El Gadarif (une région où la production est généralement excédentaire) était deux fois plus élevé qu’en juin 2011.

Au Soudan du Sud, les prix du sorgho ont augmenté d’environ 220 pour cent entre juillet 2011 et juillet 2012.

En Éthiopie, les prix des céréales ont grimpé depuis février 2012, mais ils se sont stabilisés à des niveaux élevés. D’après le SMIAR, les prix de gros du blé sur la plupart des marchés éthiopiens ont augmenté de 18-20 pour cent en moyenne depuis le début de l’année, en raison surtout de la hausse des cours mondiaux.

En Ouganda, le prix du maïs a bondi d’environ 60 pour cent entre janvier et avril 2012 et s’est stabilisé à environ 390 dollars la tonne, soit 42 pour cent plus qu’un an plus tôt, a indiqué le SMIAR.

Au Kenya, les prix du maïs ont augmenté de 20-25 pour cent en moyenne sur les principaux marchés au cours des trois ou quatre derniers mois en raison de l’épuisement des stocks provenant des récoltes qui ont suivi la courte saison des pluies (et qui se sont terminées en mars 2012).

Les prix du maïs sur les marchés de gros tanzaniens sont très élevés, mais cela n’est pas dû à la hausse des cours mondiaux. À Dar es Salaam et Arusha, deux villes importantes du pays, le prix du maïs a atteint un niveau presque record en mai/juin – 350-380 dollars la tonne – à cause de l’augmentation des coûts de l’énergie et du transport et de la reprise des exportations de maïs qui a suivi la levée de l’interdiction.

Afrique du Sud

L’augmentation récente du prix du maïs a eu des répercussions quasi instantanées en Afrique du Sud, le principal producteur de maïs du continent. Les pays du sud de l’Afrique qui importent du maïs, comme le Botswana, la Namibie et le Swaziland, seront durement affectés par la hausse des prix. La production de maïs au Lesotho – un gros importateur – a diminué de 77 pour cent par rapport à 2010/11, et le pays, comme plusieurs de ses voisins, aura de la difficulté à nourrir sa population.

Le Lesotho ne s’est pas encore remis de l’augmentation des prix des denrées alimentaires de 2010 et des inondations qui ont eu lieu par la suite. Le pays, qu’on appelle aussi « royaume des montagnes », a été contraint de dépenser des millions de dollars pour acheter de la nourriture et du matériel afin de réparer les infrastructures endommagées. En 2011, la production agricole a été affectée par les précipitations insuffisantes. Dans un rapport publié en mai 2012, le Fonds monétaire international (FMI) a estimé à 4,2 pour cent du produit intérieur brut (PIB) le coût des importations liées aux inondations et l’achat de nourriture et de carburant jusqu’en 2013 – une somme que les recettes anticipées provenant des exportations de diamants ne permettront pas de couvrir. L’estimation du FMI ne prenait pas en compte la hausse actuelle des prix.

Et il y a pire encore : selon une évaluation mondiale de la sécurité alimentaire réalisée par le service de recherche économique du ministère américain de l’Agriculture (USDA) et comprenant des projections pour les 10 prochaines années, près de 100 pour cent de la population du Lesotho, de la République démocratique du Congo (RDC), du Burundi et de l’Érythrée souffrira d’insécurité alimentaire jusqu’en 2022.

« L’Angola a également eu de très mauvaises récoltes (temps sec) et on s’attend à ce que le pays importe des quantités plus importantes de céréales que l’an dernier. Le Zimbabwe aura aussi besoin d’importer plus de céréales, mais les stocks qu’il a accumulés l’aideront néanmoins à combler en partie le déficit croissant de 2012/13 », a indiqué Mme Balbi dans un courriel.

Afrique centrale

En Afrique centrale, le Congo, la Guinée équatoriale et le Gabon « dépendent presque entièrement des marchés internationaux pour combler leurs besoins en matière de céréales (blé et riz) », a dit Mme Balbi. « La République centrafricaine et le Cameroun sont généralement auto-suffisants pour le maïs, leur denrée de base, mais les perspectives demeurent incertaines pour la récolte de cette année, et il se peut qu’ils doivent en importer en 2013. »

« Par ailleurs, ils importent généralement des quantités importantes de blé et de riz, qui sont principalement destinées aux consommateurs des zones urbaines. »

Young girls eating a midday meal at at World Food Programme school feeding centre near Bouza, Niger
Photo: Phil Behan/WFP
Les habitants du Sahel sont particulièrement vulnérables
Afrique du Nord et Moyen-Orient

La Syrie et le Maroc sont deux pays à surveiller. Dans le cas de la Syrie, les conséquences du conflit interne et des sanctions internationales pourraient s’ajouter à celles de la hausse des cours mondiaux des céréales et entraîner une détérioration de l’insécurité alimentaire.

