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Crise au Nord-Kivu

Population fleeing their villages due to fighting between FARDC and rebels groups, Sake North Kivu the 30th of April 2012 Sylvain Liechti/MONUSCO
Quelque 220 000 personnes ont été récemment déplacées dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) depuis qu’un groupe d’anciens rebelles intégrés aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) s’est mutiné et a commencé à s’emparer de villes et de territoires dans la province du Nord-Kivu, ne rencontrant souvent que peu de résistance.

Avec un nombre total de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) dans l’est du RDC dépassant les deux millions pour la première fois depuis 2009, et avec la crainte que les rebelles ne se rapprochent de la capitale régionale, Goma, les besoins humanitaires augmentent dramatiquement, en matière d’abri, d’eau et d’assainissement, de santé, de denrées non alimentaires et alimentaires, notamment.

Cela a des dimensions régionales importantes : près de 20 000 personnes, y compris 600 soldats des FARDC, ont cherché refuge au Rwanda et en Ouganda – où les responsables ont dit qu’ils étaient submergés par l’afflux de personnes – tandis que Kigali est accusé de soutenir les insurgés, ce que la capitale rwandaise conteste avec véhémence.

Quelles sont les raisons à l’origine du conflit actuel ?

Pendant de nombreuses décennies, les problèmes interdépendants de nationalité (qui est un vrai Congolais ?), de droit du sol et d’ethnicité, couplés avec l’absence d’autorité étatique réelle et la présence de riches gisements de minerais, ont conduit à l’instabilité et au conflit armé dans l’est de la RDC. Les Tutsi ont été particulièrement touchés par les tensions entre les populations ‘autochtones’ et les populations ‘installées’ dans cette partie du Congo. La plupart des combats ont éclaté à l’est durant les guerres congolaises de 1996-1997 et 1998-2003.

Après le renversement du gouvernement hutu par les rebelles tutsi (FPR) au Rwanda en 1994, lors du génocide conduit par l’État, des centaines de milliers de Hutus, y compris de nombreux Hutus responsables des tueries au Rwanda, ont passé la frontière vers l’est de la RDC. Certaines de ces milices se sont regroupées pour former les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe encore présent aujourd’hui et contre lequel Kigali a envoyé, à deux reprises, des troupes en RDC pour soutenir les groupes armés des Tutsi congolais.

Les racines de ce groupe armé sous commandement tutsi, le M23 - nom utilisé aujourd’hui par les insurgés – sont inséparables de son histoire.

Son dirigeant, Bosco Ntaganda, s’est battu pour le FPR (Front patriotique rwandais) en 1994, lors de la chute de Kigali, et a été second en chef puis chef du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), un groupe établi depuis 2006 et dont l’intention proclamée est de protéger les Tutsi du Nord-Kivu contre les FDLR. (Comme Laurent Nkunda, le chef du CNDP qu’il a remplacé, M. Ntaganda est recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre. Kinshasa a refusé de prendre acte du mandat d’arrêt émis par la CPI, arguant que M. Ntaganda était un acteur clé pour restaurer la stabilité dans le Nord-Kivu)

En avril 2012, M. Ntaganda et plusieurs de ses partisans ont déserté les rangs des FARDC, car ils reprochaient au gouvernement de ne pas respecter les termes de l’accord qui a permis la transformation du CNDP en parti politique et l’intégration de ses forces dans l’armée et la police. Cet accord a été conclu le 23 mars 2009, d’où le nom de M23. Le groupe a indiqué que les réformes administratives et le retour des réfugiés tutsi du Rwanda étaient des conditions de l’accord de 2009 qui n’avaient pas été remplies.

Quelle est la progression du M23 depuis avril ?

En mai, les insurgés ont annoncé qu’ils agissaient sous le nouveau commandement du colonel Sultani Makenga. Le M23 a profité du cessez-le-feu des FARDC pour quitter l’ancien bastion du CNDP, dans le district de Masisi, et se diriger vers l’est, en direction de Runyoni, un sommet montagneux stratégique du parc national des Virunga, au carrefour des frontières de l’Ouganda, du Rwanda et de la RDC.

En mai, le M23 a progressé dans la zone avant d’être repoussé par les FARDC, mais, en juin, alors que les rebelles bénéficiaient du soutien du Rwanda d’après certaines allégations, le M23 a fait une nouvelle démonstration de force.

Le 6 juillet, le M23 a pris le contrôle de Bunagana, une ville minière stratégiquement située dans le district de Rutshuru, à la frontière ougandaise. Selon le colonel Makenga, chef des rebelles, le groupe armé s’est ensuite emparé de quatre nouvelles villes dans le district. « Nous allons nous retirer et laisser la place à la MONUSCO [Mission des Nations Unies pour la stabilisation en RDC] et à la police nationale », a-t-il dit à l’AFP. Les rebelles ont notamment déclaré qu’ils ne rendraient pas le contrôle des villes aux FARDC. « Nous ne sommes pas là pour occuper les villes, mais pour faire entendre nos voix », a-t-il ajouté.

De quelle manière la sécurité générale est-elle affectée dans le Nord-Kivu ?

Alors que les FARDC ont mobilisé des ressources pour combattre le M23, les conditions de sécurité ont rapidement dégénéré dans d’autres parties des provinces du Kivu. Des éléments des différentes milices, connues sous le nom de Maï-Maï, ont intensifié leurs activités militaires, y compris, dans le territoire de Masisi au Nord-Kivu, le groupe Maï-Maï Kifuafua qui s’est allié avec Raia Mutomboki, un autre groupe Maï-Maï. Selon la police, cette coalition est responsable du massacre de plus de 200 personnes dans une douzaine d’attaques en plusieurs jours à la mi-mai. Des témoins ont dit que les attaquants avaient annoncé qu’ils voulaient tuer tous ceux qui parlaient kinyarwanda, la langue nationale du Rwanda.
Début juin, au nord, le chef d’un autre groupe Maï-Maï qui serait lié au M23, le général Kakule Sikula Lafontaine, a donné l’assaut contre une base de l’armée du territoire de Lubero au nord-Kivu.

À l’ouest, dans le territoire de Walikale, les FDLR ont pu avancer, car les soldats des FARDC s’étaient redéployés ailleurs. Dans certaines villes, la passation de pouvoir entre les FARDC et les autres groupes armés s’est déroulée pacifiquement. À Pinga, par exemple, les FARDC ont été remplacées par l’Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain (APCLS), un groupe Maï-Maï établi en territoire Masisi qui affirme vouloir protéger l’ethnie Hunde contre les menaces prétendument posées par ceux de langue kinyarwanda. Le retour définitif des FARDC dans ces zones risque de provoquer de nouveaux conflits.

Quel rôle joue le Rwanda au sein du M23 ?

Aucun rôle du tout, selon le gouvernement de Kigali. Cependant, début juin, Human Rights Watch a publié un rapport affirmant que le Rwanda avait recruté, entraîné et armé des membres du M23. Plus tard en juin, un addendum du rapport publié par le Groupe d'experts des Nations Unies sur la RDC est allé encore plus loin en affirmant que le Rwanda avait directement contribué à la création du mouvement en transportant des soldats et des équipements à travers son territoire. Il est également écrit que l’armée nationale du Rwanda se serait infiltrée en RDC pour aider le M23 et aurait violé les embargos sur les armes et les restrictions de déplacements en soutenant des individus sanctionnés par les Nations Unies comme M. Ntaganda. L’addendum a indiqué que, parmi les combattants du M23, il y avait des soldats démobilisés et rapatriés des FDLR ainsi que des réfugiés congolais vivant au Rwanda.

Le document a indiqué que le ministre de la défense rwandais, James Kaberebe, a été « en contact permanent avec le M23 ». Les mêmes accusations sont portées contre le chef d’état-major de la défense, le lieutenant Charles Kayonga, et le conseiller militaire de Paul Kagame, le général Jacques Nziza.

Le document présentait également des preuves du soutien supposé du Rwanda à, au moins, six autres groupes dans la région. Il a rapporté que le Rwanda avait étendu ses activités dans l’est de la RDC ; en soutenant des groupes armés dans une tentative d’assassinat des dirigeants des FDLR, et en soutenant diverses mutineries armées, au Sud-Kivu comme au Nord-Kivu, suite aux élections de 2011.