Le conflit civil prolongé qui règne en Syrie laisse planer l’incertitude quant à la prochaine récolte de blé, indique l’évaluation du SMIAR. Au Maroc, on s’attend à ce que la production de blé enregistre une baisse de 40 pour cent par rapport à 2011 en raison des précipitations insuffisantes.

En règle générale, les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient sont largement tributaires des importations pour satisfaire leurs besoins en céréales. « Même les bonnes années, ils importent entre 30 et 70 pour cent de leur consommation intérieure de céréales », a dit Mme Balbi. « En dépit des généreuses subventions alimentaires qui ont été mises en place et de l’inflation relativement modérée des prix des denrées alimentaires, la facture des importations céréalières – et le fardeau que représentent les subventions alimentaires pour le budget de l’État – augmentent considérablement avec la hausse des cours mondiaux. »

Asie

En Asie, le Bangladesh, l’Indonésie et les Philippines, qui dépendent des importations de blé, pourraient également être vulnérables à une augmentation des cours mondiaux des denrées alimentaires.

On s’inquiète par ailleurs des énormes commandes d’importation passées par la Chine, l’un des plus grands consommateurs mondiaux de céréales. Selon The China Daily, les importations céréalières (toutes céréales confondues) ont augmenté de 41,2 pour cent dans la première moitié de 2012. Les mauvaises moussons dans certains pays de l’Asie du Sud-Est et les inondations dans d’autres suscitent également les préoccupations.

Les États-Unis espéraient que des pluies surviennent en juillet et atténuent la sécheresse, mais les derniers rapports de l’USDA indiquent qu’elle s’est intensifiée. Le pourcentage des cultures de maïs jugées bonnes à excellentes a chuté à 24 pour cent – 38 points de moins qu’à la même époque en 2011 – et celui des cultures de soja a baissé à 29 pour cent – 31 points de moins qu’à la même époque l’an dernier.

Afin d’illustrer la gravité de la sécheresse, les estimations du volume des récoltes de maïs et de soja ont été révisées à la baisse de 2 pour cent en l’espace d’une semaine seulement. Toute contraction des approvisionnements en maïs et en soja, principalement utilisés pour nourrir le bétail, pourrait avoir un impact sur le prix du blé, la céréale la plus consommée dans le monde entier.

Inde

Avec la deuxième population de la planète, l’Inde est l’un des principaux consommateurs et producteurs de nourriture. La survenue d’une sécheresse dans le pays aurait des conséquences importantes pour le reste du monde.

Cette semaine, le ministre de l’Agriculture Sharad Pawar a dit que 400 des 627 districts de l’Inde avaient reçu des pluies de mousson insuffisantes, mais qu’il était de la responsabilité des provinces affectées de déclarer l’état de sécheresse. Les pluies de mousson déterminent la quantité de riz plantée.

Tandis qu’un phénomène El Niño faible à modéré se développe dans l’océan Pacifique, le Département météorologique indien a indiqué, le 2 août, qu’il était fort probable que le pays ne reçoive pas suffisamment de pluies d’ici la fin de la saison, en septembre, et a déclaré la mousson insuffisante (moins de 90 pour cent de la moyenne sur 50 ans), ce qui équivaut à un état de sécheresse.

L’élévation de la température des eaux de surface dans le centre et l’est de l’océan Pacifique annonce la formation d’un nouvel El Niño, un phénomène climatique qui se manifeste généralement par des perturbations des saisons des pluies et une diminution des précipitations en Amérique centrale, dans le sud de l’Afrique, en Australie, en Indonésie, aux Philippines et en Inde.

La FAO a indiqué que l’insuffisance des pluies de mousson en Inde aurait un impact sur la production mondiale de riz, mais qu’on s’attendait malgré tout à ce que le volume de la production mondiale augmente par rapport à l’année précédente. « Contrairement aux tendances observées sur les marchés du maïs et du blé, les prix du riz sont demeurés étonnamment stables après avoir augmenté de 2 pour cent en mai », a indiqué la FAO dans sa mise à jour sur le riz publiée le 6 août. « En raison d’approvisionnements et de stocks abondants de riz, la probabilité d’un rebond des prix au cours des prochains mois est minimale, même si la future orientation des prix du riz demeure incertaine. »

jk/he-gd/ag/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join