Le président rwandais Paul Kagame a qualifié ces allégations de « fictives » tandis que la ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, a déclaré dans un communiqué que le Rwanda avait l’intention de fournir des preuves contre les déclarations du Groupe d'experts et que la RDC devait prendre ses responsabilités pour n’avoir pas su contenir la mutinerie. « Ce n’est évidemment pas dans l’intérêt du Rwanda de faire quoi que ce soit qui puisse provoquer de l’instabilité dans la région. Nous avons travaillé à pied d’œuvre avec nos homologues congolais pour tenter de contrer la rébellion », a-t-elle dit.

Quel est l’impact humanitaire de la rébellion ?

La RDC présente un bon exemple d’ « épuisement du conflit ». Les organisations humanitaires, basées à Goma pour la plupart, atteignent leurs limites. Les Nations Unies estiment que 220 000 personnes ont été déplacées en RDC de l’est depuis décembre à cause des affrontements et des massacres de civils. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) prend en charge 90 000 personnes déplacées dans 31 camps. Début juillet, les Casques bleus ont abandonné leur position à Bunagana, à la frontière ougandaise, suite à une nouvelle vague de conflits qui a causé la mort d’un Casque bleu indien lors de la prise de contrôle de la ville par les rebelles.

Selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), la protection des civils et l’accès humanitaire sont rendus difficiles par le conflit qui fait rage au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. Les organisations humanitaires n’ont plus les moyens de répondre aux besoins essentiels des PDIP.

Sur les fronts du conflit opposant le M23 aux FARDC, les civils sont bloqués ; d’autres sont en déplacement perpétuel. Le gouvernement est réticent à prendre en charge de nouveaux camps de PDIP dont le nombre a été réduit de plus d’un tiers depuis 2009.

De nombreux déplacés vivent dans de mauvaises conditions au sein de campements improvisés et en utilisant les infrastructures publiques existantes. Dans le territoire de Masisi, Médecins Sans Frontières (MSF) a signalé une augmentation nette des lésions traumatiques causées par des machettes, des armes contondantes et des balles, et a déclaré que ces cas représentaient 25 pour cent de toutes les blessures nécessitant une intervention chirurgicale à l’hôpital de Masisi pour le mois de mai, soit 2 pour cent de plus qu’en avril.

Dans le même temps, une épidémie de choléra touche actuellement huit des onze provinces de la RDC. L’hôpital général de Rwanguba, près de Rutshuru au Nord-Kivu, a admis plus de 530 cas depuis fin mai.

Et maintenant ?

Des personnalités phares de la communauté internationale, comme les États-Unis, ont déjà commencé à exprimer publiquement leurs inquiétudes en écrivant à Kigali.

Malgré des affirmations selon lesquelles le M23 progresserait vers Goma, la capitale régionale du Nord-Kivu, l’armée rebelle serait toujours à 40 km au nord de la ville et des communiqués récents suggèrent que, ayant démontré leur force, les insurgés voudraient négocier avec le gouvernement plutôt que de poursuivre leur campagne militaire. Des témoins ont dit que les nouvelles de l’avancée des rebelles avaient provoqué la panique parmi les habitants et avaient plongé la ville dans l’instabilité. Selon certaines sources, le 9 juillet, des conducteurs de taxi-motos congolais, décrits comme des ‘gangs anti-Tutsi’, ont manifesté dans les rues aux côtés de groupes de jeunes pour protester contre l’insécurité.

D’après certaines informations, des étudiants rwandais auraient quitté Goma par peur des représailles, car ils sont de la même nationalité que l’armée rebelle.

Dans un communiqué, la MONUSCO, la mission des Nations Unies pour le maintien de la paix, a exprimé ses inquiétudes concernant l’avancée des rebelles et a également rapporté des informations non vérifiées de violation des droits de l’homme dans les zones contrôlées par le M23, ainsi qu’une attaque de la prison de Rutshuru ayant provoqué l’évasion de détenus.

La MONUSCO déploie également des hélicoptères de combat. « En étroite coordination avec les FARDC, les hélicoptères de combat [de la MONUSCU] ont été utilisés pour défendre les civils, avec pour objectif de freiner l’avancée du M23. De plus, la mission a redéployé ses ressources pour renforcer sa présence sur les positions avancées du front, dans cette zone », ont indiqué les Nations Unies dans un communiqué de presse.

ob/sd/he

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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